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La lutte des sans-papiers est une lutte de toute la classe ouvrière !

L’histoire des sans-papiers en France est le miroir de l’exploitation du patronat français sur les fractions les plus opprimées de la classe ouvrière. Ils et elles sont entre 350 000 et 500 000 personnes stigmatisées juridiquement et socialement, condamnées à la surexploitation patronale et à la peur perpétuelle de l’expulsion, à la quasi-impossibilité d’accès aux soins ou aux garanties dans le travail et les études, ou encore privées du droit de se marier.

A droite comme à gauche, les gouvernements ont contribué à aggraver leur situation. Le durcissement dans le traitement des étudiants et des travailleurs sans-papiers en 2005 [1] et en 2008 [2] a poussé ces derniers à s’organiser et à se mobiliser. Aujourd’hui, c’est sous un gouvernement « de gauche » que la lutte prend des formes radicales, à l’image de la colère ressentie, avec notamment la grève de la faim menée par les sans-papiers de Lille.

Sous un gouvernement « de gauche » que la France atteint un record d’expulsions et met en place une circulaire de régularisations aux antipodes de la réalité des demandes. Hollande nous confirme ainsi que son « changement » s’inscrit en fait dans la pure continuité de la droite. Continuité qui dévoile le double visage d’une politique cherchant à la fois à diviser la classe ouvrière par le développement d’un discours xénophobe exacerbé dans un contexte de crise, et à cacher les énormes bénéfices que le patronat fait sur le dos de la main d’oeuvre la plus exploitée. C’est donc à l’ensemble des travailleurs de briser cette division et de rompre l’isolement dans lequel sont trop souvent confinés les sans-papiers, en développant une solidarité réelle, effective, qui aille jusqu’à prendre en charge la défense physique de ces camarades tellement opprimés.

Les papiers : un double enjeu pour le patronat et le gouvernement

Contrairement à une idée reçue, la plupart des personnes se retrouvant en situation d’irrégularité ne sont pas arrivées « clandestinement » en France, mais avec une autorisation de travail ou d’études. L’irrégularité concerne ainsi dans la majorité des cas des travailleurs qui, à la suite du non renouvellement de leur contrat, se voient refuser un titre de séjour, des étudiants qui se trouvent empêchés de renouveler leur titre ou de changer de statut, des enfants de sans papiers atteignant l’âge adulte et recevant un OQTF [3], des immigrantes qui, victimes de violences conjugales, fuient leur domicile, etc. C’est alors que commence la galère des papiers, avec quelques associations ou syndicats pour soutiens, et toute une bureaucratie violente et hypocrite comme interlocutrice. De démarches en dossiers déposés, de files d’attentes matinales devant la préfecture en refus et en reconduites à la frontière apparaît le vraie visage d’une administration de classe, destinée à entretenir un climat de pression et d’humiliation sur cette catégorie de la population. Cette oppression spécifique permet de maintenir tout un secteur de notre classe en position d’extrême faiblesse, tout en flattant les discours de division qui visent à trouver dans nos frères et soeurs de classe immigrés des boucs émissaires pour les maux de la crise capitaliste.

Mais si la chasse aux immigrés est une des constantes de la politique des gouvernements de la bourgeoisie hexagonale, force est de constater que tout un secteur du patronat est loin de trouver cette main d’oeuvre si « gênante ». A l’heure actuelle plus de 200 000 travailleurs sans-papiers, occupent les postes les plus pénibles dans le bâtiment, les marchés, l’hôtellerie et la restauration, l’aide à la personne, etc. Ce secteur de notre classe est objectivement surexploité, non seulement parce qu’il touche des salaires moindres, mais aussi parce que le patronat ne dépense rien pour leur éducation initiale, leur formation ultérieure, les coûts auxquels ils et elles ont à faire face dans les période de chômage ou encore quand ces travailleur-se-s ne sont plus en âge d’avoir un emploi. En bref, les sans-papiers sont des salariés qui cotisent et payent des impôts sans profiter aucunement des acquis sociaux arrachés par la classe ouvrière hexagonale, et pour lesquels le code du travail n’est pas respecté. L’existence de ce secteur du prolétariat français est un des gains que retire la bourgeoisie de sa politique impérialiste. C’est dans ce contexte que ses gouvernements se feront toujours les organisateurs de cette situation, ajoutant l’oppression à la surexploitation, malgré toutes les déclarations hypocrites qu’a pu faire le PS du temps où il était encore dans l’opposition.

De Guéant à Valls : le changement pour les sans papiers, c’est pas pour maintenant

Hollande et le PS avaient en effet formulé quelques propositions timides concernant les immigrés lors des présidentielles. Aucune de ces promesses n’a été tenue, et il est très rapidement devenu clair que ce gouvernement se situerait à cet égard aussi dans la continuité de Sarkozy et de Guéant.

