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Intervention au Comité Général de l’UD CGT du Val de Marne - 4 avril 2019

Chers camarades,

N’ayons pas peur des mots, nous sommes à un moment décisif de l’avenir de la CGT. Ce contexte inédit exige de faire preuve de lucidité. J’insiste sur le terme de lucidité car nous avons besoin d’anticiper, de voir les choses en face, sans détours et comme nous le disons sans se raconter d’histoires. Nous avons à le faire fraternellement ! C’est le but de ce livre que j’ai voulu comme une contribution au 52e Congrès confédéral qui aura lieu dans quelques semaines. D’ou son titre : « CGT : pour que les choses soient dites ».

Dans ce débat dont nous avons besoin, j’ai voulu donner non seulement mon opinion sur l’évolution de notre confédération, faire un bilan, mais aussi apporter des repères, des références, des réflexions en particulier sur la dimension européenne et internationale de notre activité syndicale. Ce livre n’est pas à prendre ou à laisser c’est une contribution à la discussion. Rien de plus, mais rien de moins !

Bien entendu j’évoque ce que sont les enjeux de la situation, les causes et les conséquences de la politique capitaliste mondialisé, la continuité et la détermination dont nous avons besoin face à Macron et sa volonté d’en finir avec la souveraineté de notre peuple et de notre nation . C’est pour lui l’objectif majeur qu’il s’est fixé. A ses yeux cela exige une régression sociale sans précédent, il faut désarmer les travailleurs par tous les moyens possibles, leur ôter le gout de s’organiser de se battre, de résister, de se montrer solidaire.

Cet objectif n’est pas la simple continuité des politiques qui ont précédées et auxquelles d’ailleurs Macron a participé, il est d’une tout autre dimension, il est en forme de rupture, il vise à adapter définitivement notre pays et le monde du travail à une intégration européenne au bénéfice des stratégies mondialisées du Capital, et des privilèges des classes possédantes. Selon Macron cette ambition doit se concrétiser à travers le rôle majeur dévolu à de nouvelles institutions supranationales sous direction allemande. Cet objectif il entend l’atteindre à n’importe quel prix, fut ce au prix d’une mise en cause sans précédent depuis 60 ans de libertés démocratiques chèrement conquises. La France s’enfonce chaque fois un peut plus dans une répression d’une violence jamais vue, il n’est pas excessif de parler d’état policier. C’est à un point tel que le Commissariat des droits de l’homme de l’ONU à Genève s’en inquiète. Cet objectif et les moyens répressifs pour l’atteindre ne sont pas indifférents à certaines organisations syndicales qui rêvent d’affaiblir les résistances, isoler ceux qui luttent, encourager les idées de fatalité pour légitimer leur fonction en faveur d’un prétendu partenariat social. C’est sans doute pourquoi la CES, la CSI, la CFDT laissent faire et ne disent rien, voir soutiennent et reprennent à leur compte le discours de Macron ! J’ajoute que cela ne risque pas de s’arranger avec l’élection comme président de la CES, de Laurent Berger secrétaire général de la CFDT

Si nous nous soumettions à cette manière de faire, le prix à payer pour notre peuple, pour notre pays, pour son identité, ses valeurs, sa culture serait considérable et socialement catastrophique pour les travailleurs et les futures générations. Ce que nous devons confronter et clarifier, c’est le fait que l’on cherche à nous faire accepter un carcan ! On aimerait nous voir composer, collaborer et proposer, mais dans le cadre prévu par le pouvoir lui même car selon lui il n’y en aurait pas d’autre. Certains, y compris dans nos propres rangs ne sont pas insensibles a ce discours et cherchent à faire diversion, en parlant d’autres choses ils voudraient ignorer les enjeux véritables au nom d’un illusoire combat entre progressisme et populisme. A leurs yeux il faudrait faire le choix du moindre mal, de l’inévitable, de l’Union européenne comme horizon indépassable. Soyons clairs cette Union Européenne là ne se réformera pas, ce n’est d’ailleurs pas son intention. Nous devons donc la combattre pied a pied pour aider les peuples à sortir du piège dans lequel on cherche à les entrainer.

Comme on le voit, le 52e congres de la CGT ne manque pas de sujets à aborder pour enrichir le contenu de notre action revendicative. C’est pourquoi, nos délégués ont une grande responsabilité pour que l’on débatte réellement de sujets susceptibles de répondre aux exigences de cette période ! C’est le cas par exemple : de la stratégie de lutte qui doit être la notre, du bilan de nos orientations qu’après 20 ans nous devons enfin dressé mais que l’on refuse encore à faire.

