Des centaines de personnes, désignées par de nombreux témoins comme étant des migrants, ont envahi le centre-ville de Cologne, s’en prenant notamment aux femmes présentes dans les rues, alors que la police, dépassée, restait impuissante. Après des faits aussi graves, le dernier des commissaires ou des chroniqueurs devrait se poser la question capitale pour comprendre : quelle mouche a piqué des centaines de jeunes pour qu’ils se mettent tous à agresser des filles alors que pareil phénomène n’a jamais eu lieu auparavant ? Le journaliste enquêteur, quant à lui, va interviewer des victimes et tenter de trouver des coupables pour accréditer sa thèse. Et conclure par la même si ces actes étaient spontanés ou bien planifiés et prémédités. Ou même commandités. Car la thèse de la spontanéité ne tient pas la route, des centaines de jeunes ne pouvant devenir tous violents au même moment sans se connaitre. 516 plaintes ont été déposées à Cologne concernant la nuit du 31 décembre, dont 200 pour agression sexuelle.
Le Monde n’a pas demandé une contribution sur la nuit de Cologne à Rachid Boudjedra ni à Malek Chebbel ou à des centaines d’intellectuels musulmans vivant en France. Au lieu de parler des agressions en question et attribuées par la police locale à des hommes d’origine étrangère tout en se refusant à toute « instrumentalisation » visant les réfugiés, monsieur Daoud accable ce qu’il appelle tout le « monde d’Allah » avec son milliard d’âmes, pas seulement ceux qui ont commis ces agressions, si tant est que tous les auteurs soient des musulmans.
« Le fantasme n’a pas attendu les faits, » dit Daoud, signifiant que le viol et la violence sont inscrits dans les gènes musulmans et le fantasme, l’obsession, la perversion, donc la violence et l’agression, précèdent le crime de Cologne. Dans le New York Times du 12 février dernier, il est plus clair : « L’attaque de femmes occidentales par des migrants arabes à Cologne, en Allemagne, durant la nuit de la nuit de la Saint-Sylvestre rappelle l’agression des femmes à la Place Tarhrir en Egypte durant les journées grisantes de la révolution égyptienne ». Avant la police, il nomme donc les coupables ! Et invente un viol collectif au Caire, du moins celui que les « islamistes » attribuent à la police de Sissi. Cette citation est aussi très claire : « C’est le pendant de « Colonisation » : envahir un pays pour se s’approprier ses terres. Cela s’est donc passé dans la gare de la ville allemande du nom de ce syndrome, pendant les fêtes du début de la nouvelle année. Une foule des "Autres", alias maghrébins, syriens, "arabes", réfugiés, exilés, envahisseurs, a pris la rue et s’est mise à s’attaquer aux femmes qui passaient par là. »
La raison est que « L’Autre vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir. » L’accusé, l’Autre, l’émigré, ce malade qui, s’il est accueilli, doit être également soigné. Sinon, il commettra de nouvelles agressions à Cologne, Paris ou ailleurs. Il faut s’en méfier, car « Il suffit de rien, du retour du grégaire ou d’un échec affectif pour que cela revienne avec la douleur. »
Monsieur Daoud ne parle pas des « tournantes », phénomène connu depuis longtemps en France, ces viols collectifs tristement connus dans certains quartiers de l’Hexagone. Il ne mentionne pas ce qui discrédite sa thèse. « Le rapport à la femme est le nœud gordien, le second dans le monde d’Allah, » la terre d’islam n’étant pas une terre où il fait bon vivre, dit et sous-entend Daoud : « vaste univers douloureux et affreux » que ce territoire qui va de Casablanca à Djakarta... Cette diabolisation des musulmans par la libido est accolée à leur prétendu amour de la mort et leur haine de la vie, symbolisée par la femme, qui doit être tuée, violée, étouffée : Cela donc est « une conviction partagée » « dans le monde d’Allah » et « qui