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Hausse du SMIC : l’arnaque de la droite

Guillaume Pelletier, jeune libéral incarnant la relève chez « Les Républicains », clame partout son intention d’augmenter le SMIC pour relancer l’économie. Venant de la droite, une telle idée interpelle et l’on se dit qu’elle cache quelque chose. Rentrons dans le détail...

Un mensonge

Comment Pelletier compte-t-il s’y prendre ? En commençant par baisser ce qu’il appelle les « charges », c’est à dire supprimer les cotisations sociales. Or les cotisations sociales, loin d’être des charges, font partie intégrante du salaire : elles alimentent en temps réel les caisses de sécurité sociale qui à leur tour reversent ces cotisations aux travailleurs sous différentes formes selon leur situation professionnelle, familiale, ou de santé. Les cotisations sociales servent ainsi à payer :

 Les salaires de l’ensemble des personnels hospitaliers,

 Les pensions des retraités, véritable salaire continué,

 Les indemnités salariales des chômeurs et travailleurs en arrêt maladie,

 Les allocations familiales qui sont un complément de salaire pour les parents.

Ces cotisations sociales (salariales ou patronales, peu importe, cette distinction étant purement fictive) constituent donc du salaire. Certes pas le salaire net que touche le salarié à la fin du mois, mais DU salaire (la part du brut) que touchent les soignants, les chômeurs, les retraités, les parents que nous sommes toutes et tous susceptibles d’être ou de devenir.

Annoncer une hausse de salaire, en l’occurrence du SMIC, en supprimant les cotisations sociales est un mensonge, ou si l’on préfère un tour de passe-passe, car les cotisations sont du salaire. Ce que propose Pelletier, c’est d’augmenter le salaire sur la fiche de paie, en prenant l’argent dans les caisses de la sécurité sociale alimentée par la cotisation sociale que verse l’employeur. Pour comprendre toute l’iniquité (et la bêtise) de son projet qui peut sembler à première vue satisfaire « en même temps » les employeurs et les salariés (un jeu dans lequel la Macronie excelle), il faut se rappeler que, sur le long terme, cela produit les Etats-Unis d’Amérique. Aux Etats-Unis, les salaires nominaux sont plus élevés que chez nous, mais chacun doit individuellement souscrire à toutes sortes d’assurances privées qui reviennent beaucoup plus chères que la sécurité sociale, à chacun (le prix d’une consultation chez un médecin généraliste aux États-Unis varie entre 120 et 230 dollars, contre 25 euros en France chez une médecin conventionné), comme au pays tout entier (la France consacre au total 11,5% de son PIB à la santé et les Etats-Unis 17,8%), tout en donnant « les pires résultats en matière de santé pour la population et le moins bon accès aux soins de tous les autres pays riches ». Mais nous y reviendrons.

En fait, ce que cherche la Macronie, c’est à faire baisser les salaires, sous couvert de les augmenter. Il est clair que le chemin que prend le pays, c’est celui du dumping social, en courant à l’alignement des salaires vers le bas, au motif que baisser le coût du travail serait bon pour l’économie et la compétitivité : baisser le coût du travail revient à dévaloriser le travail, à baisser la part qui lui revient dans la richesse produite au profit de la part qui reviendra au capital, c’est à dire aux dividendes et autres rémunérations du capital.

Une escroquerie

« Je plaide toujours pour une hausse générale des salaires en échange d’une baisse drastique des cotisations qui pèsent sur les entreprises. N’augmenter que le Smic est une erreur car cela pénalise injustement toute la France des classes moyennes. Mais pour pouvoir augmenter les salaires, l’Etat doit diminuer de manière drastique ses dépenses, afin que cela ne pèse ni sur les contribuables ni sur les entreprises ».

Certes une baisse des cotisations est une baisse de salaire socialisé, mais le salarié peut tout de même se dire qu’à brève échéance son salaire direct s’en trouvera amélioré, l’entreprise – patrons et actionnaires – ayant une charge salariale globale allégée. Alors où est le problème ? C’est qu’au bout du compte, le salarié y perdra dans tous les cas de figure :

 lorsqu’il aura des enfants, adieu les allocations familiales,

 lorsqu’il se rendra à l’hôpital, chez le médecin ou à la pharmacie : adieu la prise en charge des soins par la sécu et l’accueil à l’hôpital... sauf à payer « de sa poche » une clinique privée, ou s’offrir une assurance complémentaire santé à 100 € ou plus par mois ;

 pour toucher une pension de retraite, il devra travailler plus vieux, et avoir souscrit une complémentaire retraite.

