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La crise économique de l’impérialisme d’après la théorie marxiste

Nous avons produit ce document d’analyse économique de la crise systémique du capitalisme d’après les préceptes de Lénine et de Rosa Luxemburg suite au débat que nous avons mené avec quelques économistes français (1).

Le capitalisme du début du XXe siècle et le capitalisme monopoliste (impérialiste) du début du XXIe siècle sont presque identiques. Le capitalisme moderne répond aux mêmes stimuli économiques ; vise le même objectif de reproduction élargie du capital (C) ; utilise les mêmes vecteurs de valorisation de la plus-value (pl) ; et d’accumulation du profit qu’à l’époque de Karl Marx (Das Capital) ; la financiarisation globalisée et mondialisée en moins (2). Ces derniers développements correspondant à ce que Lénine et Rosa Luxemburg ont caractérisé comme l’étape impérialiste du développement capitaliste suprême, ultime et décadent (3). Nous présenterons dans la suite de cet document les concepts modernes de financiarisation, globalisation, mondialisation et inter-nationalisation de l’économie d’après la théorie marxiste de l’économie politique.

L’étape présente de la lutte révolutionnaire

Quelle est l’étape urgente des activités de la gauche révolutionnaire dans le mouvement ouvrier contemporain ? Ce n’est pas de structurer les ouvriers dans des mouvements de résistance à la crise systémique du capitalisme. Ce n’est pas non plus de les rassembler dans des bataillons de combat pour monter aux barricades insurrectionnelles. Ce n’est pas davantage de les mobiliser pour les luttes grévistes – bien que la lutte gréviste soit à l’ordre du jour partout dans le monde capitaliste. Dans plusieurs pays d’Europe la coupe est pleine et les ouvriers excédés sortent en grèves « sauvages » comme disent les patrons. En Amérique latine et en Chine, on assiste au même phénomène de grève spontanée. En Afrique et au Moyen-Orient des guerres inter-impérialistes – par sous-fifres interposés – font s’entretuer des travailleurs et des paysans d’un même pays et d’une même contrée, dans une immense fourberie ethnique, religieuse, nationaliste, impérialiste et barbare. Au Canada, les courroies de transmission syndicales désorientent les luttes grévistes des travailleurs pour les diriger vers les tribunaux bourgeois alambiqués.

Après la déchéance du mouvement communiste international ; après la dislocation de la IIIe Internationale et la débandade du mouvement ouvrier mondial, l’étape présente, sur la voie révolutionnaire, celle qui confronte tout militant marxiste, est de clarifier les principes théoriques qui permettront d’analyser concrètement le monde présent dans son ensemble et dans ses éléments constituants. L’analyse doit d’abord porter sur les aspects économiques, industriels, commerciaux, financiers, et par la suite porter sur les facteurs politiques, idéologiques et sociologiques, afin de comprendre comment le monde impérialiste évolue – se reproduit – selon les concepts scientifiques marxistes appliqués à la réalité contemporaine. Vers où se dirige le monde capitaliste en crise systémique, ce système qui n’en finit plus de tituber sans tomber ? Quels sont les principes (les contradictions) et les vecteurs (les classes sociales) qui font se mouvoir ce bateau ivre qui s’empêtre et dégénère sans s’effondrer définitivement... pour l’instant ?

C’est à cet exercice d’analyse scientifique marxiste des réalités de la crise économique systémique de l’impérialisme que nous vous convions. Chacun doit comprendre que cet exposé participe au combat sur le front idéologique de la lutte de classe. Cet exposé vise à clarifier les concepts – les idées – dissimulés derrière les argumentations militantes faussement résistantes de la gauche bourgeoise décadente. Cette gauche bourgeoise qui se propose encore une fois de désorienter la classe ouvrière dans son combat, ce que les marxistes doivent empêcher à tout prix.

L’étape présente de développement du mouvement révolutionnaire est marquée par la nécessité de reprendre les thèses scientifiques marxistes et de les opposer aux thèses anarchistes, révisionnistes, opportunistes, maoïstes et réformistes qui s’épandent parmi la classe ouvrière mondiale et la désoriente de sa mission révolutionnaire qui réclame le renversement total du capitalisme et l’édification d’une société nouvelle, socialiste, puis communiste, encore inconnue.

