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La chute de la maison Guérini

Prononcée ce vendredi à Marseille, la condamnation de Jean-Noël Guérini, ex-président du département et patron politique de la ville, et de son frère Alexandre, entrepreneur dans les déchets, marque pour tous ses acteurs une nouvelle station d’un interminable chemin de croix. Et probablement la fin de l’aventure pour le sénateur DVG.

Six ans de prison ferme, avec un mandat de dépôt différé au 10 juin... Alexandre Guérini est reconnu coupable de recel de prise illégale d’intérêts, de blanchiment à titre habituel, d’abus de confiance et de complicité de favoritisme. Une autre peine de 3 ans dont 18 mois avec sursis contre Jean-Noël Guérini, pour prise illégale d’intérêt... Pour l’aîné de la fratrie corso-marseillaise, la condamnation est assortie de 5 années de privations des droits civiques, qui le priveront de la fin de son mandat de sénateur, après sa réélection en septembre 2020.

Bad trip

La semaine s’annonçait mal, et c’est peu dire que les deux frères la voyaient avancer vers la décision finale sans illusions. Depuis des mois, plusieurs élus les avaient précédé devant la même 6ème chambre correctionnelle, compétente en matière politico-financière. Dans ce défilé de politiques pris la main dans le pot de confiture, plusieurs membres de l’ex-galaxie G, rouages essentiels de leur main-mise exercée des années durant sur Marseille et le département : ainsi de l’ex-eurodéputé EELV Karim Zéribi (condamné en septembre 2020), de l’ancien député PS Henri Jibrayel (septembre 2020) ou de son ex-collège PS également et vice-président du département Jean-Pierre Maggi (janvier 2021) – qui tous les trois ont pris pleine poire le retour de bâton de la justice. Ce mercredi 26 mai encore, les membres d’un clan familial, celui de feu Roland Povinelli, ont écouté en silence et avec effroi le réquisitoire du ministère public. A nouveau, devant le même tribunal correctionnel de Marseille, le parquet a réclamé de la prison ferme contre les enfants et la belle-fille de cet autre ex-baron du guérinisme, maire imbattable de la commune limitrophe d’Allauch – où se tenaient les congrès de la fédé PS 13.

Un frère, des enfants

La sentence a été longue à venir. Ce 28 mai, un peu après 14 heures, la présidente Céline Ballerini s’est lancée dans le prononcé de son jugement, en délibéré depuis la mi-mars. Pour égrener une à une les condamnations, et solder une enquête longue de 12 ans, des faits vieux parfois de plus de 15 et une parenthèse politique désormais scellée. Cette époque révolue, étalée de la fin des années 90 jusqu’aux années 2010, est celle pendant laquelle les frères Guérini ont régné sans partage sur le parti socialiste marseillais, alors maître du conseil général, de la communauté urbaine et pièce maîtresse du conseil régional Paca. En parallèle, Alexandre Guérini, entrepreneur ayant fait fortune dans les déchets, a conquis le surnom de « M. Frère », pour le rôle et l’influence qu’il exerçait dans les collectivités locales dans l’ombre de son aîné, Jean-Noël, président du département, sénateur et faiseur de rois au PS – ou plutôt de premiers secrétaires.

De cette période agitée, quelques-uns, rares, sont parvenus à ressortir indemnes, comme on passerait par miracle entre les gouttes d’un orage. Ils étaient de ceux que Jean-Noël Guérini, gourmand, appelait « mes enfants ». Ses « enfants », au premier rang desquels figuraient l’actuel maire PS de Marseille Benoît Payan, son adjointe Samia Ghali ou encore la désormais sénatrice PS Marie-Arlette Carlotti.