Quelle expérience tirons nous de l’émergence, de la détermination et de la durée d’un mouvement social comme celui des gilets jaunes qui est convergent avec le notre, comme d’ailleurs vous avez su le mettre en valeur dans le Val de Marne. A ce sujet je veux dire qu’il est surprenant pour ne pas dire plus que ces dernières semaines la référence aux gilets jaunes a totalement disparu de l’expression confédérale de la CGT, dans ses déclarations, et les rapports de sa direction que l’on peut lire. Pour ma part je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse s’aligner à ce point sur la pensée dominante après avoir chercher à discréditer ce mouvement avec condescendance, quand nous aurions du au contraire en être partie prenante dès le départ. Ce mouvement ne nous adresse t’il pas de vrais questions ? Il s’agit de travailleurs, de chômeurs de retraités, de femmes de jeunes qui pour un grand nombre d’entre eux et d’entre elles n’ont pas trouvé dans l’action syndicale une réponse à leurs besoins de se défendre. C’est bien sur leur problème, mais justement pour cette raison, c’est aussi le notre !

Pourtant, à la lecture de l’ordre du jour du 52e Congrès décidé par la direction confédérale je me demande parfois si l’on mesure bien les défis auxquels les militants dans les entreprises doivent faire face, à condition d’avoir la volonté de parler des mêmes choses et de partager une même réalité.

Les luttes de classes se sont aiguisés en France, en Europe et internationalement, c’est un fait, nous avons donc besoin d’une réflexion globale sur ce sujet, ne pas s’en tenir au superficiel mais aller au fond des choses apprécier le sens et la direction donnée aux orientations comme aux actions qui sont entreprises. Les contradictions, la permanence du chaos que révèle la crise de la société capitaliste dans son ensemble et de la société française en particulier démontrent si il le fallait l’ampleur des enjeux et des défis. Ils ont considérablement grandi.

Le rapport des forces évolue et change, l’impérialisme est toujours menaçant comme on le voit au Venezuela et au Proche Orient, mais si les risques existent, des avancées sont possibles, des opportunités également. Comme l’on dit, on ne choisit pas l’époque dans laquelle on vit, par contre il faut savoir se hisser à la hauteur de ce qu’elle exige. Il faut donc être cohérent. On ne peut prôner la lutte de classes contre le Capital en France et s’en dispenser en Europe et dans le monde !

A ce sujet, nous devons clarifier depuis le précédent congrès le maintien du concept du syndicalisme rassemblé et parce qui cela n’y est pas étranger nos rapports avec la CFDT et le sens et le contenu que nous donnons à nos affiliations à la CES et à la CSI qui sont deux organisations internationales dans une crise profonde du fait des contradictions dans lesquelles elles se trouvent. L’absence de solidarité à nos luttes, comme le choix d’une activité essentiellement institutionnelle est la réalité constante qui les caractérise. Posons nous la question en faisant abstraction de la rhétorique qui affirme que nous devons être tous ensemble et que comme il n’y aurait qu’une organisation la CES en Europe, alors nous devrions en être membre. Faut il ajouter a cette explication laborieuse l’idée qu’il fallait y être nous à t’on dit pour de l’intérieur l’obliger à changer. Faisons le bilan, 20 ans après pouvons nous affirmer que cette affiliation est utile à quelque chose ? Sur quoi sommes nous d’accord avec la CES :

L’euro ? L’intégration politique ? L’ingérence y compris militaire ? Le prochain congrès de la CES est un bon exemple. Celui-ci sera une tribune donnée aux dirigeants européens dont le président de la commission européenne J.C Junker

et à quelques ministres et commissaires. La CGT est membre de la CES, en France elle n’est pas la seule, mais contrairement aux usages dans l’UE, le document d’orientation proposé pour ce Congrès, un document de 450 pages est

rédigé en anglais. On peut légitimement se poser la question en quoi les syndiqués, les militants de la CGT peuvent se sentir concernés.

Tout le monde sera d’accord pour bannir toute forme d’ostracisme tout devrait se régler par le débat ! Pourtant pour justifier confédéralement cette position de principes on déclare avoir des relations avec la CTC de Cuba, ce qui est très bien mais alors pourquoi bannir tout contact avec la FSM dont la CTC est membre tout comme de grandes confédérations dans le monde. Où est la cohérence ? C’est pourquoi je soutiens totalement la décision de notre UD d’avoir sollicité le statut d’observateur de la FSM. Dans le monde tel qu’il est la CGT a tous les niveaux a besoin de relations avec le plus grand nombre a fortiori avec ceux qui soutiennent sans réserve les luttes qui sont les sienne ce qui est le cas de la FSM.

La base de la CGT ce sont ses syndicats d’entreprise ! Les congrès confédéraux contrairement a ce qui se pratique dans d’autres organisations sont les congrès de tous les syndicats qui sont affiliés. Il est impératif que cela continue ainsi, c’est à la base de la conception de notre démocratie syndicale car elle est le moyen et le lieu d’expression des droits et devoirs de chaque syndiqué. Il faut donc veiller à ce que le 52e congres en soit ainsi ! Il est donc juste pour chaque syndicat d’exiger un droit d’inventaire, un bilan des orientations tout comme l’état réel d’organisation ce qui inclut les finances également. C’est aussi le sens et la fonction d’un Congrès, à fortiori confédéral. Il s’agit d’une question centrale !

