En l’absence de tout questionnement, la « fin de l’histoire », théorisée par Fukuyama, [1] le « choc des civilisations, » mis en avant par Samuel Huntington, [2] comme la notion de violence originaire réhabilitée par René Girard, apportent une réponse sur le devenir d’une société régie par l’image. Ces notions sont complémentaires. La première opère un déni de toute négativité, donc de tout devenir. La seconde indique le chemin à suivre pour d’obtenir une telle finalité : transformer les conflits politiques en guerres d’images, c’est à dire en hostilité des civilisations et en guerres de religions. Quant à la sacralisation présente de la violence, elle nous indique un retour de nos sociétés vers l’idolâtrie.
Le « temps qui reste ».
Les prédications de la fin de l’histoire et de la guerre des civilisations forment une religion civile faisant écho à l’emprunte théologique du fondateur du christianisme, Paul de Tarse. Ces visions sécularisées post-modernes s’inscrivent dans la perspective paulinienne du temps messianique, c’est à dire du temps qui reste avant l’apocalypse, une fois la certitude acquise que Jésus est bien le messie attendu.
Giorgio Agamben, dans son livre Le temps qui reste, un commentaire de l’Epître au Romains, [3] ainsi que dans sa conférence « L’Église et le royaume » faite à Paris en 2009, définit le temps messianique comme le temps de la fin, comme « le temps qui se contracte et qui commence à finir. » [4] Paul procède à une suspension du temps chronologique. Vivre dans le temps de la fin implique une transformation profonde de la durée. Agamben parle d’un temps « qui pousse à l’intérieur du temps chronologique...et le transforme de l’intérieur ». Il ne s’agit ni de l’instant ponctuel, ni d’un segment du temps chronologique. C’est un temps intérieur, « le temps que nous sommes nous mêmes ».
La lecture du temps messianique, comme une durée appartenant à chaque monade, correspond à la manière dont les médias s’adressent à chacun d’entre nous. Chaque évènement est construit comme une réminiscence de l’originaire du 11 septembre et il s’agit, à chaque fois, de rattacher l’évènement à la quotidienneté. Les commentaires inscrivent le souvenir des attentats dans ce que Merleau Monty appelle « la chair. » Ils établissent ainsi une réversibilité entre intérieur et extérieur, une identité entre l’objectivité du fait et le ressenti. Grâce à ce processus d’indifférenciation, le vécu devient l’objectivité même de l’évènement. Toute question sur les faits devient non seulement superflue, mais blasphématoire. Elle relèverait du « conspirationnisme . »
Temps de l’indifférenciation.
L’omniprésence d’un temps, réduit à une dimension purement intérieure et dégagé de la matérialité des choses, est le résultat de l’effacement de la distinction sujet/objet. En suspendant l’articulation de l’extériorité et de l’intériorité, l’Épitre de Paul aux Corinthiens est en phase avec le discours actuel de « la lutte contre le terrorisme » et plus généralement avec la langue de la post-modernité. L’épitre procède à une indifférenciation, non entre les choses de l’extériorité elles-mêmes, mais entre leur existence et leur non existence : « Je vous le dis mes frères, le temps s’est contracté ; le reste est que ceux qui ont des femmes soient comme ceux n’en n’ayant pas, et ceux qui pleurent comme non pleurants et ceux qui ont de la joie comme n’en ayant pas et ceux qui achètent comme non possédants, et ceux qui usent du monde comme n’en abusant pas. [5] » La procédure d’annulation de l’existant, caractéristique « du temps qui reste » est perçue par Agamben comme tension d’un concept vers lui-même sous la forme du « comme non, » [6], entre l’existence d’une chose et sa non existence et non comme un processus d’indifférenciation entre une chose et son contraire, entre des objets extérieurs.
La manière dont les médias ont diffusé l’information sur l’affaire Merah [7] relève également du comme non. Si le scooter peut à la fois être blanc ou noir, il ne s’agit pas là d’une contradiction entre deux objets, mais bien d’informations qui s’annulent. Elles ne sont pas essentielles, car elles portent sur le visible et non sur l’invisible. Ce dernier, la substance terroriste de l’accusé, nous est seulement dévoilée par l’énonciation de ses attributs : islamiste, violent, frustré ...
