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La frappe sur la Syrie : de l’impérialisme pur et dur

"Les crimes s’empilent jusqu’à devenir invisibles" - Lorsque le dramaturge Bertolt Brecht a fait cette remarque, c’était dans les années 1930, à l’époque du fascisme et du colonialisme européen. Le monde était séparé entre les États puissants qui avaient accaparé la parole et ceux qui étaient forcés de les écouter et d’obéir. Cette époque a culminé dans la Seconde Guerre mondiale.

Hélas, aujourd’hui, les années 1930 sont de retour et les crimes s’accumulent à nouveau, au point qu’ils menacent de devenir invisibles. Yougoslavie, Afghanistan, Irak, Libye, Yémen, Syrie (*), la liste est sans fin ; le dernier épisode de cette triste série est la frappe illégale de missiles déclenchée contre la Syrie par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France à Douma, dans la banlieue de Damas, à la suite d’une attaque chimique prétendument menée par les forces gouvernementales syriennes à la périphérie de Damas.

Je dis prétendument parce qu’au moment de la rédaction du présent rapport, les inspecteurs de l’OIAC n’ont pas encore commencé leur enquête pour déterminer si une telle attaque s’est effectivement produite et, si oui, avec quelle substance chimique.

Non seulement cette action militaire était illégale au regard du droit international, mais elle a été entreprise avant l’enquête que les inspecteurs de l’OIAC doivent mener dans un tel cas, conformément aux protocoles internationaux énoncés dans la Convention sur les armes chimiques.

L’article IX stipule ce qui suit :

11. Suite à la demande d’inspection d’une installation ou d’un emplacement, et conformément aux procédures prévues dans l’Annexe sur la vérification, l’Etat inspecté doit avoir :

a) Le droit et l’obligation de faire tous les efforts nécessaires pour respecter la présente Convention et, à cette fin, de permettre à l’équipe d’inspection de s’acquitter de son mandat ;

Pour ma part, cela fait longtemps que je ne crois plus que le monde soit divisé entre les bons et les méchants, ni que le pays dans lequel je vis, le Royaume-Uni, soit dans le bon camp tout comme les États-Unis et plusieurs autres pays qui tombent dans la rubrique : Occident. Il n’est pas si facile que ça d’en prendre conscience, en Occident, quand, du berceau à la tombe, on est conditionné par les médias, l’industrie culturelle et les élites politiques à croire qu’une sorte de mur d’Hadrien nous sépare, nous, les bonnes gens civilisés, des barbares.

Ils voudraient nous faire croire que les gouvernements occidentaux et leurs fidèles journalistes et médias sont de nobles messagers de la vérité et de la justice, tandis que les gouvernements non occidentaux et leurs journalistes et médias sont d’incorrigibles menteurs et propagandistes. Ils voudraient nous faire croire que les "bombes démocratiques" de l’Occident sont toujours larguées pour le plus grand bien de l’humanité, alors que leurs "bombes barbares" sont toujours larguées pour nuire à l’humanité.

Résultat, on assiste à des agressions brutales comme celle qui s’est déchaînée contre la Syrie lors de la prétendue attaque chimique à Douma, déguisée comme d’habitude en intervention humanitaire.

Cette fois-ci, comme toutes les autres fois où on a parlé d’attaques chimiques, les vidéos et autres preuves visuelles servant à justifier les accusations et les représailles émanaient exclusivement des rangs de l’opposition de Douma - en particulier de la fameuse organisation de défense civile des Casques blancs, créée par l’ancien officier de l’armée britannique et entrepreneur militaire privé James Le Mesurier.

Bien que certains n’y voient qu’un détail sans importance, le fait que cette organisation opère exclusivement sur le territoire syrien tenu par l’opposition et qu’elle soit financée par des gouvernements occidentaux, ne devrait-il pas nous faire un peu réfléchir ?

Il y a d’autres organisations pro-opposition qui façonnent le discours qu’on entend en Occident sur cette dernière attaque chimique présumée, comme l’Observatoire syrien des droits de l’homme, basé au Royaume-Uni, et la Société médicale syro-américaine (SAMS). Voilà ce que dit l’auteur et commentateur américain Max Blumenthal à propos de cette dernière : "SAMS n’est pas un simple groupe de médecins syriens qui s’occupent des blessés dans les zones déchirées par la guerre, ni une source objective sur les attaques chimiques et autres atrocités. C’est un groupe de pression financé par l’USAID dont le véritable objectif est d’inciter les Etats-Unis à la guerre pour changer le régime et mettre les islamistes syriens au pouvoir à Damas".