devient très visible chez l’islamiste par exemple. L’islamiste n’aime pas la vie. » Les attaques visent donc toute une communauté, pas uniquement ceux qu’il appelle « islamistes », ce concept fallacieux inventé par les Occidentaux pour protéger le wahhabisme, qui est une hérésie. La liberté de conscience qui dessert non seulement la communauté mais l’humanité tout entière n’est pas digne de ce nom. Une liberté de conscience qui annihile une nation au prétexte de vouloir émanciper la femme ne sert ni l’une ni l’autre. D’ailleurs notre nation, comme tout autre, a produit des tonnes de livres et de textes qui montrent que le combat pour la liberté de la femme n’a pas attendu l’avènement des malheurs de Cologne pour dénoncer des faits, réels chez nous comme chez d’autres peuples. Dénoncer Cologne sans dénoncer le viol d’enfants, de femmes et d’hommes par les soldats américains à Bou Ghraïb, tout récemment en Irak, ou au Vietnam, ou ceux de la soldatesque coloniale en Algérie et ailleurs est une mystification de l’histoire. Une mystification volontaire. Une trahison envers son peuple. Un coup de poignard dans le dos. Qui ne mérite aucune comparaison avec le grand Salman Rushdie, un immense auteur qui n’a jamais renié son peuple, et injustement condamné.
Avant la police, il nomme les coupables !
Les musulmans sont des violeurs, puisque congénitalement obsédés voire, dénués de surmoi. Conjoncturellement, ils sont terroristes, égorgeurs, voleurs... Ces tares ont été répertoriées : ils sont chez les Arabes, les Noirs, les Sud-Américains et ont justifié les crimes que l’on sait : le jet de Sud-Américains par-dessus les falaises par les conquistadores, les enfumages du Dahra, les massacres de Sétif et Kharrata, l’extermination des Vietnamiens au napalm... Le lauréat du Prix Goncourt du premier roman français renforce son argumentaire contre le « monde d’Allah » : « La femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée. Cela dénote un rapport trouble à l’imaginaire, au désir de vivre, à la création et à la liberté. » Dit comme ça, cela semble bénin mais niée veut dire oppression, tuée veut dire crime, voilée et enfermée veulent dire déni de liberté, possédée veut dire violée. Que faut-il de plus aux musulmans pour être des sauvages ? Leur profil cadre à merveille avec le crime de Cologne.
Les tares congénitales du migrant l’accablent mais son âme peut être sauvée : « Le réfugié est-il donc "sauvage" ? Non. Juste différent, et il ne suffit pas d’accueillir en donnant des papiers et un foyer collectif pour s’acquitter. Il faut offrir l’asile au corps mais aussi convaincre l’âme de changer. » Ressassant l’argument du sexe perverti, Daoud ajoute : « On voit le survivant et on oublie que le réfugié vient d’un piège culturel que résume surtout son rapport à Dieu et à la femme ». Le texte du Monde est truffé d’approximations et d’absurdités : « Le corps de la femme est vu non comme le lieu même de la liberté essentielle comme valeur en Occident, mais comme une décadence : on veut alors le réduire à la possession, ou au crime à "voiler" ». Crime, viol : Daoud est sûr que le « monde d’Allah » « fabrique du vivant un zombie, ou un kamikaze qui rêve de confondre la mort et l’orgasme, ou un frustré qui rêve d’aller en Europe pour échapper, dans l’errance, au piège social de sa lâcheté ». L’infériorité du musulman par rapport à l’Occidental est patente dans ce portrait manichéen du monde et surtout d’une nation complexe, riche, multicolore et tout aussi équilibrée que les autres communautés humaines. Car si elle était réellement agressive ou violente, son milliard d’âmes aurait fait un massacre planétaire. Bien au contraire, ce qui se passe en Syrie, en Irak, ou en Libye montre que c’est la nation musulmane qui est violentée, agressée, humiliée, depuis le colonialisme à ce jour...
