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La Haute Cour britannique accorde un bref répit à Julian Assange mais le calvaire kafkaïen continue

Julian Assange ne sera pas extradé à brève échéance mais la menace plane toujours.

La Haute Cour britannique a donc rendu sa décision ce matin [26 mars - NdR] concernant la recevabilité de son ultime appel au Royaume-Uni pour empêcher l’extradition vers les États-Unis. Le jugement (de 66 pages), apparemment en demi-teinte, n’est pas facile à interpréter. Il offre un répit mais s’inscrit dans la continuation du calvaire judiciaire que subit Julian Assange depuis 14 ans.

Les deux juges de la Haute Cour ont ouvert la voie à un appel mais de façon limitée, celui-ci porterait sur les trois points suivants (les avocats du fondateur de WikiLeaks en avaient présenté neuf pour motiver le rejet de l’extradition) :

 violation du droit à la liberté d’expression (si Assange ne bénéficie pas aux États-Unis de la protection du premier amendement de la Constitution) ;
 risque de préjudice en raison de la nationalité (si Assange ne bénéficie pas, en tant qu’Australien, des mêmes droits qu’un citoyen états-unien) ;
 les poursuites engagées par les États-Unis exposent Assange à la peine de mort (le département de la Justice US a pour l’instant refusé de s’engager à garantir qu’il ne serait en aucun cas exécuté – cf. cet article).

Dans le même temps, la Haute Cour invite Washington à présenter d’ici le 16 avril des « garanties » sur ces trois points. Il s’agit de « rassurer » la justice britannique. Souvenons-nous que les États-Unis avaient remporté un appel en décembre 2021 contre le jugement de première instance (qui avait refusé l’extradition) en soumettant de telles « garanties », celles-ci étant considérées comme très peu fiables par de nombreux observateurs avisés.

Si Washington adresse à la Haute Cour des engagements analogues, une audience aura lieu le 20 mai à l’issue de laquelle on devrait savoir si Julian Assange est oui ou non définitivement autorisé à présenter son ultime appel. Si les États-Unis ne présentent pas de « garanties » ou le font d’une façon jugée non satisfaisante, le fondateur de WikiLeaks sera automatiquement autorisé à faire appel. On comprend de tout cela que l’extradition redevient possible dans deux mois.

Dans ses déclarations, l’équipe de défense de Julian Assange a signifié qu’elle était mécontente de la décision. Stella Assange est apparue particulièrement outrée. Il y a de quoi. La Haute Cour a en effet rejeté, entre autres, la nature politique des poursuites contre le fondateur de WikiLeaks et le risque que l’extradition ne viole plusieurs de ses droits fondamentaux (droit à un procès équitable, droit à la vie, droit de pas être soumis à des traitements cruels ou inhumains).

De plus, la décision de la Haute Cour refuse aux avocats d’Assange la possibilité de présenter de nouveaux éléments lors de l’appel. Ils ne pourront donc pas faire valoir l’espionnage d’origine états-unienne dont Julian Assange fut la cible dans l’ambassade d’Équateur à Londres et les projets de kidnapping/assassinat qui ont circulé au sein de la CIA lorsque Michael Pompeo en était le directeur.

Les deux juges ont estimé que ces plans étaient sans rapport avec la procédure d’extradition puisqu’ils ne sont plus d’actualité (ils écrivent que la CIA craignait à l’époque une fuite vers la Russie) et que s’il était extradé, le journaliste australien ne risquerait plus d’être kidnappé ou assassiné par l’agence puisqu’il se trouverait légalement en détention aux États-Unis... Une fois encore, Kafka est battu avec l’affaire Assange.