Pelletier ne cache pas son intention de réformer le système de retraite, de réduire les dépenses de l’État de 40 Mds d’euros, sans dire quels seront les budgets sacrifiés : les écoles ? La santé ? Les transports ? Le salarié découvrira avec surprise ce que le mirage d’une augmentation immédiate de salaire lui coûte à la fin de l’année en nouvelles dépenses et dégradations des services publics.

On voit ainsi que le salarié pouvant croire un instant « gagner plus » en salaire net va voir revenir en boomerang « à sa charge » des dépenses auparavant prises en charge collectivement par la sécurité sociale. Hélas pour lui, il comprendra trop tard qu’il a été floué.

Une tromperie

Pelletier le dit rapidement mais les mots sont importants :

« Comme nous le proposons avec les Républicains, il faut aussi augmenter le temps de travail dans la fonction publique – en passant de 35h à 39h – en échange d’une augmentation de rémunération qui doit être négociée intelligemment, collectivité par collectivité, fonction publique par fonction publique ».

On comprend donc ici que l’une des pistes pour compenser cette prétendue hausse des salaires passe par l’augmentation du temps de travail des fonctionnaires, à salaire égal cela va sans dire, de 10 %. Les fonctionnaires semblent donc mériter un traitement spécial puisqu’ils verront leur salaire horaire baisser. Ils apprécieront.

« Le Smic c’est 1.188 euros nets en France. C’est 350 euros en plus de charges salariales puis 120 euros de charges patronales, réduites par les dispositifs Fillon et Hollande. Nous, nous proposons de réduire les charges salariales. Ça n’aura aucun impact pour les entrepreneurs, ça ne coûtera pas plus cher aux artisans et patrons de TPE et PME, par contre vous pourrez augmenter le salaire net des salariés ».

Vous l’avez vu le conditionnel ? Pelletier ne dit pas « je fixerai par une loi l’augmentation des salaires que je vous promets », il ne dit pas non plus qu’il conditionnera la baisse des cotisations sociales à l’augmentation réelle et contractualisée des salaires de l’entreprise, il dit que l’on « pourra » augmenter les salaires. Un peu comme Hollande et Sapin, fiers de leur CICE au mécanisme assez comparable, nous disaient que grâce à cette baisse des impôts et cotisations les entreprises pourraient plus facilement embaucher et « créer des emplois »...On a vu le résultat.

Rappelons qu’il n’y a rien de mystérieux là-dedans : dans un système capitaliste comme le nôtre, les prix des marchandises ne sont pas établis par la somme des coûts de fabrications, mais par la « loi » du marché, à savoir la rencontre de l’offre et de la demande. Le prix dépend donc autant du coût de fabrication que de la solvabilité des clients, et pour que cette loi fonctionne, il faut un univers de concurrence pure et parfaite.

Or le travail ne se réduit pas à une marchandise, et l’offre de travail (les mal-nommés demandeurs d’emploi) ne s’ajuste pas mécaniquement à la demande de travail (les postes d’embauches), car il s’agit d’hommes et de femmes liés à un territoire, avec des besoins, des attaches, des qualifications, qui ne s’exportent pas du jour au lendemain d’une région à l’autre au gré de besoins des entreprises.

Il n’y a ainsi, par analogie, aucune certitude qu’une baisse les cotisations entraîne automatiquement une hausse des salaires nets : les patrons et actionnaires empocheront la baisse de cotisations et les plus généreux octroieront peut-être une petite prime aux salariés, car l’objet même d’une entreprise n’est pas de créer des emplois ni de verser de bons salaires : c’est de produire des marchandises au meilleur coût, et a minima d’équilibrer ses comptes.

Conclusion

Le salaire net et brut doit être augmenté car il ne représente pas le coût mais plutôt la valeur du travail. Toute attaque contre les cotisations revient à diminuer le salaire brut, donc à appauvrir au global les salariés en les privant de ressources « gratuites » car prises en charge collectivement à travers ces cotisations.

Mais il s’agit aussi d’une rupture de l’égalité des citoyens face aux aléas de la vie, que la création de la Sécurité Sociale en 1945 sous l’impulsion du ministre communiste Ambroise Croizat entendait assurer en faisant bénéficier tout le monde d’une protection sociale identique indépendante des revenus de chacun. Supprimer la protection sociale collective financée par les cotisations au profit d’assurances individuelles que tout le monde ne pourra pas s’offrir creusera encore le fossé entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas « les moyens », et son cortège de misère et de désespoir, terreau de toutes les haines.

D’autres voie sont possibles, en s’appuyant sur les cotisations pour garantir un salaire minimum à toutes et tous dès la majorité politique : c’est le projet que défend l’association Salaire à Vie à travers l’instauration d’un Premier Niveau de Salaire Inconditionnel.

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