Chemin de croix

Appels d’offres modifiés ou retirés, promotion éclair (un cadre affecté à la gestion des déchets), pressions politiques, arrangements administratifs et financiers pour l’achat d’un terrain (permettant l’extension d’une décharge)... Jetées comme ça, la litanie des griefs à l’encontre de la fratrie originaire de Calenzana, en Balagne (en Corse), fait illusion. La réalité est toute autre. Au fil des années, les prévenus n’ont d’une part jamais baissé pavillon, épuisant toutes les voies pour éviter un procès – jusqu’à la cour de cassation. La justice par ailleurs a elle aussi connu des ratés. L’instruction a notamment traversé un trou noir, plus de deux années pendant lesquelles aucun acte n’a été posé, dans une torpeur aux allures d’enterrement. Au final, le procès tenu en mars a logiquement fait les frais de ces errances et de cette pudibonderie, avec une procédure arrivée amincie devant le tribunal au terme de cette cure nécessaire pour franchir bien des obstacles. Et il a encore fallu attendre de longs mois pour qu’il soit enfin audiencé, nouveau temps de latence officiellement justifié par...l’impossibilité de trouver une salle assez vaste pour accueillir les prévenus.

Cette femme, qui va entendre ça... Elle va se dire "qui c’est, ce type" ?

Durant trois semaines de débat, en mars, les murs de la salle n°1 du palais Monthyon ont résonné des échos du passé. Ils ont parfois rougi. La diffusion d’écoutes, mélange de violence, de vulgarité, de coups de sang et de clientélisme, a été ravageuse pour les accusés. Alexandre Guérini, qui a de la mémoire, appréhendait le moment. « Ce qui me gène, nous confiait l’homme d’affaires quelques semaines avant l’audience, prenant le temps de nous recevoir à plusieurs reprises, ce sont les écoutes. Cette femme (la présidente du tribunal, ndlr) qui va entendre ça... Elle va se dire « qui c’est, ce type ? »... ». Leurs pertes de mémoire n’ont pas servi non plus la cause des prévenus. Cuisinés à la barre pour identifier la source policière qui les avait informés de l’existence d’une enquête, les deux frères ont feint l’oubli. Quand bien même la présidente a insisté sur l’embauche au conseil général des enfants de Bernard Squarcini, ancien préfet de police à Marseille et ex-directeur de la DCRI, ils n’ont pas pipé mot.

Naviguant ainsi entre les ombres, les absents et des faits parfois si lointains, la magistrate, habituée depuis deux ans aux singularités du personnel politique local, n’a parfois pas caché son agacement devant ces circonvolutions. Mais pédagogue et prenant sur elle, elle a pris le temps de l’écoute, puis de la réflexion pour mûrir sa décision.

Hydre à deux têtes

« Il ne peut qu’être constaté, décrit la présidente Ballerini dans un délibéré de 200 feuillets lardé de 37 pages de motivation acérées, que tout ce dossier révèle les agissements frauduleux d’Alexandre Guérini, qui pour arriver à ses fins et réussir à s’imposer dans le monde économique du traitement du déchet n’a eu de cesse de profiter de la position particulièrement en vue de son frère Jean Noël Guérini et de le solliciter afin de faciliter ses objectifs ou de les atteindre ». Le jugement tire les conclusions logiques de ce constat, qui officialise avec la force du droit ce que tout le monde savait à Marseille : « contrairement à ceux que l’un et l’autre ont voulu assurer au Tribunal, Alexandre Guérini et Jean Noël Guérini n’agissaient pas l’un sans l’autre ».

Ce vendredi, craignant une incarcération immédiate, Alexandre Guérini avait troqué le costume cintré dans lequel il s’était présenté chaque jours en mars pour un jean slim et des baskets. Une tenue sans doute mieux adaptée à un transfert vers la maison d’arrêt. L’homme d’affaires a écouté, tête basse, le verdict tomber. Actant aussi qu’un (court) répit lui était donc accordé. « Pour éviter une médiatisation que le tribunal ne souhaite pas, et eu égard à l’ancienneté des faits », a justifié la présidence. Ainsi, le mandat de dépôt a été différé. L’entrepreneur devra se présenter le 10 juin prochain à la prison des Baumettes. Au terme de cette épreuve, la démarche droite mais le regard hagard, « M. Frère » a salué une dernière fois la présidente, puis encore glissé un mot à Blast – « ça va ? » –, avant de quitter le palais de justice. Libre face à un horizon bouché.

Au bout de sa peine

Quelques secondes plus tôt, encore sous le choc, son frère aîné l’a précédé. Des 3 ans de condamnation dont il hérite, ce ne sont pas les 18 mois fermes (avec maintien à domicile, via un bracelet électronique) qui martyrisent l’aîné des Guérini : la peine n’est pas immédiatement exécutable. En revanche, la privation de ses droits civiques pour cinq ans a un effet immédiat. Le mandat du sénateur de Jean-Noël Guérini touche à sa fin.

