RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Ken Loach, “oui, il y a une réelle résistance à ce qui se passe, même si les médias n’en parlent pas”

Pas facile d’obtenir un moment pour poser une ou deux questions à Ken Loach qui est venu à Fribourg pour le Festival International de films de Fribourg en mars 2018. Du haut de ses 50 ans de carrière, le réalisateur britannique n’a rien perdu de sa vivacité.

Pourtant, c’est la personne la plus aimable qui soit. Thierry Jobin, le directeur du Festival International de Films de Fribourg, lui avait donné carte blanche cette année pour proposer cinq films, choisis par Loach pour leur simplicité et leur universalité, tels “Le voleur de bicyclettes” de Vittorio de Sica ou “La Bataille d’Alger” de Gillo Pontecorvo.

propos recueillis par Andrea Duffour (*)

AD : Ken Loach, un jour vous avez dit : “If you are not angry, what kind of person are you ?” – si vous n’êtes pas en colère, quel type de personne êtes-vous ? Cette phrase me rappelle le Che : “Si tu trembles à la moindre injustice, tu es mon camarade.” Pouvons-nous parler un peu de cette colère ?

K.L. Vaste question. C’est sûr, si tu es un être humain et tu vois l’injustice, comment ne pas être révolté. Et si tu ne la vois pas, tu as un problème de vue. Certes, il y a différentes raisons qui nous déterminent à faire des films, mais la colère en fait décidément partie. Je suppose que ça commence par regarder autour de soi. La “working class”, par exemple. Pas dans le sens de “gens pauvres”, mais dans le sens de toutes ces personnes qui vendent leur force de travail pour subvenir à leur besoins pour payer leur logement, leur nourriture, etc…, donc la plupart d’entre nous – qualifiés ou semi-qualifiés, qui vendons notre force de travail en gagnant un salaire décent ou juste un salaire de survie. Chez nous, en Grande Bretagne, depuis l’arrivée de Mme Thatcher – donc depuis 40 ans – ces attaques contre la classe ouvrière ont engendré de plus en plus de sans-abris et de personnes exploitées, et ceci jusqu’à aujourd’hui et dans toute l’Europe. Des personnes sans sécurité d’emploi, sans heures garanties, dont on peut arrêter le travail comme on tourne un robinet. C’est ce niveau d’insécurité qui me met en colère. L’autre aspect, c’est la base de notre société, basée sur le conflit entre ceux qui possèdent et contrôlent – ce petit groupe très puissant – et ceux qui vendent leur force de travail, à savoir l’immense majorité qui doit juste s’organiser pour se maintenir. Le grand défi historique c’est de savoir comment remplacer cette élite qui contrôle et fait fortune. Je dois dire qu’une grande partie de cette fortune se trouve dans votre pays…

… Dans nos banques qui ont refusé de transférer vers Cuba les dons de la solidarité après l’ouragan et boycottent un concert de Salsa parce que Cuba est un pays sur la liste rouge des USA…

Tout vient de ce conflit de classes : les guerres, les oppressions, l’exploitation, la violence. Tout vient de cette défense des privilèges, une bataille pour des marchés, une domination du monde. Symbolique est notre guerre illégale en Irak ou la guerre par procuration que nous menons avec Israel qui opprime la Palestine depuis 70 ans. C’est toujours ce conflit de classes à la base, cette vérité non-dite que j’essaye de montrer dans mes films, les frais de ces conflits que subissent les gens ordinaires, la réalité de la pauvreté, l’oppression, du fascisme. Mais, c’est une vaste question, on ne sait pas par où commencer.

Le film, un moyen pour changer le monde ?

Le cinéma peut aider, mais sans des mouvements politiques, rien ne va changer. Avec l’âge, tu perds la patience, tu ne veux pas t’exprimer en énigmes, il faut parler clair, tu veux nommer les choses par leur nom, tu montres les choses comme elles sont. Si le monde est morne, les films peuvent aussi être mornes. Tu dois rester authentique, ne pas faire des films tape-à-l’œil, techniquement ceci se traduit par des choses très simples. Par exemple avec ta caméra, tu ne t’accroches pas à l’extérieur d’une voiture ou d’un balcon, mais tu filmes comme si tu étais à coté et avec la perception de l’oeil humain. N’oublie jamais que les personnes devant la caméra sont bien plus importantes que celles derrière. Ne pas faire des films pour l’argent, mais des films pour partager ses joies et ses larmes.

Quel est le message que vous souhaiteriez donner aux jeunes d’aujourd’hui ?

Nous devons stopper ceux qui détruisent notre planète, cette frénésie de privatisations. Et surtout, ne jamais nous laisser diviser mais montrer notre solidarité les uns envers les autres. A la fin, les gens se révoltent, ils résistent, c’est notre espoir et l’espoir est dans la solidarité. Oui, il y a une réelle résistance à ce qui se passe, même si les médias n’en parlent pas.

(*) professeure de cinéma, présidente de l’Association Suisse-Cuba, section Fribourg

URL de cet article 33125
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Du bon usage de la laïcité
sous la direction de Marc Jacquemain et Nadine Rosa-Rosso. Depuis quelques années, une frange de la mouvance laïque, qui se baptise elle-même « laïcité de combat », développe un prosélytisme anti-religieux qui vise essentiellement l’islam et, très accessoirement, les autres religions. Cela nous paraît un très mauvais combat pour la laïcité. Cette logique va-t-en-guerre est d’autant plus malvenue qu’elle se développe dans un contexte marqué, dans le monde, par l’unilatéralisme militaire américain, et, chez (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le capitalisme mondial commence à ressembler à la fin d’une partie de Monopoly.

Caitlin Johnstone

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.