Capitalisme et impérialisme

Commençons par clarifier les concepts de capitalisme et d’impérialisme, les idées les plus galvaudées par une certaine gauche pédante et ignorante. L’impérialisme n’est pas la solution que les capitalistes ont imaginé pour sauver le capitalisme de brocante. L’impérialisme ce n’est pas la volonté d’ingérence des grandes puissances contre les pays indigents. L’impérialisme ce n’est pas une superpuissance politique, idéologique et militaire dirigeant une cohorte de pays économiquement puissants cherchant à imposer leur hégémonie sur divers pays indigents, « indépendants » et soi-disant « résistants ». L’impérialisme n’est pas l’antithèse du nationalisme patriotique bourgeois. L’impérialisme ce n’est pas le Premier monde d’une trilogie rocambolesque opposant les grands aux moyens et aux petits pays en sursis (sic). Tout cela ce sont les formulations de Kautsky un politicien bourgeois, social-démocrate allemand, du siècle précédent. Tout ceci n’est que l’apparence dissimulant l’évidence. Ces thèses ne sont que fumisteries derrière lesquelles se dissimulent l’opportunisme et le réformisme de la droite comme de la gauche bourgeoise.

L’impérialisme c’est le mode de production et les rapports de production capitalistes rendus à leur stade ultime de développement, au moment où le système économico-politique ne parvient plus à résoudre ses contradictions internes. Ces contradictions qui anciennement mettaient les forces sociales en action pour les résoudre et de ce fait entraînait la croissance du capital et le développement de la société capitaliste. Aujourd’hui, les contradictions, et les classes sociales chargées de les résoudre, paralysent plutôt le système économique et détruisent les forces productives et les marchandises en surproduction relative.

Ainsi, quand la société féodale attachait le paysan à la terre aux rendements déclinants, l’empêchant de migrer vers la ville pour s’employer comme salarié dans les manufactures émergentes, Marx disait que la contradiction du mode de production féodale, c’est-à-dire l’opposition entre la classe des seigneurs propriétaires de la terre et la classe des serfs enchaînés à la terre, devait être résolue par la libération des forces productives du servage afin qu’elles se transforment en classe ouvrière salariée et industrielle, ne possédant en propre que leur force de travail sur le marché de la libre concurrence capitaliste. Cette contradiction antagoniste au sein du féodalisme a été résolue à travers la révolution bourgeoise industrielle qui transforma le monde en transformant le mode de production. Depuis, ce nouveau mode de production capitaliste s’appuie sur ses propres contradictions motrices et ses propres classes antagonistes, la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat salarié.

Le capitalisme marqua d’abord une avancée pour l’humanité. Il permit de démultiplier les forces productives et les marchandises à commercialiser à travers une exploitation intensive d’une portion de l’humanité (les ouvriers) résidante aussi bien en pays capitalistes avancés qu’en pays capitalistes arriérés. La différence entre ces deux catégories n’est pas une différence structurelle, mais une différence superficielle. Cette différence est le fruit de la division internationale du travail et de la production, et donc de l’accaparement différencié de la plus-value et du capital privé et étatique bourgeois. C’est ce que Rosa Luxemburg, comme Lénine, appelleront le développement inégal, combiné et par bond du capitalisme dans divers pays, hier tous capitalistes et aujourd’hui tous impérialistes.

Le monde actuel n’est pas divisé en un triptyque de « Trois mondes capitalistes » de plus ou moins grandes dangerosités (sic). Le monde capitaliste contemporain est regroupé sous un seul mode de production hégémonique alors que quelques reliquats épars du mode de production féodal sont toujours en cours d’intégration systémique (Afghanistan, Bhoutan, Népal, Mauritanie, Mali, Centre Afrique, etc.) Le monde capitaliste-impérialiste est divisé en deux immenses forces, la classe capitaliste monopoliste hégémonique mondiale, et la classe ouvrière internationale révolutionnaire, qui pour le moment accumule ses forces afin d’ébranler et, nous l’espérons, renverser l’Ancien Monde.

