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La nomination de John Bolton au poste de conseiller en matière de sécurité nationale nous met sur le chemin de la guerre.

John Bolton à la Sécurité Nationale : maintenant vous pouvez paniquer (Slate)

Il est temps d’appuyer sur le bouton « panique ».

La nomination de John Bolton au poste de conseiller à la sécurité nationale - un poste qui n’exige aucune confirmation par le Sénat - met les États-Unis sur le chemin de la guerre. Et il est raisonnable de dire que c’est bien ce que recherche le président Trump.

Après tout, Trump a donné le poste à Bolton après plusieurs conversations entre eux (malgré les ordres du chef de cabinet de la Maison-Blanche, John Kelly, interdisant à Bolton l’accès au bâtiment). Et il y avait cette remarque que Trump a faite après avoir viré Rex Tillerson et nommé le plus faucon Mike Pompeo à sa place : "Nous sommes très près d’obtenir le Cabinet, et d’autres choses, que je veux".

Bolton a appelé à plusieurs reprises à lancer une première frappe sur la Corée du Nord, à saborder l’accord sur les armes nucléaires avec l’Iran, puis à bombarder ce pays également. Il dit et écrit ces choses non pas dans le cadre d’une "théorie du fou" intelligente pour amener Kim Jong-un et les mollahs de Téhéran à la table de négociation, mais plutôt parce qu’il veut simplement les détruire, eux et tous les autres ennemis de l’Amérique.

Son programme n’est pas "la paix par la force", la devise des faucons républicains plus conventionnels que Trump a inclus dans un tweet mercredi, mais plutôt un changement de régime par la guerre. C’est un néoconservateur sans la ferveur morale de ceux qui portent cette étiquette, c’est-à-dire qu’il tient à renverser les régimes oppressifs non pas pour répandre la démocratie, mais plutôt pour étendre le pouvoir américain.

Au début de l’administration de George W. Bush, le vice-président Dick Cheney a confié à Bolton un poste de sous-secrétaire d’État au contrôle des armements - une blague interne, puisque Bolton n’a jamais lu un traité sur le contrôle des armements qui lui convenait. Mais sa véritable mission était d’être l’espion de Cheney au sein du Département d’Etat, avec pour mission de surveiller et, dans la mesure du possible, saboter toute tentative de diplomatie pacifique montée par le secrétaire d’État Colin Powell.

Lorsque Powell s’est fait virer, Cheney voulait que Bolton devienne secrétaire d’État adjoint, en remplacement de Richard Armitage, qui avait démissionné dans le sillage de son meilleur ami Powell. Mais la remplaçante de Powell, Condoleezza Rice, qui avait été conseillère de Bush en matière de sécurité nationale, a bloqué le mouvement, pleinement consciente de l’idéologie obstructionniste de Bolton. [Pause demandée par le traducteur. Si C. Rice trouvait Bolton trop extrémiste, on imagine le personnage - NdT]

En guise de compromis, Bush a nommé Bolton ambassadeur auprès des Nations Unies, mais cette décision s’est avérée insupportable, même pour le Sénat contrôlé par les Républicains à l’époque. C’était une chose de critiquer l’ONU - un organisme qui mérite d’être critiqué - mais Bolton s’est opposé à son existence même. « Les Nations Unies n’existent pas », a-t-il dit un jour dans un discours, ajoutant que « si le bâtiment du Secrétariat de l’ONU à New York perdait 10 étages, cela ne ferait pas beaucoup de différence ».

Plus que cela, il était hostile à l’idée même de droit international, ayant déclaré une fois : « C’est une grosse erreur pour nous d’accorder une quelconque validité au droit international, même lorsqu’il peut sembler dans notre intérêt à court terme de le faire - car à long terme, l’objectif de ceux qui pensent que le droit international signifie vraiment quelque chose sont ceux qui veulent contraindre les États-Unis ».

Il s’agit peut-être de notions pittoresques pour certains assistants excentriques de niveau intermédiaire, mais l’ONU est fondée sur le droit international, les résolutions du Conseil de sécurité sont rédigées pour faire respecter le droit international et, comme Bush commençait à le réaliser au début de son deuxième mandat, au moment de la nomination de Bolton, certaines de ces résolutions se sont révélées utiles pour exprimer, et parfois faire respecter, les intérêts des États-Unis en matière de sécurité nationale. Comment quelqu’un ayant ce point de vue pourrait-il servir d’ambassadeur des États-Unis auprès de l’ONU ?

