Caracas, le 18 mars 2008 (venezuelanalysis.com) - Après quatorze heures d’intenses débats, la réunion des Ministres des Affaires Etrangères de l’Organisation des Etats Américains (OEA) a approuvé, tôt ce matin à Washington, une résolution ratifiant la déclaration du Groupe de Rio du 7 mars, qui rejetait l’incursion militaire de la Colombie en Equateur du 1er mars. L’incursion a causé la mort de 25 personnes, y compris le commandant en second des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC). [1]
La résolution a été approuvée à l’unanimité des 34 pays membres, excepté les Etats-Unis qui ont exprimé des "réserves" sur le point 4 qui "rejette l’incursion des forces militaires et policières de la Colombie sur le territoire de l’Equateur", la considérant comme une "violation évidente" des articles 19 et 21 de la Chartre de l’OEA.
Le sous-secrétaire d’Etat US, John Negroponte, a dit que les Etats-Unis "soutenaient" la résolution dans son ensemble dans le but "d’établir la confiance entre la Colombie et l’Equateur", mais argumenta que l’incursion militaire de la Colombie était "justifiable" sur la base de "la légitime défense".
La résolution a aussi "pris acte" des "excuses totales" de la Colombie pour les actions menées, et de son engagement pour assurer que de tels faits ne se répètent jamais "dans aucune circonstance"
"Le ferme engagement des Etats à combattre les menaces à la sécurité de la part de groupes irréguliers ou d’organisations criminelles, en particulier celles qui sont liées au narcotrafic", a aussi été réitéré.
Le rapport du Secrétaire Général de l’OEA, José Insulza, a aussi été "noté". Celui-ci a mené une enquête la semaine dernière, concluant que les versions de l’Equateur et de la Colombie étaient "contradictoires". Cependant, aucune des recommandations que Insulza a proposées n’ont été incorporées.
Insulza a été chargé d’observer le respect de la résolution et d’aider à la restauration de la confiance entre les deux pays, un rapport d’étape devant être présenté à la prochaine Assemblée Générale de l’OEA en juin.
Debats
Initialement, l’Equateur avait demandé à l’OEA de "condamner" explicitement l’incursion militaire de la Colombie et avait reçu l’appui de douze Etats, incluant le Venezuela, le Brésil, l’Argentine, et la Bolivie. Cependant, la Colombie, les Etats-Unis et le Mexique s’y sont fermement opposé.
Pour atteindre un consensus, l’Equateur a alors modifié sa requête à l’OEA, demandant de "rejeter" les actions de la Colombie.
Des différents sont aussi apparus à propos d’une proposition Colombienne, soutenue par Negroponte, de faire référence au combat contre le "terrorisme" et au droit à la "légitime défense".
La Colombie, les Etats-Unis et l’Union Européenne rangent les FARC dans les "organisations terroristes", alors que de nombreux pays d’Amérique Latine ne le font pas.
La Colombie a aussi prétendu que les documents trouvés dans les ordinateurs appartenants aux FARC, saisis par la Police Nationale Colombienne pendant le raid, montraient les liens entre la guérilla et les gouvernements d’Equateur et du Venezuela, une affirmation que les deux pays ont rejetée catégoriquement.
Les tensions ont encore monté pendant la rencontre, à propos d’une photographie publiée par le quotidien Colombien El Tiempo, (détenu par la famille Santos, dont beaucoup de membres occupent des postes élevés dans le gouvernement Colombien), dont l’article disait qu’elle émanait d’une source de la Police Nationale Colombienne qui assurait qu’elle montrait le Ministre de la Sécurité de l’Equateur, Gustavo Larrea, en réunion avec Raul Reyes des FARC.
Il fut cependant démontré après que cette affirmation était fausse et que la photo était celle de Patricio Echegaray, Secrétaire Général du Parti Communiste d’Argentine. [2]
L’Equateur argumenta que la Colombie essayait de détourner l’attention du sujet en cours et que dans le contexte de la "campagne médiatique" de la Colombie, la référence proposée au terrorisme impliquait que l’Equateur était lié d’une certaine manière à la guerre interne de la Colombie avec les FARC.
L’objet principal de la résolution, ont dit les officiels, devrait être le rejet de la violation par la Colombie de la souveraineté de l’Equateur.
