La reconnaissance par Téhéran de sa responsabilité dans la destruction du vol PS752 d’Ukraine International Airlines, juste après son décollage de l’aéroport Imam Khomeini de la capitale, peu de temps après que l’Iran ait lancé une série de missiles sur deux bases militaires américaines en Irak en représailles de l’assassinat du général Qasem Soleimani, marque un dénouement extraordinaire à l’un des épisodes les plus révélateurs et les plus tragiques de ces derniers temps dans cette région déjà torturée.
Il est en effet rare qu’un État engagé dans un conflit admette un événement aussi tragique que l’abattage accidentel d’un avion de ligne et présente des excuses aussi complètes, sachant parfaitement que l’événement sera utilisé et retourné contre lui par ses adversaires à un moment où il est littéralement dos au mur, en proie de toutes parts à des forces hostiles et dont l’économie est placée sous le carcan des sanctions après le retrait injuste et unilatéral de Trump de l’accord nucléaire P5+1 en 2018.
L’Iran n’est pas et n’a jamais été l’agresseur dans ce scénario. Il est plutôt la victime de l’agression de Washington et de ses alliés dans la région et au-delà. De plus, le contexte incontestable de cette horrible tragédie est l’assassinat du commandant militaire suprême de l’Iran, le général Qasem Soleimani, un homme qui, plus que tout autre, a joué un rôle clé dans la lutte contre Daech et d’autres groupes salafistes-jihadistes en Irak et en Syrie, ne laissant aux Iraniens d’autre choix que de réagir. Ils l’ont fait de la manière la plus calibrée, en veillant délibérément à ce qu’il n’y ait pas de victimes lors de l’attaque de missiles qu’ils ont déclenchée en guise de représailles.
Rien de tout cela, bien sûr, ne fera beaucoup pour réconforter les proches des 176 civils innocents qui ont péri dans l’avion de ligne ukrainien à la suite de cette attaque. Mais le fait qu’ils connaissent maintenant la vérité leur permet au moins de faire leur deuil sans l’angoisse de devoir assister à la politisation de leur mort.
Ce qu’il faut maintenant espérer, c’est que cette tournure des événements focalise les esprits des Occidentaux lorsqu’il s’agit d’apprécier que le statu quo est insoutenable dans cette région déchirée par la guerre. La présence continue des forces américaines dans cette région est malveillante, car elle alimente non pas la stabilisation et la sécurité, mais la déstabilisation et les tensions accrues. Des efforts sérieux de désescalade et de diplomatie doivent maintenant occuper l’espace qui est actuellement dominé par le bruit des sabres, les menaces et les pressions et agressions militaires.
Les véritables ennemis de la paix et de la stabilité ne sont pas Rouhani ou Khomeini à Téhéran , mais Trump et les néocons à Washington. Lorsqu’il s’agit de questions de guerre et de paix, la crise de leadership n’est pas en Iran mais aux Etats-Unis. Pompeo, Pence et consorts sont des voyous en costard cravate. Ce sont des suprémacistes blancs et des orientalistes pour qui l’Iran et le peuple iranien se trouvent tout en bas de l’échelle de la valeur humaine qui alimente leur vision du monde déformée et malade.
L’aveu de responsabilité de l’Iran n’est pas l’action d’un Etat barbare. C’est l’action d’un gouvernement qui valorise le caractère sacré de la vie et qui accorde une grande importance à la dignité qui devrait être accordée aux morts. C’est la différence entre un peuple cultivé et un peuple élevé dans la violence génocidaire et le racisme.
N’oublions pas qu’après que le USS Vincennes a fait tomber le vol 655 d’Iran Air en 1988, avec la perte des 290 passagers et membres d’équipage à bord, non seulement Washington a refusé de s’excuser, mais le capitaine du navire, William C. Rogers, a par la suite reçu la médaille de la Légion du mérite du pays pour sa conduite méritoire et ses services exceptionnels.
En dernière analyse, le véritable foyer d’extrémisme dans notre monde actuel est Washington et non Téhéran.
Fin.
John Wight