L’impérialisme c’est le mode de production capitaliste à son stade suprême et décadent d’évolution. Un système de production globalisé, internationalisé, intégrant la totalité des moyens de production existants, des transactions commerciales, des tractations diplomatiques, des échanges internationaux ; la totalité des alliances et des affrontements se développant sur la Terre tout entière. L’État d’Haïti fait partie intégrante de l’ensemble impérialiste mondialisé et globalisé. L’État impérialiste haïtien a la particularité d’être pauvre, de jouer un rôle modeste et spécifique dans l’ensemble impérialiste mondial. Il est le fournisseur de main-d’œuvre peu qualifiée et bon marché des multinationales du sucre établies en République dominicaine ainsi que de quelques manufactures de vêtement installées à Port-au-Prince. Le reste de la population d’Haïti est considéré comme un « avatar » par l’impérialisme mondial qui lui accorde bien peu d’importance. Cette population peut mourir, disparaître sous les décombres, s’entretuer, l’impérialisme international n’en a cure. Il en est de même pour les populations du Libéria, du Sierra Léone et de la Guinée soumises aux affres de l’épidémie d’Ebola. L’approvisionnement en travailleurs miniers guinéens compétent préoccupe Rio-Tinto-Alcan, entreprise multinationale australienne, britannique et canadienne. Le reste de la population, qui ne laisse pratiquement aucune empreinte économique dans le paysage impérialiste mondial, ne préoccupe nullement ce géant. Nous pourrions reprendre cette démonstration pour chacun des petits pays intégrés au mode de production capitaliste-impérialiste et pour ceux pas encore totalement intégré comme l’Afghanistan, hier objet de toutes les attentions et aujourd’hui retourné à l’âge de pierre et à l’oubli depuis que les États-Unis et l’OTAN y ont stoppé les avancés de l’impérialisme russo-chinois.

Imbroglio théorique à propos de l’impérialisme

La gauche bourgeoise conteste la conception de l’impérialisme global et mondial que nous venons de présenter et soutien plutôt que les pays émergent tels le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), divers pays de l’Amérique Latine (MERCOSUR et Alliance bolivarienne) et certains pays d’Asie (Corée du Sud, Taïwan, Indonésie) se seraient développés par eux-mêmes en tant que puissances capitalistes ne s’appuyant que sur leur propre capital national, ce qui leur donnerait une certaine « indépendance nationale » vis-à-vis ce qu’ils appellent les puissances impérialistes occidentales. Ces supputations réformistes et opportunistes ne tiennent pas la route et ne reposent sur aucune donnée validée. Le dernier pays isolé qui est parvenu à construire seul son infrastructure industrielle lourde et légère (secteur 1 et 2 selon Marx) fut l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (1921-1939). En 1939, cette nouvelle puissance capitaliste terminait son intégration dans le monde impérialiste mondialisée et globalisée, d’abord dans l’alliance germano-soviétique, puis, en 1941, au sein du consortium américano-soviétique qui s’est partagé le monde de l’après-guerre. Le petit prolétariat russe de 1917 (7 millions d’individus), faible, peu expérimenté, et largement minoritaire parmi les masses paysannes arriérées (35 à 50 millions d’individus), illettrées, miséreuses et paupérisées, ne pouvait construire seul la société post-industrielle socialiste de l’abondance en sautant par-dessus l’étape du capitalisme industriel et sans le soutien du prolétariat du monde entier. Le reste du prolétariat mondial avait lui aussi une marche historique à compléter avant de faire germer de ses mains laborieuses la nouvelle société socialiste post-capitaliste.

Depuis l’époque soviétique aucun pays, y compris la Chine paysanne, semi-féodale, nationaliste, puis impérialiste, n’est parvenu à s’ériger en puissance capitaliste indépendante hors de l’ensemble impérialiste globalisé et mondialisé. Depuis l’URSS, tous les pays qui se sont industrialisés l’ont fait sous la gouverne des entreprises privées capitalistes occidentales en collaboration avec la bourgeoisie et les compagnies privées ou semi-étatiques de ces pays « émergents » (sic).