Aucun des témoignages, informations ou films de l’attaque ne provenait d’une source indépendante ou crédible - ce qui est normal puisque les journalistes occidentaux se gardent bien de mettre les pieds dans une zone contrôlée par les " rebelles ", sachant que s’ils le faisaient, ils seraient enlevés et assassinés.

Robert Fisk, un ancien correspondant pour le Moyen-Orient, est quelqu’un qui sait à quoi le gouvernement syrien et son peuple sont confrontés. Dans un article qui a suivi les frappes des Etats-Unis et de leurs alliés, il nous informe que dans la banlieue de Damas, les militants djihadistes n’étaient pas seulement retranchés dans la Ghouta, des djihadistes Salafistes avaient réussi à maintenir une présence dans une autre banlieue de la capitale syrienne. En l’occurrence, il s’agit de Daesh et, au moment où j’écris ces lignes, les troupes syriennes s’y rassemblent pour engager leur prochaine opération pour sécuriser la capitale.

Fisk nous informe que le 27 mars, 116 soldats syriens ont été encerclés et capturés là dans une embuscade de Daesh, parce qu’ils croyaient qu’un cessez-le-feu était en place dans la zone et qu’il n’y avait aucun danger. Tous ces soldats ont été exécutés - certains ont été abattus et d’autres décapités. Comme à l’accoutumée, les djihadistes ont filmé les exécutions.

Il faut souligner que cette barbarie, qui règne dans toute la Syrie depuis sept ans, n’a pas lieu dans un désert du bout du monde. Non, elle se produit en 2018 à la périphérie d’une grande capitale du Moyen-Orient. Imaginez un instant que cela se passe dans la banlieue de Londres, de Washington ou de Paris. Juste un instant !

Oh vous n’y arrivez pas ? Vous ne pouvez pas l’imaginer ? Vous ne pouvez pas vous représenter l’horreur d’avoir à votre porte des gens qui n’ont pas de conscience, pas de limites, quand il s’agit d’assassiner et de massacrer ?

C’est précisément parce que nous sommes incapables de nous le représenter que nous ne sommes pas choqués, en Occident, par le fait scandaleux de mettre sur le même plan moral un gouvernement laïque non sectaire, soutenu par une armée dont les soldats sont issus de toute la mosaïque religieuse et culturelle syrienne d’une part, et des bouchers sectaires, brutaux et génocidaires d’autre part.

Cela nous a conduit à la folie criminelle des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France qui refusent de prendre en compte et de soutenir les victimes de cette barbarie sectaire en Syrie, et choisissent à la place de s’associer avec les barbares d’Al-Qaïda, Daesh, Nusra et Jaish al-Islam.

Cela revient à faire un pacte avec le diable.

John Wight

Traduction : Dominique Muselet

Note du traducteur

* Et la Palestine qui est déjà devenue invisible

»» https://sputniknews.com/columnists/201804161063614684-crimes-pile-up-invisible/
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Serge Halimi expliquait autrefois pourquoi il ne voulait jamais débattre avec un antagoniste ne partageant pas ses opinions en matière d’économie : dans la mesure où la doxa du capitalisme financier était aussi « évidente » que 2 et 2 font quatre ou que l’eau est mouillée, un débatteur voulant affirmer un point de vue contraire devait consacrer la moitié de ses explications à ramer contre le courant. Laurent Mauduit a vu le « quotidien de référence » Le Monde se colombaniser et (…)
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(CUBA) "Tant qu’il y aura l’impérialisme, nous ne pouvons nous permettre le luxe du pluri-partisme. Nous ne pourrions jamais concurrencer l’argent et la propagande que les Etats-Unis déverseraient ici. Nous perdrions non seulement le socialisme, mais notre souveraineté nationale aussi"

Eugenio Balari
in Medea Benjamin, "Soul Searching," NACLA Report on the Americas 24, 2 (August 1990) : 23-31.

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