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L’Education n’échappe pas à la mondialisation libérale !

Par Louis Weber

Alors que va bientôt s’ouvrir à Porto Alegre le deuxième Forum mondial
de l’éducation (fin janvier 2003), il est temps de prendre conscience
en France que l’éducation, quoique elle se présente encore volontiers
comme « nationale » et ne semble susciter que des débats très « 
franco-français » est de plus en plus soumise à des impératifs
idéologiques et à des logiques économiques qui concernent l’ensemble
des systèmes d’enseignement au Nord comme au Sud. La politique
néolibérale qui vise à « ajuster » les sociétés au libre marché
mondial ne se cantonne pas à la seule sphère économique et
financière. Elle concerne toutes les institutions et en particulier le
domaine de l’éducation. Dans la doctrine dominante, la distinction
subtile qu’on essaie de faire parfois en France entre « économie de
marché » et « société de marché » n’a, à proprement parler, aucun
sens. Ce sont tous les domaines de la vie sociale et culturelle qui
sont mobilisés dans une quête illimitée de « l’efficacité » et de la
« compétitivité ». Non seulement l’éducation n’y échappe pas, mais
elle est même érigée en facteur fondamental de croissance et de
productivité dans les conceptions dominantes du capital humain et de
la formation des ressources humaines. Sur ce point, il existe une très
grande concordance des doctrines produites par l’Organisation mondiale
du commerce, par la Commission européenne, par l’OCDE ou par la
Banque mondiale.

Une véritable vulgate libérale s’est répandue dont on reconnaît vite
les mots clés dans l’abondante littérature de ces organisations :
"capital humain", "rentabilité des investissements", "marché
éducatif", "choix de l’école", "décentralisation de l’école", "nouveau
management", "démarche qualité", "éducation tout au long de la vie",
etc. L’éducation est regardée par des organismes dont la vocation
première est économique comme un bien privé, individuel,
marchandisable, dont le principal bénéfice est de nature économique.
Les motifs qui guident les choix scolaires sont les "retours sur
investissement" et les besoins en main d’oeuvre des entreprises.
Certes, les rapporteurs et les orateurs liés à ces organisations
internationales oublient rarement le couplet humaniste sur
l’importance de la culture, du lien social ou de la citoyenneté. Mais
l’essentiel de leur propos n’est pas là . Il s’agit principalement de
réduire les coûts de l’éducation quand ils sont assurés par la dépense
publique, de faire appel à des financements privés, d’introduire des
mécanismes et des valeurs du marché, de copier l’entreprise et son
management soi-disant efficace, de toujours privilégier les
objectifs économiques dans la définition des contenus et des méthodes
pédagogiques et, finalement, de faire de l’éducation une source de
profits. Cette subordination de l’école à la « compétitivité globale »
inspire de plus en plus la réforme de l’éducation prônée par les
organisations internationales et appliquée par les gouvernements
influencés par l’idéologie néo-libérale.

Reste qu’en ce domaine comme dans les autres, ces organisations
rencontrent des obstacles dans l’application de l’orthodoxie dont
elles se veulent les gardiennes jalouses. Les mouvements de résistance
à la mondialisation libérale mettent en cause les processus qui
poussent à la libéralisation intégrale et destructrice des échanges en
matière d’enseignement. Cette protestation, surtout depuis la
conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce à 
Seattle en décembre 1999, a mis en lumière l’existence de fortes
menaces sur des secteurs que beaucoup pensaient jusque-là épargnés
parce qu’administrés à la seule échelle nationale, comme c’est encore
assez largement le cas pour l’éducation. On voit de mieux en mieux
comment les réformes de l’enseignement dans chaque pays obéissent à 
des orientations libérales qui transcendent les frontières nationales
 : réduction des coûts, réorganisation managériale, constitution de
marchés éducatifs et privatisations plus ou moins rampantes leur
donnent un cachet commun. On sait aussi que la lutte à mener dans le
domaine éducatif est mondiale. Ce qui donne une nouvelle
responsabilité aux mouvements qui luttent contre la marchandisation du
monde. Et parmi eux, principalement, les organisations syndicales de
l’enseignement et de la culture. Cela donne plus d’importance aux
liens entre les syndicats des différents pays et régions de la planète
et change la façon dont il convient d’analyser et de combattre les
réformes d’inspiration libérale.