« La responsabilité d’un homme qui assume des fonctions électives est de s’en montrer digne et de ne jamais permettre à des intérêts personnels de prendre le dessus sur l’intérêt général, justifie la présidente dans ses motivations. C’est en cela que l’infraction de délit d’initié est parfois raccourcie sous l’expression « on ne peut servir deux maîtres à la fois » et Jean Noël Guérini a franchi cette ligne en entraînant avec lui le Conseil Général et les fonctionnaires qui travaillaient dans cette administration ».

« C’est la fin d’une famille, voilà... Notre famille, elle disparaît »

En réalité, ce verdict est aussi sévère qu’attendu. Après le réquisitoire prononcé mi-mars, Jean-Noël et surtout Alexandre Guérini savaient que la partie était perdue, cette fois. Des mois durant, avant que les débats ne commencent, alors qu’il relisait chaque ligne de l’énorme dossier d’instruction dans son bureau au 1er étage du siège de son entreprise de déchets, le second, le plus menacé, s’était préparé à cette hypothèse. Elle s’est donc confirmée, sans doute aussi lestée du poids des ans. Comme s’il s’agissait de rattraper le temps perdu, ou, peut être, d’en... gagner.

Ce vendredi, passé 20 heures, au moment de boucler, le téléphone a vibré. A l’autre bout du fil, Alexandre Guérini a pris la peine de nous appeler : « Ils ont été particulièrement dur contre mon frère, et contre moi, mais il faut l’accepter : la loi de la République, elle fonctionne pour tout le monde ». Le cadet de la fratrie attend de prendre connaissance des motivations du jugement pour décider, avec ses conseils, s’il fait appel. Il a refusé d’aller purger sa peine à Borgo, en Corse, pour plutôt rester à Marseille. « C’est la fin d’une famille, voilà..., constate-t-il au soir de ce prononcé. Notre famille, elle disparaît ».

Pour autant, au moment où la maison Guérini s’effondre dans les chutes d’un procès, la longue traînée judiciaire de ce dossier est loin d’être achevée : un second volet, qui mêle élus, crime organisé et marchés publics, est encore en cours d’instruction. Fixant l’horizon vers un procès sur « un système mafieux » qui n’aura pas lieu, au mieux, avant 2022.

Accablé par ses langueurs, le “ Guérinigate ” a viré au scandale judiciaire. Qu’aucun verdict ne saurait dissiper.


De Geb :

Squarcini : n’est-ce pas le DG de la DRCI avec qui communiquait téléphoniquement la petite frappe Mohamed Merah lorsque ce dernier s’est fait hacher menu par les robocops de la Brigade AT ?

https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwj0od-UrP7wAhUNshQKHVnZAoQQFjAAegQIBBAD&url=https%3A%2F%2Ffr.wikipedia.org%2Fwiki%2FBernard_Squarcini&usg=AOvVaw290cZaLTNeNHom9cy-NxVp

Et le reste...

https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjVj6L8qf7wAhWQ3eAKHUsxD4oQFjANegQIAhAD&url=https%3A%2F%2Fmarsactu.fr%2Fcomment-la-senatrice-samia-ghali-a-fait-regulariser-sa-piscine%2F&usg=AOvVaw1prtCz_nphByL9v_79tWnW

Y en a d’autres à venir.

»» https://www.blast-info.fr/
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La Nuit de Tlatelolco, histoires orales d’un massacre d’Etat.
Elena Poniatowska
« Pour le Mexique, 1968 se résume à un seul nom, à une seule date : Tlatelolco, 2 octobre. » Elena Poniatowska Alors que le monde pliait sous la fronde d’une jeunesse rebelle, le Mexique aussi connaissait un imposant mouvement étudiant. Dix jours avant le début des Jeux olympiques de Mexico, sous les yeux de la presse internationale, l’armée assassina plusieurs centaines de manifestants. Cette histoire sociale est racontée oralement par celles et ceux qui avaient l’espoir de changer le (…)
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interviewé sur Democracy Now, donnant un exemple des crimes commis en Irak et révélés par Wikileaks

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