Renversement du comme si en comme non.
S’il s’agit bien d’une néantisation du rapport entre un fait extérieur et le vécu, le « comme non » ne peut être pensé comme une forme de négativité, tel le fait Agamben, mais comme une réduction idéitique du monde, semblable au savoir faire de la phénoménologie husserlienne.
Afin de considérer le « comme non » comme une négation, Agamben effectue une analogie entre la procédure paulinienne et la fictio legis du droit romain. Cette dernière est alors renversée, car. la fiction construit bien un « comme si. » Tel que l’auteur le rappelle : la fictio consiste à « faire comme si .....et à déduire de cette fiction la validité d’un acte juridique qui, autrement, ne pourrait être que nul [8] ». Elle est bien une fiction d’existence et non une « fiction d’inexistence. »
Afin de fusionner le « comme non » et le « comme si », Agamben prend un exemple relevant du droit romain. Malgré qu’un citoyen réduit en esclavage perde automatiquement sa nationalité, la loi autorise de faire « comme s’il était mort en citoyen libre » et, s’il a rédigé un testament, d’accepter la validité de cet acte. Il s’agit bien, de faire « comme si » le prisonnier mort était toujours citoyen romain. Ce n’est pas un déni de sa capture, d’un « comme non » de son asservissement. Ce qui importe est qu’il ait eu la nationalité romaine et que cette qualité perdure en matière de succession. Le formalisme de la fiction est nécessaire à la consolidation de la sécurité juridique de la loi. Au contraire, en renversant la supposition d’existence en une présomption d’inexistence, Agamben identifie vraisemblable et invraisemblable. Il s’agit là d’une procédure récurrente dans les commentaires sur le 11/9 ou sur l’affaire Merah.
Non distinction du vraisemblable et de l’invraisemblable.
La fiction, le comme si, est à la base du droit. Le principe « nul n’est censé ignorer la loi » repose sur une supposition rendant possible l’application d’un ordre juridique. L’interprétation de la fictio legis comme capacité de rendre « inopérant » un fait, afin de la rendre analogue à la procédure de suspension de la réalité du temps messianique, est un renversement de la notion de fiction. Cette dernière relève du niveau imaginaire de l’organisation sociale, elle permet d’organiser le réel et non de s’abandonner à lui, comme l’impose le « temps qui reste. »
Nommer la fictio « comme non » n’est pas donc anodin, puisqu’il fait reposer l’ordre de droit, non plus sur un vraisemblable, mais sur un invraisemblable, dans l’exemple utilisé sur le déni de la mort en captivité du citoyen romain. Nous retrouvons là un « savoir faire » actuellement omniprésent, que ce soit dans les commentaires sur les attentats du 11 septembre ou ceux sur l’affaire Merah. L’invraisemblable et le rejet des données de l’observation constituent la base devant fonder la certitude subjective en la parole du pouvoir. Cette procédure est un socle de la post-modernité. En supprimant toute dimension imaginaire, elle participe à une politique du chaos nous enfermant dans le réel.
Indifférenciation de la négation et de la néantisation.
Agamben effectue une fusion entre la négation, constitutive de la fiction, et la néantisation résultant du « comme non. » Pourtant elles ne peuvent être confondues et sont diamétralement opposées. Tel que nous l’a appris Hegel, la négation est le mouvement même du devenir, la néantisation est, quant à elle, la procédure constitutive de « la fin de l’histoire » ou bien « du temps qui reste. » La négation a une dimension temporelle, elle est un dépassement qui conserve la détermination dont elle provient. Le néant est quant à lui un pur immédiat [9] nous figeant dans « l’éternité de l’instant. » Il est à la fois libéré du passé et du futur.