Dans sa contribution publiée en traduction dans le New York Times, « The sexual misery of the Arab World » (La misère sexuelle du monde arabe), M. Daoud ressasse le même prétendu rapport malsain des musulmans au sexe, écrivant que dans notre pays, les bancs publics sont sciés afin de ne pas permettre aux personnes de de sexe différent de s’asseoir les uns trop proches des autres. ["Benches are sawed in half to prevent people from sitting close together."] Cette invention, selon lui, conforte sa thèse fondée sur la déformation intentionnelle des faits et sur la volonté d’aggraver les détails insignifiants. Le positionnement pour la culture supposée supérieure est clair : « Ce qui semblait autrefois un spectacle étranger sur des lieux lointains apparaît désormais comme un choc des cultures se jouant sur le sol même de l’Occident. Ces différences [avec l’Arabe, le musulman, ndlr] autrefois désamorcées par la distance et un sentiment de supériorité sont devenues une menace imminente. Les Occidentaux découvrent, anxieux et apeurés, que le sexe dans le monde musulman est malade, et que la maladie se propage sur leurs propres terres. » Cet extrait du NYT n’est pas signé Le Pen, ni Trump, ni BHL, mais Kamel Daoud. Ce texte corrobore les déclarations des extrémistes occidentaux et ceux du parti populiste allemand, AFD, qui dit que « les migrants qui [...] n’ont visiblement aucun scrupule ou mauvaise conscience à s’en prendre à des femmes sont très dangereux et démontrent leur absence de volonté d’intégration ».
Ces absurdités pompées chez Gustave Le Bon et Ernest Renan pour ne pas dire chez Gobineau ne sont donc pas un simple coup de gueule ni une mauvaise formulation sur certains faits existants non seulement en terre d’islam mais partout dans le monde, si l’on juge le nombre de femmes violées en France, ou battues, par exemple. Les injustices contre la femme sont universelles et ne résident pas uniquement en le port obligatoire du voile dans certaines familles ou aux autres privations en terre musulmane et même chez les Amishes et les Mormons, aux USA. L’auteur du brûlot sait-il que la femme turque a obtenu le droit de vote en 1934, et que la Syrienne (1949), la Libanaise (1952), l’Egyptienne et la Malienne (1956), l’Algérienne (1962), l’Afghane (1963), la Libyenne et la Soudanaise (1964) l’ont obtenu bien avant celles de certains pays occidentaux (la Suisse en 1971, l’Australie et Monaco en 1962) ?
Plus d’un milliard d’habitants sont réduits à leur seul rapport à la religion, et dont tous les actes sont dictés par un sexe sans contrôle du surmoi, avec les conséquences qui en découlent : assassinat, viol, violence... Daoud ne s’arrête pas au diagnostic, il propose un programme d’insertion des émigrés et des réfugiés : « offrir l’asile au corps mais aussi convaincre l’âme de changer », puisque les Syriens forcés à l’exil ont besoin du recyclage de leur âme, d’un reformatage civilisateur, en somme d’être pacifiés comme cela s’est fait lors des colonisations, avec la croix et le canon.
Ce que Daoud ne peut pas dire dans Le Monde c’est que ces Syriens ont été forcés à l’exil par la France, les USA, la Belgique, l’Angleterre, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie et plus de 70 autres pays qui ont diabolisé Bachar El-Assad et émis des fatwas plus féroces que celles d’Al Qaradawi, Fabius disant que Bachar méritait de mourir, Hillary Clinton disant pareil de Kadhafi. Ces Syriens ont été forcés à l’exil par Daesh, An-Nosra et des dizaines d’autres groupes terroristes sponsorisés par Hollande, Cameron, Obama... Même si Daoud le pensait, Le Monde ne lui aurait jamais permis de l’écrire, sachant que ce journal est lui aussi responsable de la mort de milliers de Syriens, de Libyens, de Maliens, et de l’enrôlement dans le terrorisme de plus de 1200 Français ! Comme tous les medias français, ce journal a fait une propagande sans précédent pour les mercenaires qui allaient en Syrie.