Lors de ses audiences de confirmation devant la Commission des affaires étrangères du Sénat, Bolton a présenté un spectacle épouvantable, grommelant et grinçant à travers sa moustache de morse. Finalement, lors d’un vote à 50/50, la commission a renvoyé la nomination de Bolton devant l’ensemble du Sénat « sans recommandation ». Craignant à juste titre un refus de la Chambre, Bush a donné le poste à Bolton via une « nomination intérimaire », en profitant que le Congrès soit parti en vacances. Mais la loi autorisant cette entourloupe a accordé au Sénat la possibilité de voter 18 mois plus tard. Au cours de la deuxième série d’audiences, Bolton s’est comporté de façon encore plus odieuse qu’au cours de la première. Lorsqu’un sénateur républicain lui a demandé si son année et demie à l’ONU avait modifié ses idées sur l’organisation, Bolton, au lieu de saisir l’occasion pour apaiser les sceptiques, a répondu : « Pas vraiment ». Les chefs de la Maison-Blanche ont retiré la nomination et Bolton s’est reconverti dans le centre néoconservateur de l’American Enterprise Institute.

Pendant la transition présidentielle de Trump, Bolton s’est retrouvé sur la liste restreinte des candidats au poste de secrétaire d’État adjoint, mais Tillerson - qui sera nommé peu après – exprima des réserves quant à travailler avec Bolton. (Trump aurait pu se rappeler cette conversation, lorsqu’il décida de congédier Tillerson). Après le départ de Michael Flynn comme conseiller en matière de sécurité nationale, Bolton s’est encore retrouvé sur la liste restreinte pour le remplacer. Le Général H.R. McMaster fut nommé, mais Trump a déclaré publiquement qu’il aimait Bolton et que celui-ci travaillerait bientôt pour la Maison-Blanche « à un titre quelconque ».

Nous y voilà.

Au cours de son an un et un mois de service, McMaster, qui est toujours un général trois étoiles de l’Armée de terre en service actif, a profondément déçu ses amis et admirateurs d’antan. Il s’était fait une réputation il y a 20 ans, comme auteur du livre Dereliction of Duty, qui reprochait aux généraux de l’ère vietnamienne de ne pas avoir donné de conseils militaires honnêtes au président Lyndon Johnson. Et maintenant, lui-même au poste de conseiller politique à Washington, McMaster a ruiné cette réputation, en commettant les mêmes erreurs reprochées aux autres en se soumettant aux inclinations de Trump et en tolérant ses contre-vérités

Mais au moins McMaster s’était entouré - et a souvent écouté - de professionnels du Conseil de sécurité nationale et a insisté pour évincer les idéologues amateurs, dont plusieurs sont des acolytes de Flynn.

Il est peu probable que Bolton puisse tolérer des professionnels, et le flot d’exilés de la Maison-Blanche s’intensifiera bientôt. L’un des sujets de discussion lors des audiences du Sénat de Bolton, en 2005, était son intolérance à l’égard de toute opinion différente de la sienne. Il l’a démontré plus durement lorsque, en tant que sous-secrétaire d’État, il a tenté de congédier deux analystes du renseignement qui avaient contesté son point de vue (erroné) selon lequel Cuba mettait au point des armes biologiques et fournissait des armes à des régimes voyous. [Note du traducteur : début des années 2000, il a fallu une intervention de l’ex-président US Jimmy Carter qui s’est rendu à Cuba avec une équipe pour visiter les installations et prouver que les accusations étaient totalement infondées pour faire cesser les diatribes de Bolton. John Bolton était déjà connu pour être un cinglé doublé d’un mytho - NdT]

Bolton n’est pas non plus du tout apte à assumer l’une des principales responsabilités d’un conseiller en matière de sécurité nationale - rassembler les secrétaires du Cabinet pour débattre de diverses options en matière de politique étrangère et militaire, arbitrer leurs divergences et, soit élaborer un compromis, soit présenter les options au président.

Encore une fois, il se peut qu’il n’y ait plus beaucoup de différences à arbitrer dans cette administration. Le dernier des adultes encore présent est le secrétaire à la Défense James Mattis, le général quatre étoiles de la Marine à la retraite, qui a obtenu ce poste principalement parce que Trump avait entendu dire que son surnom était « mad dog » ("chien fou"). Il ne savait pas que Mattis consultait régulièrement une bibliothèque personnelle de quelque 7000 volumes sur l’histoire et la stratégie, que (comme la plupart des généraux) il n’est pas très enthousiaste à l’idée d’aller à la guerre à moins d’y être obligé, et que (comme la plupart des généraux) il prend les Conventions de Genève au sérieux et s’oppose à la torture.

