Le christianisme est limpide là-dessus : « Soyez froids ou soyez chauds, mais les tièdes, je les vomirai de ma bouche »(voir Apocalypse, 3, 16). Les autres religions sont tout aussi claires. C’est d’ailleurs un de leurs traits caractéristiques que d’y chérir les fervents, tout en considérant les mécréants et autres impies comme autant d’utiles repoussoirs pour baliser la voie divine.
Dans cette unanimité, une religion pourtant se démarque, celle de Saint Popo qui usurpe sans vergogne le nom de science, celui de de la « science politique ». Car les modérés, les neutres et les insipides, loin de les vomir, elle en fait sa pitance quotidienne, son modèle de vertu.
Au contraire des autres religions ses frangines, elle vénère la tiédeur et rejette les extrêmes. Qu’ils soient de droite ou qu’ils soient de gauche, la science politique les renvoit tous les deux dans les cordes. Ensemble. Comme des frères ennemis dont le destin serait inévitablement lié, et qu’elle met ensemble dans des sacs-poubelles « tous déchets ».
Avec cette religion parée des oripeaux de le science, la vérité est immanquablement au centre, gage de cette neutralité pompeusement appelée « axiologique » (Voir Batia n° 63 « Neutralité axiologique et fellation du manche »). Cette religion centriste, cet intégrisme de la neutralité, cet extrémisme du juste milieu, on a l’occasion de le vérifier à chaque élection, ces grands- messes dûment commentées par ses prêtres les plus huppés dans les médias complaisants.
Ils y dénigrent dans un même élan extrême droite et extrême gauche, sans s’embarrasser de nuances pour les distinguer. Que leur option de société à chacune diffère diamétralement l’une de l’autre n’a aucune importance au regard du fait qu’elles sont toutes deux désignées comme « extrêmes ». Une désignation qui vaut exclusion, suffisamment puissante pour écarter du champ de l’acceptable l’une comme l’autre, également stigmatisées comme tache sur le drap virginal de la démocratie parlementaire. Et que celle-ci soit rouge vif ou au contraire noire foncée n’importe guère. Une tache est une tache... et cela fait tache.
Cependant, quelle ressemblance peuvent avoir ces extrêmes que vomit la religion de Popo ?
L’extrême droite, ce que l’on aime appeler ainsi, n’est autre en fait que le fascisme dont on préfère autruchement taire le nom. Ce ne serait pas scientifique, paraît-il, de l’appeler fascisme, et le fascisme ne serait qu’une parenthèse historique ouverte après la Première Guerre, et refermée après la Deuxième, définitivement vaincu. Qu’importe les références et les influences, les parentés et les héritages du fascisme d’aujourd’hui avec celui d’hier. Réputé mort et enterré, il ne peut plus exister.
Pourquoi les prêtres de Popo s’ingénient-ils donc à ne pas appeler un chat un chat, et fascisme ce qui est du fascisme. Pourquoi les désignent-ils sous ce vocable édulcoré, quoiqu’excluant, d’« extrême droite » ?
Certes, il y a des différences qui distinguent l’Hitler d’hier de la Pen d’aujourd’hui : le premier portait une moustache par exemple, mais pas la seconde, et l’un disposait d’une Sturmabteilung pour faire le coup de poing dans les banlieues ouvrières, l’autre pas – pas encore du moins... Mais peut-on pour autant refuser de les inscrire dans un même courant historique ?
Car, aujourd’hui comme hier, le fascisme représente une solution de remplacement à l’impuissance du parlementarisme en période de crise. En témoignent sa vision militaire et autoritaire de l’État, son programme économique ultralibéral prêt à être appliqué, et ses promesses pour aguicher les masses désemparées (piquées à la social-démocratie qui les a abandonnées), des promesses dans lesquelles la solidarité nationale remplace racistement la solidarité sociale, où l’ennemi n’est plus ni le bourgeois ni le patron, mais l’immigré et le demandeur d’asile.
Que ce soit dans les médias ou dans les universités, en parlant pour sa forme actuelle, non de fascisme mais d’extrême droite, les popolitologues occultent que le fascisme contemporain soit ce produit du capitalisme, candidat au remplacement de la démocratie parlementaire si cela s’avère nécessaire.
Par contre, en stigmatisant seul le fait qu’il soit extrême, les prêtres de Popo dénigrent tout autant comme suspect, puisqu’il est maxime de dire qu’ils se rejoignent, l’autre extrême qui s’y oppose : la gauche radicale. Cataloguée elle aussi de cet infâmant terme d’extrémisme, elle défend pourtant des valeurs radicalement différentes, opposées et antagonistes : celles de la solidarité de tous les opprimés, celles de l’élimination de toutes les inégalités. Et à la différence du fascisme, elle s’en prend, elle, au capitalisme lui-même.
C’est qu’il n’y a pas, n’en déplaise aux fidèles du dieu Popo, de « bonne » démocratie et de « mauvais » extrêmes en soi. Il y a d’une part le capitalisme, que défendent de concert tant le fascisme que le parlementarisme bourgeois. Et de l’autre, il y a les luttes pour s’en débarrasser.
Alexis Leclef - Science Popo 11 (Science Politique Popularisée)