Pour ce qui est des sans-papiers, le bilan des expulsions en 2012 est terrifiant. Le record de 36 822 expulsions a été atteint, c’est-à -dire, 11,9% de plus qu’en 2011. Même si une bonne partie de celles-ci ont été effectuées pendant le gouvernement précédent, Valls assure « qu’il n’y aura pas de grand soir », et prévoit de maintenir le cap des 30 000 expulsions par an. La « circulaire Valls » du 28 novembre portant sur la régularisation des sans papiers témoigne bien de cette volonté. Conçue pour « clarifier les critères » des régularisations, celle-ci pose des conditions ultra restrictives qui ont déçu les associations [4] et les principaux soutiens des sans-papiers. Par exemple, les bulletins de paie sont encore demandés, soit disant pour justifier un travail en France, alors que la plupart des sans-papiers sont obligés de travailler au noir. Avec tous ces critères, le gouvernement feint de ne pas connaître la situation réelle des sans-papiers, afin de les mettre dans l’impossibilité de déposer des demandes « dans les règles ».

C’est dans ce contexte que la lutte a repris à la fin 2012, la Coordination des sans papiers (CSP) de Lille ayant lancé le 2 novembre une grève de la faim. Celle-ci a atteint la durée exceptionnelle de 73 jours, et a été rapidement appuyée par la solidarité de la CSP parisienne et de nombreux soutiens, qui organisaient des rassemblement quotidiens devant le siège du PS rue de Solférino. Comme toujours lorsque ce secteur surexploité entre en mouvement, la mobilisation a été confrontée à un niveau de répression très élevé. Le gouvernement n’a par exemple pas hésité à prononcer deux honteuses OQTFs envers des grévistes au 40ème jour de leur refus de s’alimenter ! En parallèle, les militants et les sans-papiers mobilisés étaient systématiquement interpelés et contrôlés collectivement par la police. Les membres du Collectif des Étudiants sans-papiers à Paris VIII ont aussi subi la répression policière début février.

Les CSPs, l’implication de certains syndicats et notamment d’un secteur de la CGT, tout cela constitue les acquis du grand mouvement de grève des sans-papiers en 2008 et 2009, qui avaient touché plus de 6000 travailleurs rien qu’en Ile-de-France. Cette grande grève en deux temps conserve un caractère exemplaire jusqu’aujourd’hui pour quiconque doute des capacités de notre classe à se mobiliser et à remettre en question l’ordre établi. Il n’en reste pas moins que la défense des droits des sans-papiers, à commencer par la régularisation immédiate de chacune d’entre eux, n’a jusque là jamais été prise en charge par l’ensemble du mouvement ouvrier. C’est pourtant une condition indispensable de la victoire, ainsi que de l’unité d’une classe ouvrière hexagonale structurellement composée d’un fort secteur immigré.

La lutte des sans papiers, notre lutte à tous !

Il est clair que le recul du gouvernement sur la question du droit de vote des étrangers est lié à un contexte de crise où les immigrés sont particulièrement ciblés. L’extrême droite est d’ailleurs toujours en embuscade pour propager ce discours, et rendre les - prétendus - étrangers responsables du chômage et des licenciements, en lieu et place des patrons. Le problème, c’est que le champ lui a trop souvent été laissé libre par un mouvement ouvrier incapable de se poser en défenseur des secteurs les plus opprimés de notre classe, et d’une extrême gauche qui refuse de poser le problème de l’oppression raciste comme une question de classe, dont la résolution met au coeur les travailleurs et leurs organisations. On ne luttera pas victorieusement pour la régularisation des sans-papiers en s’appuyant sur leurs seules organisations, sans chercher à rompre leur isolement actuel.

Cette construction d’un front uni de la classe ouvrière doit reposer sur un programme tenant compte de l’hétérogénéité de cette dernière. Il ne suffit donc pas de demander « de meilleurs critères de régularisation », mais de demander la régularisation pour toutes et tous. Le droit du travail et sa défense doivent donc profiter à tou-te-s les membres de notre classe. Il en va de même du droit à étudier, à travailler et circuler librement. Les immigrés, et parmi eux les sans-papiers, ne sont d’ailleurs pas le seul secteur fragile de notre camp social : femmes, jeunes, précaires, chômeur-se-s subissent aussi des oppressions particulières. Un programme inclusif, capable de construire l’unité et reposant sur la solidarité réelle, est donc une condition pour organiser une véritable riposte à la volonté du patronat et du gouvernement de nus faire payer la crise.

Malena Vrell

Source : http://www.ccr4.org/La-lutte-des-sans-papiers-est-une-lutte-de-toute-la-classe-ouvriere

[1Manifestations en 2005 en soutien aux lycéens sans papiers fortement animé par le Réseau d’Éducation Sans Frontières, les enseignants et les lycéens.

[2Première vague de grèves en 2008 des travailleurs sans-papiers denonçant les conditions au travail et réclamant leur régularisation. Elle a été soutenue par plusieurs associations et syndicats.

[3Obligation de Quitter le Territoire Français


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