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La cotisation, c’est du salaire

Entendre dire par le directeur général de l’Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) que cette dernière « joue un rôle moteur dans la relance avec les exonérations de cotisations sociales » fait toujours mal aux oreilles. Même si l’entretien, publié dans la Tribune*, était à la base peu suspect de tendance communiste ou anarcho-syndicaliste.

L’Urssaf est l’organisme responsable de la collecte des cotisations sociales – patronales comme salariales, cette distinction étant purement formelle – versées par les entreprises et qui sont ensuite affectées aux différentes branches de la sécurité sociale.

Or rappelons que ces cotisations sociales ne constituent pas des charges, dont les entreprises, voire les salariés, porteraient le poids, mais du salaire. En effet, dans la répartition primaire de la valeur entre capital (profits) et travail (salaires) inhérentes à notre économie capitaliste, les cotisations concernent la part travail. Il s’agit de salaire socialisé, c’est à dire qu’il n’est pas versé au salarié directement (comme le salaire net) mais qu’il est mutualisé à l’échelle nationale puis reversé en tant que de besoin à chacun via les différentes caisses de sécurité sociale :

 soit directement sous forme de salaire direct pour les travailleurs du secteur hospitalier,

 soit sous forme de salaire continué à travers les pensions de retraites,

 soit sous forme de prestations en compensation ou complément de salaire selon les situations des travailleurs au regard de l’emploi (chômage, arrêt de travail), de la famille (allocations familiales pour les parents),

 soit sous forme du couple « gratuité » des soins / rémunération des professionnels de santé libéraux conventionnés (la carte vitale sert à « payer » un médecin conventionné, c’est à dire qui respecte les principes et tarifs de la sécurité sociale, sans faire apparaître l’échange marchand à charge du malade).

En clair, l’Urssaf collecte une part de la richesse produite par notre travail puis la répartit pour assurer notre protection sociale : 500 milliards d’euros sont ainsi gérés en dehors du budget de l’État, par un organisme privé chargé d’une mission de service public. Sans les cotisations sociales, nos salaires directs seraient certes plus élevés (pour ceux qui ont un emploi), mais il nous faudrait nous protéger individuellement, chacun dans son coin, à travers de l’épargne personnelle ou des souscriptions d’assurances privées pour couvrir tous les risques et moments de la vie : maladie, chômage, parentalité, handicap, vieillesse. C’est dire le progrès humain qu’a apporté la création en 1945 de la Sécurité Sociale, véritable institution anticapitaliste, en garantissant à toutes et tous une protection sociale tout au long de la vie grâce à la mise en commun, en amont, d’une partie de la richesse (au sens de valeur économique) produite par notre travail. Ce dispositif nous émancipe des employeurs en déconnectant une partie de notre salaire (les retraites, les prestations sociales de la sécu, les allocations chômage, la gratuité des soins) de tout rapport à l’emploi.

Contrairement à ce que laisse penser le vocable de charges dont il serait bienvenu d’exonérer les entreprises pour aider la relance, les cotisations reconnaissent et affirment une production de valeur non liée à l’activité marchande des entreprises. Pour autant, elles sont « connectées » à la masse salariale des entreprises pour que cette production de valeur soit économique reconnue et donc intégrée dans le coût de fabrication des biens et services que nous nous échangeons ensuite, la plupart du temps dans un rapport marchand, en raison de l’extrême division sociale du travail de notre société.

Qu’a fait le gouvernement pour pallier la crise sanitaire ?

Lors de la crise sanitaire, le gouvernement a donc choisi, d’un côté, d’exonérer les entreprises de leurs cotisations sociales (donc de baisser nos salaires indirects qui alimentent les soignants, les retraités, les caisses de chômage, etc.) et parallèlement de créer de la monnaie (les fameux 100 milliards d’euros du plan de relance via la dette publique) reversée aux entreprises sans contrepartie, afin qu’elles survivent et continuent de verser une part des salaires – et donc des cotisations – de leur employés. Avec le risque, qui s’est avéré dans les entreprises prenant la forme de sociétés de capitaux (Aéroport de Paris, Sanofi, Carrefour, etc), que les milliards soient en partie conservés par les actionnaires pour le versement des dividendes, et qu’une infime partie ruisselle...et encore, avec des licenciements à la clé !

Un autre chemin est possible

Un autre chemin était possible : maintenir les cotisations, voire les moduler en les augmentant pour les secteurs économiques non suspendus durant la crise sanitaire (la modulation est évoquée par le directeur de l’Urssaf dans son entretien, mais uniquement dans le sens de l’allègement), et reverser directement aux salariés et indépendants un salaire minimum, sans passer par la case « entreprises » en évitant ainsi que des milliards d’euros soient détournés au profit des dividendes des actionnaires, qui se sont bien portés en 2020. Pour eux tout va bien, merci la crise !

Seul le travail produit de la richesse

Pour conclure, il est important de garder en tête que seul le travail – au sens d’activité humaine – produit de la richesse, c’est à dire de la valeur d’usage. Un paquet d’actions posé sur le sol, ne produit rien. Un titre de propriété, même celui d’un bel immeuble, ne crée aucune valeur. Le grand sujet de notre société, au sens de groupe d’humains vivant sur un territoire donné, étant de s’entendre sur la part de cette valeur d’usage qu’il convient de reconnaître sous forme de valeur économique (d’argent), et sur les institutions qu’il convient de construire et d’étendre pour assurer l’organisation du travail la plus juste, la plus écologique et la plus souhaitable : la sécurité sociale et son système de cotisations, préfigurateur de salaire déconnecté de l’emploi, que nous appelons salaire à vie, reste une modèle à poursuivre et développer.

Note :
*https://www.latribune.fr/economie/france/relance-l-urssaf-joue-un-role-de-moteur-avec-les-exonerations-de-cotisations-sociales-887489.html#:~:text=L’Urssaf%20joue%20un%20r%C3%B4le%20de%20moteur%20dans%20la%20relance,un%20%C3%A9chelonnement%20des%20%C3%A9ch%C3%A9ances%20sociales.

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