Ce n’est pas le statut de privé, public, semi-étatique, ou de consortium à propriété partagé qui détermine le statut capitaliste ou socialiste d’une entreprise. Pour qu’une entreprise soit socialiste, elle doit se développer dans une société totalement socialiste, c’est-à-dire vivant, sous la dictature du prolétariat. Une société ne peut être mixte, une entreprise ne peut être à propriété mixte capitaliste et socialiste. Cela est impossible. Les deux modes de production capitaliste et socialiste (puis communiste) ne peuvent absolument pas coexister pacifiquement et encore moins sur un territoire national bourgeois. En 1917 et en 1949, les tentatives de construire le socialisme dans un seul pays isolé était voué à l’échec et le resteront à jamais.

Les pays capitalistes émergents

Le concept de pays capitalistes émergents doit être compris comme une mesure de la progression d’un pays capitalisme-impérialiste par rapport à d’autres pays capitalistes-impérialistes plus avancés et aussi par rapport à d’autres pays capitalistes-impérialistes indigents, moins performants, bénéficiant de moins de capitaux et de moins de ressources naturelles. Quoique cette dernière variable soit de faible valeur explicative comme le prouvent le développement de villes États comme Singapour, Monaco, Hong-Kong et Macao, etc.

La « révolution altermondialiste »

Face à la crise systémique de l’ensemble du mode de production impérialiste qui secoue tous les continents, les courants de la gauche bourgeoise sont unanimes et ils déclament qu’un Nouveau Monde est possible (sic). À l’exemple de Warren Buffet le multimilliardaire, ils réclament une plus juste répartition des revenus entre les riches, dont les 1% accapare presque 20% du patrimoine mondial, alors que les 99% restants se partagent le 80% résiduel. Pire, quelques milliards d’individus subsistent dans une immense pauvreté, sans eau potable, et avec moins de 2 dollars par jour pour se nourrir et se vêtir. Nous connaissons toutes ces calamités issues de l’impérialisme débridé. La question qui nous confronte n’est pas de reconnaître cette réalité souffrante, mais de la transformer, de la changer radicalement... Mais comment ?

La go-gauche radical s’aventure à quémander des augmentations de salaire pour tous les salariés. Différentes tactiques sont présentées pour redistribuer l’argent et hausser le salaire minimum (SMIC). Ou alors pour augmenter les prestations d’assistance sociale et d’assurance chômage. On propose de réduire les tarifs des services publics. On suggère de hausser les impôts des riches et d’enrayer l’évasion fiscale. Évidemment, ces pseudo « solutions » ne concernent que les pays occidentaux, puisque dans les pays du tiers-monde ces prestations et ces services ne sont même pas disponibles pour l’immense majorité... Comment hausser un salaire minimum qui n’existe pas et alors que 50% des travailleurs sont sans emploi ? Comment hausser des prestations d’aide sociale inexistantes ? Misérables bobos altermondialistes, petits-bourgeois gauchisants et décadents.

Enfin, quelques économistes aussi « progressistes » que le nobélisé Joseph Stiglitz ex-conseiller du Président américain Bill Clinton, et l’altruiste Thomas Piketty, à la remorque du millionnaire John Maynard Keynes attestent qu’il y a va de la survie du capitalisme et qu’il faut augmenter les revenus des salariés pour relancer la consommation (4). On en vient à ne plus rien comprendre. Pensez donc, l’économie impérialiste s’écroule, les thuriféraires universitaires et les Nobels d’économie biens pensants ont trouvé la solution (augmenter les revenus des consommateurs afin de relancer la demande) et les magnats de la finance, les capitaines d’industrie, les larbins politiciens n’écoutent rien et refusent d’appliquer le remède qui pourrait sauver tout leurs biens. Comment expliqué une telle contradiction entre la raison et les centres de décision ? C’est que la « solution » des sommités de l’économie est bidon et les pontifes de l’économie politique capitaliste ronronnent pendant que la gauche bourgeoise s’époumone.

Robert Bibeau

La semaine prochaine : Le travail salarié et la loi de la valeur

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Caitlin Johnstone

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