Au cours des dernières semaines, on a dit que Trump en avait assez des assistants qui n’arrêtaient pas de lui dire non. Il pourrait se lasser rapidement de Bolton, qui, malgré tous ses autres défauts, ne peut être considéré comme un béni oui-oui. Mais à court terme, Bolton est peut-être l’homme qu’il faut pour exacerber les instincts les plus sombres de Trump, pour concrétiser les instincts frustrés de l’homme qui avait promis contre Kim Jong-un « du feu et de la fureur comme le monde n’en a jamais vu » ou pour fomenter « l’effondrement total du régime iranien  »,qui, selon lui, était sur le point de se produire, si seulement Obama n’avait pas signé l’accord nucléaire et levé les sanctions.

Avec Tillerson dehors, et Bolton dedans, et Pompeo dans les coulisses attendant sa confirmation, Trump se sent pousser des ailes, comme si Trump pouvait enfin être le véritable Trump. Le découvrir pourrait nous faire tous courir aux abris.

Fred Kaplan

Traduction "retrouver cette vieille crapule ne nous rajeunit pas" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.


EN COMPLEMENT

Jacques-François Bonaldi nous transmet depuis la Havane quelques éléments sur Bolton et Cuba.

Conférence de presse donnée par Felipe Pérez Roque, ministre cubain des Relations extérieures, à la presse nationale et étrangère au siège du ministère, le 31 mars 2004

Journaliste. Hier, John Bolton, sous-secrétaire d’Etat nord-américain au Contrôle des armes et à la sécurité internationale, a déclaré par écrit au Congrès que Cuba reste une menace terroriste pour les Etats-Unis et que Cuba peut avoir des armes biologiques. Que dites-vous ?
Felipe Pérez. M. Bolton, soit souffre de schizophrénie, qui se caractérise par une obsession permanente pour Cuba, soit il n’a pas une once de décence.

Notre pays – l’opinion publique étasunienne et internationale le sait pertinemment – a déjà rejeté à plusieurs reprises les accusations selon lesquelles il produit des armes biologiques ou mène un programme de mise au point d’armes biologiques. C’est faux. Le président Carter a déclaré à Cuba même, où il était en visite, que tout ceci n’était que de fausses imputations. Tout ce que cherche M. Bolton, c’est n’importe quel prétexte pour tenter de justifier une agression militaire contre notre pays.

LIVRE BLANC DU MINREX, 2004

Le 4 juin 2003, témoignant devant la Commission des relations extérieures de la Chambre des représentants, John Bolton, sous-secrétaire d’Etat au contrôle des armements et à la sécurité internationale, affirmait : « Bien que Cuba ait ratifié la Convention sur les armes biologiques, nous pensons qu’elle réalise au moins un effort limité de recherche-développement en vue de la guerre biologique offensive. Cuba a fourni de la biotechnologie à double usage à des Etats voyous qui pourrait contribuer à leurs programmes d’armes biologiques. Qui plus est, l’industrie biotechnologique cubaine est une priorité nationale maximale et se caractérise par son usage double, son équipement perfectionné, ses installations modernes, son financement généreux et son personnel hautement qualifié. »

LIVRE BLANC DU MINREX, 2005

John Bolton, alors secrétaire d’Etat au contrôle des armes et à la sécurité internationale, a déclaré que « la menace cubaine à la sécurité des Etats-Unis a été sous-estimée ». En mars 2004, il a souligné par ailleurs devant la commission des relations internationales de la Chambre de représentants la spécificité de Cuba, non seulement à cause de son emplacement à cent cinquante kilomètres des USA, mais encore à cause de sa « condition de violatrice des droits de l’homme, puisqu’elle est inscrite sur la liste des pays terroristes et des pays qui protègent les terroristes ». Il a ajouté : « L’administration croit que Cuba continue d’être une menace en matière de terrorisme et d’armes biologiques pour les USA. » Des fonctionnaires du département d’Etat ont précisé que ces allégations étaient soutenues par la communauté de renseignements.