Il est dans l’essence du lawfare (instrumentalisation politique de la justice) de faire durer au maximum le supplice judiciaire et ses conséquences tout en maintenant (de très loin) les apparences de l’État de droit. L’assassinat au ralenti d’un prisonnier politique se poursuit. Comme l’a dit à de nombreuses occasions Stella Assange, cette affaire est à 1% juridique et à 99% politique. La mobilisation ne doit donc pas faiblir, il nous faut informer et alerter sans relâche tant que Julian Assange ne sera pas libre. Il s’agit pour l’instant d’empêcher l’extradition mais la seule issue juste c’est la libération, l’abandon des poursuites et l’indemnisation.

Nous vous tiendrons au courant de la suite, notamment quant aux rassemblements à prévoir. Et nous annoncerons prochainement une grande conférence sur le thème « l’affaire Assange du point de vue du droit ». Tout un programme.

À très bientôt donc,

Comité de soutien Assange
compte twitter/X @comiteassange

EN COMPLEMENT

Un article de Marjorie Cohn : La justice américaine refuse de garantir que Julian Assange ne sera pas exécuté s’il est extradé

EN COMPLEMENT

La déclaration de Stella Assange à la sortie du Tribunal

À partir de 1mn30 (notez que l’introduction enthousiaste du correspondant de France 24 contraste un peu avec la déclaration de Stella Assange)

« Julian Assange reste exposé à la peine de mort. Et pourtant, ce que les tribunaux ont fait, c’est d’inviter une intervention politique des États-Unis pour envoyer une lettre disant :« Tout va bien. » Je trouve cela stupéfiant. Cinq ans après le début de cette affaire, les États-Unis ont réussi à montrer à la Cour que leur affaire reste une attaque contre la liberté de la presse, une attaque contre la vie de Julian. Ce que les tribunaux n’ont pas accepté d’examiner, ce sont les preuves que les États-Unis ont comploté pour assassiner Julian, pour le kidnapper. Parce que s’ils reconnaissent cela, alors bien sûr, il ne peut pas être envoyé aux États-Unis. Julian est un prisonnier politique. Il est journaliste. Et il est persécuté parce qu’il a exposé le vrai coût de la guerre en vies humaines. Il s’agit d’un châtiment. C’est un signal pour vous tous. Que si vous exposez les intérêts qui sont à l’origine de la guerre, ils vous poursuivront. Ils vous mettront en prison et ils essaieront de vous tuer. Julian n’est qu’à quelques jours du cinquième anniversaire de son arrestation et de son emprisonnement à la prison de Belmarsh. Il est incarcéré à Belmarsh depuis cinq ans sans avoir été condamné. Et les charges retenues contre lui visent à le punir d’avoir publié la vérité, d’avoir publié des preuves des crimes de guerre commis par le pays qui tente de l’extrader. Aujourd’hui, les tribunaux britanniques ont invité les États-Unis à donner des garanties. L’administration Biden ne devrait pas donner d’assurances. Ils devraient abandonner cette affaire honteuse qui n’aurait jamais dû être intentée. Julian n’aurait jamais dû être en prison un seul jour. C’est une honte pour toutes les démocraties. Julian est un prisonnier politique. C’est un éditeur et il est publié pour avoir exprimé ses opinions politiques, pour avoir exprimé la liberté de la presse dans sa forme la plus pure. Libérez Julian. Je demande à tout le monde de se rallier derrière lui et d’appeler à sa libération, d’appeler l’administration Biden à abandonner l’affaire et de soutenir la résolution neuf cent trente-quatre de la Chambre devant le Congrès américain pour abandonner cette affaire. Merci. »

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Dès 2008, deux ans après le lancement de la plateforme WikiLeaks, Stefania Maurizi commence à s’intéresser au travail de l’équipe qui entoure Julian Assange. Elle a passé plus d’une décennie à enquêter les crimes d’État, sur la répression journalistique, sur les bavures militaires, et sur la destruction méthodique d’une organisation qui se bat pour la transparence et la liberté de l’information. Une liberté mise à mal après la diffusion de centaines de milliers de documents classifiés. Les (…)
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