RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

La nouvelle politique étrangère étasunienne

Lors d’une récente conférence en Pologne, le stratège étatsunien Zbigniew Brzezinski a déclaré ceci : « Le déplacement actuel du centre de gravité du pouvoir politique mondial de l’Ouest vers l’Est, accentué par l’émergence de la Chine et de l’Asie plus généralement, annonce le début d’une distribution nouvelle et plus complexe du pouvoir mondial. »

Zbigniew Brzezinski n’est pas n’importe quel analyste. De 1977 à 1981, il a été conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter. Il est connu pour avoir recruté Ben Laden et planifié la guerre d’Afghanistan contre l’URSS. Zbigniew Brzezinski est surtout connu pour avoir créé, en 1973 avec David Rockefeller, le très puissante think tank la Trilatérale qui s’est fixé comme objectif la construction d’une coopération politique et économique entre les trois zones clés du monde : l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et l’Asie pacifique. L’ancien conseiller de Jimmy Carter a également été le conseiller de Barack Obama lors de la campagne présidentielle de 2008. Notons qu’après son élection, Barack Obama a nommé une dizaine de hauts fonctionnaires issus de la Trilatérale.

LES PRINCIPES DE LA POLITIQUE ETRANGERE ÉTASUNIENNE

Il y a une quinzaine d’années, Zbigniew Brzezinski parlait sur un autre ton. Dans son livre Le Grand Échiquier (1997), le cofondateur de la Trilatérale écrivait : « Il est impératif qu’aucune puissance eurasienne concurrente capable de dominer l’Eurasie ne puisse émerger et ainsi contester l’Amérique (...) Deux étapes fondamentales sont donc nécessaires. Premièrement, identifier les États géopolitiquement dynamiques qui ont le potentiel de créer un basculement important en terme de distribution internationale du pouvoir, et de décrypter les objectifs poursuivis par leurs élites politiques, et les conséquences éventuelles. Deuxièmement, mettre en oeuvre des politiques US pour les compenser, coopter, et/ou contrôler. » Pourquoi Zbigniew Brzezinski a-t-il changé de ton dernièrement ?

En réalité, beaucoup de choses ont changé sur l’échiquier politique mondial. Les échanges économiques et militaires entre la Russie et la Chine ne cessent de se multiplier. En 2012, le groupe des BRICS, qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, a annoncé son projet de banque Sud-Sud. Si les pays du Brics n’utilisent plus le dollar américain, ce sera la fin du système monétaire international actuel. Il faut savoir que les pays du BRICS représentent 40 % de la population mondiale et réalisent un quart du PIB planétaire. Par ailleurs, Moscou et Pékin renforcent de plus en plus leur coopération en matière de sécurité. L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) créée en 2001, regroupant six pays membres (Russie, Chine, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan Ouzbékistan) et quatre pays observateurs (Iran, Inde, Pakistan, Mongolie), reste une force politico-militaire non négligeable. Les pays membres de l’OCS effectuent des manoeuvres militaires conjointes de manière régulière.

Mais la montée en puissance de la Russie et de la Chine a-t-elle vraiment poussé Zbigniew Brzezinski et ses congénères à faire des concessions ? Les États Unis ont-ils changé de politique étrangère ?

En fait, la politique étrangère étasunienne a des principes immuables. Elle repose sur le principe de l’explorateur britannique Walter Raleigh (1552-1618) : « Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce du monde tient la richesse du monde ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même. » En 1919, l’un des adeptes de l’école de la maîtrise des mers, le géographe anglais John Mackinder a établi une théorie selon laquelle le monde peut être partagé en trois espaces : 1) Le « Heartland », une zone qui comprend l’Europe de l’Est et la Russie, considérée comme le centre du monde. 2) Le « Rimland » (croissant intérieur), région composée de l’Europe de l’Ouest, du Proche et Moyen-Orient, et de l’Extrême-Orient. 3) « The Off-Shore Continents » (croissant extérieur) ou reste du monde, composé de la Grande-Bretagne, Japon, Australie, Amériques du Sud et du Nord, Afrique. (Voir l’encyclopédie Wikipedia).

Selon John Mackinder, la domination du monde passe obligatoirement par la domination la zone pivot, le Heartland. Le géographe anglais voulait empêcher la Russie, qui possédait des ressources naturelles importantes et des infrastructures développées, de dominer le continent eurasien et d’accéder à l’ensemble des mers et des terres de la planète.