Squattant le titre de psychiatre, Monsieur Daoud dresse un constat sur la situation de la femme musulmane avec ses propres normes alors que les organisations mondiales et les experts prennent en considération des critères précis comme la représentation en politique, le droit au travail, le trafic humain, la non-discrimination dans les lois, l’éducation, la scolarisation... Aussi libre que la Française ou la Belge dans les années 1970, la femme afghane n’a connu le drame de la burka et des viols qu’après l’envoi de Ben Laden et des talibans par les USA afin d’évincer un gouvernement socialiste. La femme irakienne jouissait, elle aussi, de tous ses droits avant l’agression américaine de 1994 et l’invasion de 2003, tout comme la femme syrienne, qui était un idéal pour toutes les Arabes avant qu’Obama ne commande à des hordes terroristes d’aller détruire un pays laïc qui a également le malheur d’être antisioniste. Il n’est pas nécessaire d’être journaliste pour savoir cela mais Daoud n’en dit mot, préférant à la vérité un mauvais recyclage d’idées perverses qu’Edward Saïd a démontées.
Cologne rend donc légitime la chasse à l’Arabe
Kamel Daoud est plus clair dans sa chronique du 18 janvier dans un journal algérien où il écrit, toujours surfant sur les agressions survenues à Cologne : « Le spectacle de la femme libre en Occident n’est pas vu comme l’essence même de la liberté et de la force de l’Occident, mais comme un caprice, un vice ambulant, une provocation qui ne peut se conclure que par l’assouvissement. La misère sexuelle du monde "arabe" est si grande qu’elle a abouti à la caricature et au terrorisme. [...] Et tout l’espace social est une prison du désir qui ne peut s’exprimer que dans la violence, la dégradation, la fuite vers d’autres terres ou la prédation et la clandestinité. »
C’est une nation sans destin, puisque malade, que caricature Daoud ; et au cliché déjà connu yatagan entre les dents, il ajoute une libido en érection pour trucider les innocentes occidentales sur les places publiques et dans les gares. Dans cette chronique, il invente même un néologisme, « Colognisation » qui en appelle donc à une résistance, normalement légitime, contre l’invasion des barbares. Puisque, écrit-il, « La "Colognisation" c’est cela aussi : une peur qui convoque l’irraisonnable et tue la solidarité et l’humain. » La "Colognisation" rend donc légitime la chasse à l’Arabe, pourquoi pas comme un certain 11 décembre 1960 ? Au lieu de chercher une compréhension politique des faits survenus, au lieu de mettre les capitales occidentales devant leurs responsabilités, puisque les auteurs des agressions sont des Occidentaux, fussent-ils d’origine arabe ou africaine, Daoud focalise sur leur prétendue identité de musulmans, alors qu’il sera prouvé que même des allemands de souche ont pris part à ces viols. Daoud n’interprète pas ces faits malheureux comme pouvant être une espèce de vengeance contre un Occident qui a non seulement détruit plusieurs pays arabes (Libye, Syrie, Irak...) mais incité des milliers de jeunes Occidentaux et étrangers à aller tuer et détruire en Syrie et en Irak, faisant du terrorisme un idéal pour 1200 français et entre 500 et 600 Allemands, entre 500 et 600 Anglais, 440 Belges, alors qu’il n’y a même pas 100 Algériens dans les rangs de Daesh ou d’An-Nosra bien que notre pays compte 40 millions de musulmans. Ce qui prouve que ce sont des Etats qui ont envoyé des paumés tuer et se faire tuer en Syrie. Ce qui montre aussi que Daoud ne connait rien à l’histoire immédiate ou fait semblant de l’ignorer pour corroborer une idéologie néocolonialiste et impérialiste qui salit l’islam pour vendre ses armes et mettre en œuvre son Nouvel Ordre mondial. Ce n’est pas pour rien que Dominique Valls prend position pour Daoud, avec une velléité de limiter la liberté d’expression à ceux qu’il adoube, faisant ainsi écho à la levée de bouclier internes et externes suscitées par la réponse de dix-huit intellectuels à la contribution de Kamel Daoud dans Le Monde.