La lecture d’Agamben, convertissant la fictio legis en une néantisation de l’existant, ne tombe pas du ciel, elle s’inscrit dans l’air du temps. La démarche est d’une grande cohérence si on la réfère à l’analogie effectuée entre Marx et Paul de Tarse, entre la lutte pour l’émancipation et la jouissance de l’anéantissement.
Afin d’appuyer la lecture du temps messianique comme négativité, Agamben établit une similitude entre le « comme non » paulinien et le concept de « prolétariat » chez Marx. [10] Cette notion serait une « sécularisation » du temps qui reste, dans la mesure où elle représente « une dissolution de tous les milieux et l’émergence d’une fracture entre l’individu et sa propre condition sociale. [11] » Cependant, contrairement à la procédure du « comme non, » « l’annulation des conditions juridico-factuelles » de l’exploitation ne passe pas par un renvoi de la classe à elle-même, mais par un rejet, par une lutte contre son contraire, la classe bourgeoise.
Annulation du devenir.
Il s’agit là d’un procès que Freud a pensé comme Austossung, le refoulement originaire par lequel le sujet rejette à l’extérieur de lui-même « le mauvais ou le nuisible. » L’expulsion se double alors d’une introjection de ce que le sujet considère comme « bon ou utile. » Le refoulement originaire permet la séparation entre un intérieur et un extérieur. Il n’y a une conscience intérieure que grâce à ce rejet. Chez Freud, comme chez Marx, « il faut un renvoi au-dehors pour qu’en retour se constitue un dedans. [12] »
Ce double mouvement, d’expulsion et d’introjection, est analogue au processus de formation de classe chez Marx. Le sujet de classe se constitue par la lutte contre son contraire. La conscience n’est pas un processus interne, d’éducation ou de simple prise de conscience, mais d’affrontement avec la matérialité des rapports d’exploitation. Il ne peut donc être confondu avec la procédure paulienne d’annulation interne des conditions d’existence. L’analogie effectuée par Agamben est un déni du processus d’émancipation marxien. Elle est forclusion de toute possibilité de sortir de l’état de chose présent, de la psychose ordinaire. Le « comme non » du temps qui reste ne peut donc être pensé comme négation. La fonction du temps messianique est au contraire de supprimer le possible et ainsi la négativité qui en est la condition.
La transformation de Marx en philosophe chrétien revient à identifier le processus de lutte de classe au « comme non » paulinien, la lutte pour l’émancipation avec l’état de choses présent posé comme un horizon indépassable. Ce renversement est analogue avec celui qui identifie le « comme non » à la fiction. Dans les deux cas, c’est l’imaginaire social qui est rejeté, c’est à dire la capacité de maîtriser le réel et de le transformer. La lecture d’Agamben, s’inscrit parfaitement dans le paradigme de la fin de l’histoire comme réalisation du temps messianique paulinien.
Le temps messianique ou le temps du « retranchement . »
Le « comme non » désigne le processus que Freud nomme « Verwerfung » et Lacan « retranchement [13] », avant d’adopter définitivement le terme de « forclusion. »Cette procédure est identifiée par Freud comme suit : « on peut dire que fût porté aucun jugement sur son existence, mais il en fut aussi bien que si elle n’avait jamais existé. » [14] Ainsi, le sujet ne peut advenir. Faute de ne pouvoir inscrire le réel, il est au contraire constamment pris par celui-ci et reste dans la sidération. Ne pouvant penser le réel, il devient son déchet.
La réduction du monde à une intention originaire nous enferme dans le processus d’indifférenciation de la psychose. La post-modernité, dont le discours sur ces affaires est un symptôme, apparaît comme la réalisation du paradigme paulinien : « il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. [15] » La fin de l’histoire développée par Fukuyama exprime le même rapport au monde que le temps messianique paulinien, à savoir le renoncement au possible afin d’être Un avec la Mère symbolique et de continuer à jouir de sa jouissance.