Incapable de démentir les arguments contraires de Cuba qui a discrédité ces accusations, Bolton a insisté le 30 mars : « Cuba reste une menace en matière de terrorisme et de terrorisme biologique pour les Etats-Unis. »

Livre Blanc du Minrex, 2007

Le 9 mars 2006, John Bolton, alors représentant des USA devant l’ONU, affirmait en conférence de presse au département d’Etat : « Les Etats-Unis réclament un Conseil fort et efficace, alors que Cuba veut un Conseil faible et inefficace. »

Expliquant le refus des USA de voter la résolution de l’Assemblée générale portant création du Conseil, Bolton affirmait : « La véritable preuve du Conseil serait la qualité de ses membres et sa capacité à agir efficacement pour faire face aux cas de graves abus des droits de l’homme, comme cela se passe au Soudan, à Cuba, en Iran, au Zimbabwe, au Bélarus et à Myanmar. »

ALLOCUTION DE FIDEL CASTRO RUZ POUR LE SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DE SON ENTRÉE À L’UNIVERSITÉ DE LA HAVANE, LE 17 NOVEMBRE 2005

L’Iran a signé le traité de non-prolifération nucléaire, tout comme Cuba. Nous n’avons jamais parlé de la possibilité de fabriquer des armes nucléaires, parce que nous n’en avons pas besoin. Et à supposer que nous en ayons besoin, combien cela coûterait-il de les produire, et qu’est-ce que nous ferions d’une arme nucléaire face à un ennemi qui en possède des milliers ? Ce serait entrer dans le jeu des affrontements atomiques.

Nous possédons un autre genre d’armes nucléaires : nos idées. Oui, nous possédons bel et bien des armes nucléaires : la grandeur de la justice pour laquelle nous nous battons. Oui, nous possédons des armes nucléaires : nos armes morales qui sont invincibles. Voilà pourquoi nous n’avons jamais eu l’idée de fabriquer d’autres armes, par exemple des armes biologiques. À quoi bon ? Des armes, oui, pour combattre la mort, pour combattre le sida, pour combattre les maladies, pour combattre le cancer. Voilà à quoi nous consacrons nos ressources, même si le bandit de grands chemins – je ne me rappelle même plus comment s’appelait cet individu, Bordon, ou Bolton, un archimenteur, un super-impudent, qui est maintenant rien moins que représentant des USA aux Nations Unies ! – avait osé inventer que le Centre de génie génétique de Cuba faisait des recherches pour mettre au point des armes biologiques.

L’Empire nous a aussi accusé de collaborer avec l’Iran, de lui transférer des techniques dans ce but, alors que ce que nous sommes en train de bâtir entre les deux pays, c’est une usine de produits contre le cancer. Et il veut aussi l’interdire… Qu’ils aillent au diable, tous ces gens-là, ou là où ils veulent ! Comment peut-on être aussi crétins ! Comme s’ils allaient nous faire peur ! (Applaudissements.)

Comment peut-on être aussi menteurs, aussi impudents ! Jusqu’à la CIA savait que c’était un mensonge ce qui disait alors celui qui est maintenant le représentant de l’administration étasunienne aux Nations Unies, qui avait même contraint un de ses subalternes à démissionner parce que celui-ci avait dit que c’était un mensonge, et des fonctionnaires du département d’Etat avaient aussi constaté que c’était faux, et cet individu était fou furieux, prêt à s’en prendre à tous ceux qui disaient la vérité. Voyez donc un peu qui est le représentant de Bush devant la communauté des nations, dont cent quatre-vingt-deux viennent de voter contre l’infâme blocus. Voilà le monde où ces gens-là prétendent régner en maître par la force et par leurs mensonges et par leur monopole quasi total des médias. Voyez un peu quel genre de batailles se livre aujourd’hui. Et Bush a nommé cet individu contre la volonté du Congrès, bien que le monde entier sache qu’il s’agit d’un insolent et d’un menteur répugnant.

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Gabriel Péri : homme politique, député et journaliste
Bernard GENSANE
Mais c’est vrai que des morts Font sur terre un silence Plus fort que le sommeil (Eugène Guillevic, 1947). Gabriel Péri fut de ces martyrs qui nourrirent l’inspiration des meilleurs poètes : Pierre Emmanuel, Nazim Hikmet, ou encore Paul Eluard : Péri est mort pour ce qui nous fait vivre Tutoyons-le sa poitrine est trouée Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux Tutoyons-nous son espoir est vivant. Et puis, il y eu, bien sûr, l’immortel « La rose et le réséda » (…)
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« L’ennemi n’est pas celui qui te fait face, l’épée à la main, ça c’est l’adversaire. L’ennemi c’est celui qui est derrière toi, un couteau dans le dos ».

Thomas Sankara

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