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La sinophobie rampante d’Arte

Ce n’est pas la première fois que la chaîne Arte accrédite par son aura prestigieuse des préjugés antichinois largement répandus en Occident (1). En voici deux nouveaux exemples fournis par ses présentateurs vedettes, Claude Askolovitch et Élisabeth Quin.

Un rapprochement injustifiable

Le billet de Claude Askolovitch dans le « 28 minutes » d’Arte du 30 octobre était consacré à l’examen gynécologique intempestif, subi à l’aéroport de Doha par des femmes suspectées d’avoir mis au monde un bébé et l’avoir abandonné.

En partant de ce scandale, de ce viol sexiste, Claude Askolovitch, toujours prompt à dénoncer avec sensibilité les injustices, s’insurge à juste titre contre notre complaisance face au Qatar qui s’autorise tous les droits (achat de la Coupe du monde, servage des ouvriers étrangers, propagation du terrorisme islamiste, etc.)

Mais quel mouche le pique de terminer sa philippique par l’évocation des ... Ouïghours, des Tibétains et des Hongkongais !? Alors que la Chine a vaincu l’archaïsme sexiste, qu’elle combat le terrorisme islamiste et qu’elle a sauvé de la misère 700 millions d’habitants ! Comment expliquer cet amalgame Chine-Qatar sinon par une paranoïa collective ?

Après le bêlement politico-médiatique « Venezuela-a-a-a », place au tube « Ouïghou-ou-ou-our » ?...

Des préjugés tenaces

Au cours du « 28 minutes » d’Arte du 12 novembre 2020, la sémillante Élisabeth Quin recevait Marion Chaygneaud-Dupuy, « l’alpiniste qui nettoie les sommets de l’Himalaya », la première Européenne à avoir escaladé trois fois l’Everest. Après avoir découvert l’extrême pauvreté et la souffrance à Calcutta, sa quête spirituelle a conduit cette jeune Périgourdine dans un monastère bouddhiste à Darjeeling où elle a séjourné quatre ans. Puis elle est passée de l’autre côté de l’Himalaya, à Lhassa où elle vit depuis vingt ans. Avec une équipe d’alpinistes tibétains, forte de 50 à 100 personnes, elle s’efforce de rendre au sommet du monde sa pureté en y collectant les tonnes de déchets abandonnés par les innombrables escaladeurs (2).

Après un bref échange sur le nettoyage des cimes, on aurait espéré qu’Élisabeth Quin interroge Marion Chaygneaud-Dupuy sur sa collaboration avec les alpinistes tibétains, sur ses liens d’amitié avec eux, sur leur langue de communication, sur le fonctionnement et l’animation de cette équipe locale, sur ses contacts avec les autorités de la préfecture de Shigatsé et du canton de Tingri où est situé l’Everest, sur ses conditions de vie à Lhassa en tant que Française, etc. Au lieu de cela, Élisabeth Quin n’a pas pu s’empêcher de lui poser une autre question hors propos qui lui brûlait les lèvres (transcription fidèle du dialogue) :

− Il est question depuis plus de vingt ans d’une mainmise des Chinois, d’une sinisation avec assimilation des populations, le mandarin étant enseigné dans les écoles et le tibétain devenant une langue absolument secondaire : qu’en est-il, et pouvez-vous d’ailleurs en parler, de cette réalité ?

− Merci de me poser la question. Je ne m’y attendais pas. Je vis à Lhassa. Je suis témoin de toute cette évolution. Aujourd’hui, je dirais qu’il y a un petit renversement de situation où les valeurs tibétaines sont remises à l’ordre du jour.

− Par les Chinois ?

− Oui, par les Chinois qui viennent rechercher une source non seulement de don et de ressourcement spirituel, mais aussi de sagesse pour donner du sens aux nouvelles générations.

− ... et aux touristes chinois. Pourvu qu’on ne les étouffe pas, c’est tout ce qu’on peut souhaiter aux Tibétains...

La première question posée par Élisabeth Quin n’était pas une vraie question puisque les contre-vérités énoncées (notamment « la langue tibétaine absolument secondaire ») étaient présentées in fine comme une « réalité », avec, en plus, la perfidie « pouvez-vous en parler ? » comme si son invitée était soumise à une censure (sous-entendu chinoise). Sans se laisser démonter, au contraire : « Merci de me poser la question. Je ne m’y attendais pas », Marion Chaygneaud-Dupuy, en souriant, va balayer, par son témoignage de première main, les préjugés, fort peu déontologiques, d’Élisabeth Quin, laquelle poursuivra son idée fixe en concluant, sans rapport avec la phrase précédente, par un souhait en forme de slogan, présupposant un éventuel « étouffement » des Tibétains.

Comme disait Einstein, il est plus facile de briser un atome que de briser un préjugé.

(1) Voir http://tibetdoc.org/index.php/politique/mediatisation/467-arte-d-indecrottables-prejuges ; voir aussi l’analyse critique du reportage d’Arte « 7 milliards des suspects » par Emmanuel Wathelet sur le « blog du radis » (16/05/2020). Je me souviens encore d’un documentaire réalisé par Shi Ming et Thomas Weidenbach intitulé « Tibet : les enjeux d’un conflit », diffusé sur Arte les 24 et 26 septembre 2013. Ce documentaire, très partial, avait suscité en moi quelques réflexions ; je les ai envoyées à la rédaction d’Arte qui ne m’en a même pas accusé réception malgré un rappel.
(2) Sujet déjà évoqué sur ce site : http://tibetdoc.org/index.php/environnement/ecologie/397-grand-nettoyage-du-qomolangma

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