Dans la post-modernité, la klesis messianique apparaît bien comme le mode d’identification de la monade avec le pouvoir politique. En l’absence de distinction intériorité/extériorité, le sujet ne fait plus qu’un avec la Mère symbolique. La capacité de perception est déconnectée et le rapport de l’individu au monde se limite au « ressenti » correspondant au caractère unimodal du vécu, quand la frontière entre le dedans et le dehors n’est pas encore établie grâce au refoulement originaire. [16]
Violence originelle/ violence historique.
Le renversement du possible en néantisation et la transformation du comme si en son contraire, le comme non, sont des procédures qui s’inscrivent dans la religiosité présente.
Le « temps qui reste » correspond au caractère iconique des rapports sociaux de la post-modernité, à savoir une religion basée sur le sacrifice, [17] sur l’abandon à une violence originaire, telle qu’elle est théorisée par René Girard ou, dans sa version sécularisée, par la « lutte contre le terrorisme. »
La notion de violence originaire n’est pas nouvelle. Déjà un socialiste contemporain de Marx, Eugen Dühring, faisait de la « violence immédiate » le fondement du politique et, par in-extenso, de l’ensemble de l’organisation économique et sociale. Contrairement à l’époque actuelle, où cette position nihiliste est généralisée, elle fût, en son temps, combattue par Engels dans L’anti-Düring. Deux thèses sont opposées. Dühring avance que la violence est première, qu’elle constitue « un péché originel d’asservissement. [18] » Engels relativise et met en situation cette assertion à travers une historisation des évènements . [19]
Pour Engels, comme pour Marx, la violence ne peut être abstraite de ses conditions économiques et sociales. comme Georges Labica l’a exprimé dans sa lecture du texte d’Engels, « la violence n’est pas un concept. [20] » Poser le contraire, comme le font Düring ou Girard, revient à confondre l’innommable avec ce qui permet de l’inscrire dans le symbolique. La notion de violence originaire correspond au caractère religieux de nos sociétés, au retour en force de la fonction du sacrifice et du rôle central de la victime.
Sacralisation de la violence.
La « guerre contre le terrorisme » exige un sacrifice permanent à des dieux obscurs [21] exigeant la destruction de nos libertés. La lutte antiterroriste, indéterminée et infinie, fusionne guerre et paix, hostilité et criminalité. Elle confond intérieur et extérieur et applique au citoyen des dispositions autrefois réservées à l’ennemi.
La violence terroriste existerait pour elle-même. La voix de la victime nous appelle de l’extérieur, mais ne parle pas. Son action est silencieuse, mais dit la vérité. Elle se pose en tant que signifié originaire. Elle est ce qui se met à la place de ce que Lacan, travaillant sur la structure psychotique, a désigné comme le signifiant originaire, le symboliquement réel, la part du réel qui est directement symbolisée. [22] Le logos, le symboliquement réel, en tant qu’il permet l’inscription du réel, est possibilité d’un devenir. L’image de la voix de la victime, au contraire, annule toute capacité de symbolisation. Elle supprime la fonction de la parole et ainsi la possibilité d’une négativité. Elle installe un silence traumatique.
Le discours, sur le 11/9 ou sur la guerre humanitaire, nous introduit dans un ordre politique psychotique nous intimant de renoncer à nos libertés, afin d’être protégés de l’autre et de nous mêmes. La structure politique maternelle supprime alors toute séparation entre l’Etat et le citoyen. Cependant, les travaux de Jacques Lacan nous ont appris que c’est justement le phantasme de l’unification à la mère imaginaire, [23] ici à l’Etat, qui est à la base de la violence sans limite que la lutte antiterroriste prétend combattre.
Une société de pure jouissance.
Le rejet de la négativité se manifeste comme phénomène de la fin du politique et du retour du sacré. L’annulation du désir au profit d’un surcroît de jouissance ne produit pas un désenchantement du monde, un « épuisement du règne de l’invisible dans le monde d’ici-bas », tel que le théorise Marcel Gauchet, [24] mais, au contraire, une omnipotence de l’invisible, de l’image telle que la caractérise Marie-José Mondzain. Il s’agit bien, tel que le formule Marx dans Le Capital, d’un nouvel enchantement du monde, celui corrélatif au règne du « monde enchanté de la marchandise, » [25] de ce monde qui annule la valeur d’usage au profit de la valeur d’échange.