La théorie de John Mackinder a été développée par son disciple l’Américain Nicholas Spykman. Ce dernier considère que la zone pivot est le Rimland (région intermédiaire entre le Heartland et les mers riveraines). Les rapports de force entre la puissance continentale et la puissance maritime se jouent donc dans cette zone du Rimland. Il faut, par conséquent, à tout prix éviter l’union du Rimland et du Heartland. Pour Nicholas Spykman : « Celui qui domine le Rimland domine l’Eurasie ; celui qui domine l’Eurasie tient le destin du monde entre ses mains. » (Voir Les Cahiers du RMES « Réseau Multidisciplinaire d’Etudes Stratégiques », volume IV, numéro 1, 2007).

Afin de garantir l’hégémonie des États-Unis sur Eurasie, les Américains ont établie une stratégie à plusieurs axes. L’éclatement de l’Union soviétique a été provoqué afin d’affaiblir de manière irrémédiable la Russie. Après avoir divisé la Yougoslavie, envahi l’Afghanistan et détruit l’Irak, une opposition sunnite-chiite a été montée en toute pièce pour isoler l’Iran. Ensuite, le printemps arabe a été déclenché. La jeunesse arabe, révoltée contre les tyrans, a été exploitée. L’Empire espérait engendrer un effet domino afin de neutraliser la Syrie et l’Algérie, les derniers pays méditerranéens qui réfutaient le système mondial unipolaire. Sans aucun répit, l’empire américain continue de faire main basse sur les ressources naturelles dont la Chine a tellement besoin. Toutefois, l’axe anti-USA Russie-Iran-Chine est devenu très fort. Les États-Unis en sont tout à fait conscients. C’est pourquoi ils ont décidé une nouvelle politique étrangère. Pour l’administration américaine, il s’agit d’une part de maintenir l’Union européenne dans son état d’inféodation et d’autre part de neutraliser la Russie et la Chine en adoptant le soft power qui consiste à faire recours aux guerres par pays interposés, aux services secrets, aux ONG et aux multinationales. L’administration étatsunienne renonce pour le moment à la domination totale du continent eurasiatique et se concentre sur l’Europe occidentale.

LE BLOC TRANSATLANTIQUE

Les États-Unis s’apprêtent à construire un bloc transatlantique qui réunit les pays de l’Amérique du Nord et l’Union européenne. Le projet d’un vaste bloc transatlantique dominé par les États-Unis ne date pas d’aujourd’hui.

En 1997, Zbigniew Brzezinski écrivait : « Pour l’Amérique, les enjeux géostratégiques sur le continent eurasien sont énormes. Plus précieuse encore que la relation avec l’archipel japonais, l’Alliance atlantique lui permet d’exercer une influence politique et d’avoir un poids militaire directement sur le continent. Au point où nous en sommes des relations américano-européennes, les nations européennes alliées dépendent des États-Unis pour leur sécurité. Si l’Europe s’élargissait, cela accroîtrait automatiquement l’influence directe des États-Unis. A l’inverse, si les liens transatlantiques se distendaient, c’en serait finit de la primauté de l’Amérique en Eurasie. »

La plupart des macroéconomistes estiment que le bloc transatlantique représente environ un tiers du volume des échanges commerciaux internationaux. L’émergence de ce bloc de 800 millions de consommateurs permettra aux Étatsiniens de contrer la concurrence chinoise et russe, mais aussi d’établir un nouveau système monétaire international en leur faveur. D’après le professeur le Pierre Hillard, auteur du livre La marche irrésistible du nouvel ordre mondial (2007), l’instauration d’un marché transatlantique sans entraves est en train de s’accélérer. Elle pourrait devenir une réalité dès la mi-2014.

Les États-Unis sont donc à deux doigts de devenir la plus grande puissance de l’histoire. Apparemment, ils sont prêts à tout pour atteindre leurs objectifs. Mais l’axe Russie-Iran-Chine n’a pas encore dit son dernier mot. L’histoire est loin d’être terminée.

Belhaouari Benkhedda

http://www.lequotidien-oran.com

* Universitaire

URL de cet article 19425
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

DE QUOI SARKOZY EST-IL LE NOM ?
Alain BADIOU
« Entre nous, ce n’est pas parce qu’un président est élu que, pour des gens d’expérience comme nous, il se passe quelque chose. » C’est dans ces termes - souverains - qu’Alain Badiou commente, auprès de son auditoire de l’École normale supérieure, les résultats d’une élection qui désorientent passablement celui-ci, s’ils ne le découragent pas. Autrement dit, une élection même présidentielle n’est plus en mesure de faire que quelque chose se passe - de constituer un événement (tout au plus une « circonstance », (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Nous avons abattu un nombre incroyable de personnes, mais à ma connaissance, aucune ne s’est jamais avérée être une menace"

Stanley McChrystal,
ex Commandant des forces armées U.S en Afganistan
(Propos rapportés par le New York Times, 27/3/2010).

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.