L’une des "avocates" de Daoud avoue que l’auteur a « osé affirmer que les viols perpétrés à Cologne par des immigrés issus du monde arabo-musulman sont la conséquence logique d’une tradition portée sur la répression sexuelle et génératrice de frustration chez les jeunes ». Alors comment expliquer qu’on ne viole pas les filles dans nos rues et nos gares et que les malheureux événements aient eu lieu non pas à Oran, Alger ou Tiaret ni même à Khartoum, Bamako ou Tripoli ? Selon le raisonnement daoudien, les viols collectifs devraient être monnaie courante chez nous ! Et pourquoi Cologne ? N’est-il pas légitime de se demander si ces viols collectifs n’ont pas été commandés en vue de renforcer un sentiment antimusulman pour des visées à court, moyen ou long terme de l’impérialisme ? Car il n’y a pas de doute que ce sont les mêmes qui, dans un même but et une même stratégie, manipulent un auteur et de jeunes écervelés des quartiers de Cologne.
Celui qui dresse Le procès ne cache pas ses accointances passées avec le parti dissous et on ne sait pas à quel moment il a changé de cap. Peu importe. En tout cas on n’adhère pas au wahhabisme du FIS par un débordement de foi mais par une défaillance intellectuelle et c’est un même déficit qui dicte des positions extrémistes aux antipodes des premières. Dans son roman, Daoud nie le fait colonial ; et dans ses chroniques il n’accable pas le wahhabisme mais « le monde d’Allah », créant ainsi un amalgame qui n’a fait qu’alimenter la vague d’islamophobie. Très clair là-dessus, il dit et répète que le problème c’est la culture (religion) de l’arabe et du musulman. Est-ce aussi par ignorance que ses dernières chroniques sont plus une critique outrancière des pratiques musulmanes et algériennes qu’une contribution à la compréhension de l’islam et des musulmans, et encore moins une tentative de compréhension des phénomènes terroristes ou leur simple condamnation ? L’auteur ignore-t-il que Daesh et An-Nosra sont des bras armés de l’Occident pour ne jamais les citer, comme il ne cite jamais les monarchies qui financent le wahhabisme armé et prosélytique ? Sur la question palestinienne, copiées sur celles de Sansal sont les positions de Daoud, qui innove cependant en qualifiant de « tribal » le soutien de l’Algérie à la Palestine. Le soutien de la Suède et des 134 autres pays qui ont reconnu l’Etat palestinien l’est-il aussi ? Le « discours palestinien » des chroniques daoudiennes date au moins de 2012, lorsqu’il écrivait que le lien qui nous unit à la Palestine « est "obligatoirement" religieux, identitaire et toujours émotionnel. » Bien sûr, écervelés, les Algériens ne sont qu’un instinct qui parfois déborde, viole et tue. Donc à quoi cela sert-il de soutenir un peuple qui, comme les autres de même confession, prolifère sans utilité, sans signification, sans rêves, irrationnel, instinctif ?
Les arabes violeurs : nouvel argument offert à l’impérialisme
Il faut être clair, et l’ingérence de Valls vient de le prouver, certains écrivains et cinéastes algériens sont devenus une cinquième colonne pour l’Occident en général et la France en particulier. Elle leur permet non seulement de se déculpabiliser par rapport à la barbarie de la colonisation et de renforcer leur discours néo-impérialiste et sioniste. Les barbares admettent qu’ils sont pervers, des auteurs algériens en témoignent. Donc vive la nouvelle guerre inaugurée par les Bush père et fils et qu’Obama continue en Syrie, en Irak, en Libye... Comme Sansal, Daoud ne dit pas wahhabite et ne montre jamais du doigt l’Arabie saoudite, qui est responsable de cette hérésie qui ne mérite pas l’appellation d’islamisme car elle n’a rien à voir avec le Coran.