Le nouvel ordre éducatif mondial n’est pas le fait d’un complot
extérieur mais le produit de l’élaboration et de la diffusion d’une
conception de l’enseignement à laquelle les responsables politiques et
administratifs nationaux, loin de s’y opposer, contribuent
docilement. Les organisations internationales comme le FMI , la Banque
mondiale ou l’OMC sont largement dominées par les pays les plus
riches, leurs gouvernements participent à leur administration et à 
leur direction. Certains pays, les États-Unis en tête, ont certes un
rôle moteur. Mais ceux qui les suivent alors qu’ils pourraient faire
autrement, à commencer par la France, sont coresponsables de la
politique néolibérale qui s’impose à l’échelle mondiale. Quant à la
Commission européenne, qui prétend parfois défendre un « modèle
européen » spécifique, il suffit de comparer ces textes et rapports d’
orientation avec ceux de l’OCDE par exemple pour s’apercevoir qu’elle
ne fait paresseusement que du copier-coller » de notions et d’analyses
plutôt que d’inventer et de promouvoir une voie originale. Il est donc
hautement souhaitable d’interpeller les représentants des
gouvernements nationaux sur leurs prises de position dans les
organismes internationaux, sur les accords qu’ils signent, sur les
philosophies qui les guident, c’est-à -dire sur tous les éléments de
leur politique. Mais il faut surtout que s’organise un débat associant
toutes les composantes de la société autour des orientations
éducatives que nous voulons. Comment imaginer par exemple, et en s’en
tenant aux politiques de l’éducation, que les syndicats de
l’enseignement soient placés devant une doctrine qui inspire
profondément les réformes proposées pour les systèmes éducatifs, sans
pour autant être jamais explicitée et donc jamais discutée au fond ?

Il existe des alternatives. Elles se construisent notamment dans des
forums tels que ceux de Porto Alegre. Conçu d’abord, en janvier 2000,
comme un contre-Davos, c’est-à -dire comme un lieu de résistance à 
l’idéologie libérale, résistance qui reste évidemment d’actualité, le
Forum social mondial est devenu très rapidement une ruche où l’on se
rencontre pour débattre, échanger des idées et des expériences, où la
proposition l’emporte largement sur la seule et nécessaire
dénonciation. Quelques mois après à peine, en octobre 2001, un Forum
mondial de l’éducation réunissant syndicalistes, universitaires et
chercheurs, commençait à élaborer un texte résumant les aspirations
constamment exprimées par les enseignants, les élèves et les
étudiants, les parents, dans les nombreuses luttes autour de
l’éducation dans le monde. Une autre philosophie éducative s’y
affirme. Elle est fondée sur l’humanisme le plus large plutôt que sur
l’utilitarisme étroit, sur la solidarité entre pays riches et pauvres
plutôt que sur la domination et la rivalité, sur l’universalisme
plutôt que sur le nationalisme et l’égoïsme. Si cette mobilisation a
lieu aujourd’hui et si elle concerne de plus en plus le domaine de
l’éducation, voyons-y évidemment un refus de voir cette activité si
fondamentale pour les sociétés être soumise aux impératifs de
rentabilité économique. Mais sachons y voir aussi une promesse : « une
autre mondialisation est possible ». Si d’autres règles et fondements
de l’échange entre peuples doivent s’imposer à la place du seul calcul
égoïste des profits, l’éducation y tiendra une place majeure. L’autre
mondialisation, l’ouverture sur l’autre sans domination ni
exploitation, l’aide et l’échange d’expériences, la rencontre des
cultures n’aura pas pour principe le commerce mais la transmission,
non la guerre commerciale mais le partage et le don. L’éducation comme
activité humaine gouvernée par ces valeurs sera au coeur d’un ordre
mondial plus juste.


Ces idées sont largement développées dans :
Christian Laval et Louis
Weber,
Le Nouvel ordre éducatif mondial,
Syllepse/Nouveaux Regards,
2002.
A commander à l’Institut de rechrches de la FSU,
institut@institut.fsu.fr,
10 euros port compris

Contact pour cet article : institut.fsu@wanadoo.fr

Source : COURRIEL D’INFORMATION ATTAC (n°397)du Mardi 21/01/03


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