Car la régression de la force et de l’influence de la CGT à laquelle nous assistons n’est pas uniquement le résultat de faiblesses, d’incompréhensions du à la bureaucratisation et l’institutionnalisation de notre fonctionnement même si celles-ci sont aussi une réalité. On ne saurait admettre comme en l’entend parfois une critique unilatérale des militants d’entreprise, une culpabilisation, une mise en cause des organisations confédérés, de leurs retards, de leurs blocages héritage d’une pensée ancienne en décalage avec les besoins qu’impose les évolutions nécessaires du syndicalisme et de la société. Si l’on suit ces explications officielles il y aurait une bataille entre archaïsme et modernité. A la veille du congrès on utilise des expressions comme « la CGT serait trop idéologique, trop dogmatique et binaire ». Ces jugements à l’emporte pièce semble justifier par avance l’idée qu’aux syndicats reviendraient les carreaux cassés, et aux structures supranationales comme aux confédérations et structures intermédiaires la négociation des grands dossiers et l’accompagnement des institutions. Il faudrait dorénavant se conformer à un modèle qui n’est pas celui de la CGT mais celui de la plupart des confédérations européennes d’orientation réformiste. Je pense que le 52e congres confédéral devrait tout au contraire se pencher sur les causes véritables à l’origine d’une succession d’échecs que nous avons connu dans plusieurs domaines ces dernières années, y compris dans la transparence de la vie confédérale et qui ne semblent pas être totalement réglé .

Pour ma part je pense que l’affaiblissement continu, régulier de la CGT est le résultat d’orientations décidées et approuvées voici plus de 20ans et même plus, souvent à l’insu d’une grande majorité de syndiqués, voir de dirigeants de la CGT qui n’ont pas pu ou pas voulu voir la rupture radicale qui s’opérait avec les orientations antérieures. 

Par conséquent comme beaucoup d’entre vous je pense que ce Congrès sera décisif. Sans doute parce que ce qui est en jeu est ni plus ni moins que l’existence de la CGT dans ce qui demeure sa forme actuelle. Il ne fait pas de doute qu’a l’extérieur comme à l’intérieur de la CGT on aimerait voir passer notre confédération à une autre étape de sa mutation et de sa mise en conformité avec le syndicalisme réformiste, insérer la CGT plus encore dans le partenariat social au niveau national et européen. Comme en d’autres temps, l’enjeu de ce débat est de faire prévaloir l’une ou l’autre des conceptions qui traversent aujourd’hui notre syndicat. La CGT a déjà connu de telles périodes, il ne faut pas s’accabler. Cedric qui revient de Cuba ne me démentira pas ! A Cuba l’on dit « il n’y a pas de problèmes, seulement des solutions ! »

Une chose est certaine ! Quel pourrait être l’avenir de la CGT dans le renoncement à une orientation de classe, à la forme et les principes d’organisation qui sont encore les siens ? Au fédéralisme qui est à la base de notre CGT depuis sa création. Faut il renoncer à ce que l’on a coutume d’appeler la double besogne du syndicat autrement dit le combat pour les revendications immédiates et celui pour le changement de société, qui sont les fondements de notre identité ? Pour ma part je ne le pense pas c’est ce que j’ai voulu exprimer dans ce livre.

De manière prémonitoire Henri Krazucki disait au 44e Congres de la CGT : « Nous insistons sur le caractère absolument indissociables des caractéristiques qui ensemble définissent la CGT. Elle est tout à la fois : de classe, de masse, démocratique, unitaire, indépendante. Je me permets de reprendre une analogie qui m’est familière. On apprend à l’école la composition chimique des corps. Si l’on retire ou ajoute un seul de ces éléments constitutifs on change la nature du corps. Il en va de même pour la CGT : si l’on retire une seule de ses caractéristiques fondamentales, ce n’est plus la CGT, c’est une autre organisation. »

Nous sommes entrés dans une zone de tempêtes. Pour la CGT le moment est venu de savoir dans quelle direction elle doit aller, car elle est à un carrefour. D’un coté les forces du capital sont en ordre de bataille et elles ont engagé une sorte d’épreuve de force déterminante à leurs yeux pour assurer l’avenir de leur systeme.En face les travailleurs, leurs syndicats, les organisations sociales et politiques, les peuples, des états résistent. Toutes ces forces, ce contre poids doit passer à l’offensive. Pour le syndicalisme cette situation est inédite et oblige à réviser sa stratégie du tout au tout. Voyons bien que cela concerne la CGT en tout premier lieu, c’est donc la responsabilité de ses syndicats et de ses militants.

C’est le but de ce livre qui est le reflet de paroles, d’idées, de propositions, d’un état d’esprit et le résultat de discussions entre militants, de congres dans différentes régions en France et à l’étranger y compris d’échanges que nous avons eu ici. C’est un livre pour les militantes et les militants de la CGT, et la contribution d’un militant de la CGT. Bonne lecture !

Jean-Pierre Page

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