Ces idées essentialistes donnent du grain à moudre aux courants impérialistes, néocolonialistes et sionistes, et vont dans le sens de Samuel P. Huntington, le théoricien de l’impérialisme et des néoconservateurs. L’auteur du « Clash des civilisations » précise qu’une ligne de fracture passe entre l’Occident et le reste du monde, qu’il laisse soin aux extrémistes, y compris autochtones, de désigner par barbarie. Puisqu’il valorise « l’individualisme, le libéralisme, la Constitution, les droits humains, l’égalité, la liberté, le règne de la loi, la démocratie, les marchés libres », l’Occident doit se préparer militairement à affronter les civilisations rivales, notamment les deux plus dangereuses : l’islam et le confucianisme, qui, si elles s’unissaient, menaceraient la « civilisation ». Ceux qui dressent une carte manichéenne du monde, avec les civilisés d’un côté et les barbares de l’autres, ne peuvent que se réjouir d’une caricature qui désigne « le monde d’Allah » comme le pôle négatif par excellence. Faut-il se taire face à ceux qui offrent à l’impérialisme de nouveaux arguments pour nous renvoyer à nos fantasmes, à nos tares, et s’approprier la modernité tout en s’arrogeant le droit de nous civiliser par les moyens jugés nécessaires, guerre ou recolonisation... ?
L’Occident façonne, manipule puis exploite ses chevaux de Troie autochtones : cela fait partie de sa stratégie de manipulation des foules au sens large du terme, comme la qualifie Serge Moscovici. La manipulation des élites lui permet de manipuler les masses et même les médias, en vue de concrétiser des enjeux stratégiques qui se font sur le dos des faibles, avec chars et avions et même terroristes, comme en Syrie. Daoud ignore-t-il cela ?
Aujourd’hui, la cinquième colonne de l’impérialisme et du néocolonialisme en Algérie est non seulement est bien réelle mais elle rend très difficile la critique d’un livre (ou d’un film) célébré par un prix français : c’est que nous sommes déjà dans une nouvelle forme de colonialisme ! D’ailleurs, ceux qui sortent leurs griffes sont les mêmes que ceux qui ont défendu des films faits avec de l’argent algérien et qui insultent la révolution de novembre. Ce discours qui pue la haine de soi a été inauguré par Sansal dans Le serment des barbares (résumé de ce livre : nous, Algériens, sommes des barbares et avons fait le serment de le rester).
Contrairement à ce qu’on écrit certains de ses défenseurs, Daoud ne s’attaque pas au wahhabisme, lui préférant parfois le concept fourre-tout d’« islamisme », corroborant ce que certains Occidentaux veulent bien entendre, que la tare est dans l’islam. Très clair dans son propos, il généralise, disant « le monde d’Allah » et non pas le wahhabisme ni même « islamisme ». Contraint de lire ses anciennes chroniques pour comprendre le phénomène, j’ai constaté qu’il n’a jamais cessé d’accabler son peuple de fausses tares. Le 11 septembre 2015 il écrivait : « pourquoi les Algériens, en majorité, sont-ils si sales ? Nous sommes sales ! [...] Il y a tout dans la poubelle de l’âme. [...] Car, désormais, c’est ceci l’Algérie : des détritus, des décharges, des poubelles éventrées, un peuple au trois-quarts ignare, bigot, sale, incivique et intolérant. [...] La terre appartient à ceux qui la respectent. Si nous, les Algériens, en sommes incapables alors autant la rendre aux colons. »