Bien que le document final réaffirme l’engagement des pays membres de l’OEA à combattre "les troupes irrégulières" et "les organisations terroristes" il ne fait aucune référence au terrorisme.
Cependant, à la fin de la réunion, Fernando Araújo le Ministre des Affaires Etrangères de Colombie a dit aux journalistes que son pays avait atteint les objectifs qu’il s’était fixé, tels que la "coopération avec l’Equateur dans la bataille contre les criminels, les insurgés et les terroristes".
Malgré l’engagement Colombien à assurer que de tels actes ne se répètent jamais dans "aucune circonstance", Correazo.com, basé en Colombie, a annoncé lundi que selon le Sénateur Colombien Jesús Bernal du parti d’opposition ’Le Pôle Démocratique’, Uribe aurait dit au cours d’une réunion close avec des dirigeants politiques qu’il agirait de la même façon si cela devait signifier de battre la guérilla, et que la déclaration du Sommet du Groupe de Rio n’était qu’une pantomime.
Dans autre coté, la Ministre des Affaires Etrangères de l’Equateur, Maràa Isabel Salvador a dit que la résolution de l’OEA était un "vrai triomphe" pour son pays, mais expliqua que la discussion avait traîné si longtemps parce que "la Colombie voulait inclure une série de points sans aucun rapport avec le problème débattu : la violation de la souveraineté Equatorienne".
Consultée sur la possibilité de rétablir les liens diplomatiques avec la Colombie, Salvador a répondu "nous évaluons le rétablissement des relations diplomatique avec la Colombie et la décision souveraine sera prise au moment opportun".
Le Ministre Vénézuélien des Affaires Etrangères Nicolás Maduro, a accusé "le gouvernement des Etats-Unis d’avoir entraver les discussions tout au long de la journée et a déclaré "l’OEA montre ses limites historiques".
"L’étape gigantesque franchie à Saint-Domingue reste largement au-dessus de celle de l’OEA, où les Etats-Unis ont simplement essayé tout au long de la journée et une partie de la matinée, de saboter, boycotter et bloquer [la résolution] avec les différents moyens qu’ils ont utilisées pendant des années".
La semaine dernière, la Secrétaire d’Etat Américaine Condoleezza Rice a fait le tour de deux pays, le Chili et le Brésil, pour essayer d’obtenir un soutien à la position de Washington sur l’attaque de la Colombie.
ANSA a rapporté le 16 mars que lors d’une rencontre avec le Président Brésilien Ignacio ’Lula’ Da Silva le 14 mars, Rice avait proposé de "flexibiliser les frontières" en Amérique Latine pour faciliter le combat des militaires Colombiens au delà de leurs frontières contre des groupes comme les FARC.
Cependant, la proposition a été platement refusée par le Brésil, et ANSA a cité une source diplomatique disant "La proposition annulerait l’article 21 de la Chartre de l’OEA qui est considérée comme l’un des principes de base des relations entre les pays d’Amérique Latine. Cela créerait le chaos".
Malgré ces man¦uvres, les Etats-Unis "ont été battus une nouvelle fois et marginalisés le gouvernement décadent de Washington est très irrité parce qu’il n’a pas atteint ses objectifs de nous diviser, de nous amener au conflit, de nous pousser à la guerre" a dit Maduro.
Selon l’opinion du Ministre Vénézuélien des Affaires Etrangères, "une nouvelle époque a commencé qui commence à montrer les changements sur notre continent", changements qui peuvent être aperçus "avec plus de clarté et de précisions dans les organisations de notre continent, qui sont les endroits où nous devons placer notre énergie : l’UNASUR (Union des Nations Sud-Américaines), le Groupe de Rio, et l’unité et l’intégration de l’Amérique Latine et des Caraïbes".
par Kiraz Janicke
Traduction Laurent pour le Grand Soir
http://www.venezuelanalysis.com/news/3284
[1] NDT. Ainsi que de cinq étudiants Mexicains, voir l’article de Blanche Petrich : "L’étudiante Mexicaine survivante a révélé que les soldats Colombiens ont achevé des personnes blessées ou qui s’étaient rendues". http://www.rebelion.org/noticia.php?id=64725
[2] NDT. Voir l’article de Pascual Serrano : "La campagne de mensonges du quotidien El Tiempo contre le gouvernement équatorien est dévoilée". http://www.pascualserrano.net/notic...