A travers son étude sur la marchandise, Marx a montré la place fondamentale du fétiche dans l’organisation de la société capitaliste. La « forme-marchandise du produit du travail » ou « la forme valeur de la marchandise » est une image [26] qui nous installe dans une structure psychotique. À travers l’image, les rapports sociaux fonctionnent comme des rapports entre choses, les objets parlent à la place des individus. Le réel échappe alors à toute symbolisation. L’invisible, la valeur, occupe la place du surmoi et l’injonction surmoïque du « plus de jouir » s’incarne dans son fétiche, l’argent.
D’abord base d’organisation de la production, la fétichisation a envahit l’ensemble de la vie quotidienne, ainsi que l’univers communicationnel. La production capitaliste n’a plus seulement pour objet la réalité, mais elle met le Réel en demeure et rend exploitable le plus intime de l’être. Elle devient ainsi annulation de tout devenir et remplace le possible par un surplus de jouissance, par un surcroît d’images et d’objets fétichisés.
Temps messianique comme transparence.
Le choix de demeurer dans la psychose correspond au « comme non » paulinien ou à son double, l’énonciation de « la fin de l’histoire. » Ces paradigmes, comme la prédiction auto-réalisatrice de « la guerre des civilisations, » rendent compte du caractère religieux de la post-modernité capitaliste. Il s’agit d’une société qui, en occident, ne devant plus faire face à une opposition organisée, rejette la politique au profit du sacré, la gestion de la différence au profit de la promotion du Un.
La conflictualité ouvrière, moteur du développement du capital, est en berne et ne dégage plus de projet de société. Alors, le politique devient simple transparence de la fétichisation économique. En l’absence d’un désir collectif, le temps social se réduit en un temps purement intérieur, celui de la jouissance monadique.
Comme dans le « temps qui reste », la jouissance propre à la post-modernité se pose comme abolition du temps à travers la « recherche subjective de ’’la première fois’’ », en référence à « un passé immémorial d’avant le temps, donc à l’éternité [27] ». Comme toute jouissance , elle se place hors de la succession d’un passé, d’un présent et d’un avenir, mais, ici, elle se spécifie par le rejet de tout désir, par l’enferment dans la poussée pulsionnelle. En tant que « plus de jouir », elle se suffit à elle-même.
Dans le temps messianique, comme dans « la fin de l’histoire », l’articulation jouissance/désir est disloquée. La jouissance n’est plus seulement hors temps, hors imaginaire, elle n’est plus constitutive du temps lui-même, en tant que temps réel opposé au temps imaginaire, mais occupe la place de celui-ci. Elle n’est donc plus jouissance du corps, du signifiant marquant le corps. Elle se place hors corps, en dehors de ce qui sépare intérieur/ extérieur et devient jouissance de l’image. Le « temps qui reste » est alors abandon du désir et pétrification du mouvement pulsionnel. L’altérité est désamorcée et la faculté de juger est supprimée.
Le temps messianique est la suspension du temps chronologique réclamée par l’annonciation de « la fin de l’histoire. »
Le comme non est une opération de conversion du regard qui n’est plus tourné vers l’extérieur, mais exclusivement vers l’intérieur, c’est un processus interne d’auto-annulation. Le « comme non » nous installe dans l’image « qui est, tout en étant pas », il est une manière de reconnaître les faits, tout en ne les reconnaissant pas. Il procède à indifférenciation entre l’existence et l’absence. Ainsi, les objets de l’extériorité ne sont pas refoulés, ils sont déniés. Ils sont montrés, mais n’existent pas en dehors du sens qui leur est attribué. Le mensonge change de fonction, il ne cherche plus à nous tromper, mais à nous enfermer dans la psychose par la non distinction entre ce qui est et ce qui n’est pas.
Jean-Claude Paye, sociologue.