Dans ses chroniques comme dans Meursault, contre-enquête, « Il déblatère sur la foi des musulmans pour les froisser, voire les blesser collectivement alors même que son sujet est censé se polariser sur le meurtre sans motif de l’arabe sans identité froidement achevé par Meursault qui crible le corps inanimé de quatre balles. Pour le moins, il aurait pu se risquer à diagnostiquer une sorte de haine tranquille, » pour citer le Dr Abdelouahab Mokhbi dans un texte intitulé « Kamel Daoud ou le syndrome Sansal ». Dans ses chroniques du Monde, du New York Times et du Quotidien d’Oran, Daoud extrapole volontairement, exagère, invente pour rendre plus sombre qu’il ne l’est un monde d’Allah qui, faut-il le rappeler, a eu son âge d’or et rien ne dit qu’elle n’en aura pas un autre, et dont les traces à Cordoue, à Grenade et ailleurs interdisent aux racistes les plus féroces mais plus intelligents de déverser dans haine et mépris pareils à ceux qui servant à devenir célèbres au prix d’un reniement. Avec Sansal et Houellebecq la littérature se trouve détournée de sa noble vocation de célébrer les peuples et les hommes. Les salir est un fait unique dans l’histoire du roman et même de l’art en général, puisque même un Céline qui s’est positionné pour le fascisme et Pétain n’a pas écrit une seule ligne insultante envers les juifs. Tous les philosophes, depuis Socrate et Aristote, en passant par Kant, Hegel et Etienne Souriau, donnent à l’art une mission d’ordre moral avant tout, en respectant l’humain pour l’élever vers le meilleur. Une littérature qui incite à la haine n’en est certainement pas une. De plus, rien ne peut salir un peuple, quel qu’il soit, et particulièrement le peuple de Novembre auquel les néocolonialistes ne pardonneront jamais d’avoir arraché son indépendance.
A.E.T.
Pourquoi Valls défend Daoud ?
L’ingérence du Premier ministre français, Manuel Valls, dans l’affaire Kamel Daoud est unique en son genre dans un débat d’idées. Non seulement il prend position mais pourfend les signataires du texte qui démonte la contribution de Daoud, et cela procède donc d’une velléité de faire taire les intellectuels, partout où ils sont, qui s’opposent à la pensée officielle, celle des BHL, Finkielkraut et autres Houellebecq qui monopolisent le débat en France. En vérité, d’une seule pierre, Valls vise non seulement les antisionistes, les anti-impérialistes mais tous les intellectuels libres, tous ceux qui suivent la voie de Naom Chomsky, ce libre penseur au sens sartrien du terme qui milite contre les velléités d’anéantir la liberté d’expression pour asseoir l’hégémonie sioniste, impérialiste et néolibérale.
Le profil des signataires permet de juger qui de Valls ou de ceux-là défend les musulmans et le monde arabe, quoique la meilleure solution soit d’aller lire leurs textes, disponibles même sur Internet : Joel Beinin, un juif antisioniste, a beaucoup écrit sur les dérives racistes et antimusulmanes. Également juive, Sonia Dayan-Herzbrun lutte contre le sionisme et milite pour le boycott des produits israéliens... L’anthropologue sud-africain David Theo Goldberg est spécialiste du racisme. L’iranienne Laleh Khalilie est membre fondatrice du Centre for Palestine Studies (CPS)... La politiste Nadia Marzouki est spécialiste des questions religieuses et d’Islam. Spécialiste de l’Arabie saoudite, Pascal Ménoret a un texte capital qui s’intitule « Le "wahhabisme", arme fatale du néo-orientalisme » qui prouve son anti-impérialisme. Elizabeth Shakman Hurd est l’auteur d’un livre important, « Beyond Religious Freedom : The New Global Politics of Religion » où elle explique comment, dans les dernières années, l’Amérique du nord et l’Europe se sont arrogés le droit de refaire la religion dans d’autres pays à travers un réseau d’initiatives sans précédent. Ajoutons le libanais Ghassan Hage, un spécialiste de Pierre Bourdieu, et Tristan Leperlier, auteur d’une thèse intitulé « Le champ littéraire algérien pendant la "décennie noire" (1988-2003) », qui connait la littérature algérienne en professionnel de la recherche pas avec des approximations.
A.E.T.