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Guatémala : l’ex-dictateur Efrain Rà­os Montt de retour.


A trois mois des élections présidentielles


LE GÉNÉRAL Rà OS MONTT ET LES ÉLECTIONS GUATÉMALTàˆQUES

par Simon Helweg-Larsen


Les perspectives de paix et de réconciliation au Guatemala se sont retrouvées menacées la semaine dernière (ndt : début août), lorsque l’ex-dictateur et général Efrain Rà­os Montt, responsable de la mort et de la disparition de plus de 100.000 personnes dans les années 1980, a été inscrit comme candidat aux élections présidentielles. Il est vrai que, depuis la signature des accords de paix de 1996, la situation guatémaltèque s’est considérablement dégradée et peut difficilement prétendre à la concrétisation de ces désirs de paix et de réconciliation. Cependant, la décision de la Cour constitutionnelle d’autoriser la candidature de Rà­os Montt met clairement en évidence un regain du pouvoir militaire et un recul de la démocratisation, encore embryonnaire.

C’est en 1982 que Rà­os Montt prit le pouvoir suite à un coup d’État militaire. L’armée guatémaltèque était le pilier à l’époque d’une longue série de dictatures qui s’étaient succédées depuis un putsch de 1954 organisé par la CIA. La campagne contre-insurrectionelle contre les guérillas était à son apogée. La guerre civile avait atteint un degré particulièrement sanglant depuis les années 1970 et l’Etat ne parvenait à s’en sortir contre les insurgés que par le meurtre, la torture et la disparition de milliers de suspects. Le général Rà­os Montt montait alors en puissance et initiait une politique de "terres brûlées" : l’armée couvrait tout le pays, massacrant indistinctement la population et brûlant des villages entiers. Les témoignages qui en font état sont monstrueux : dans des centaines de villages, des douzaines d’hommes, de femmes et d’enfants sont battus, violés, démembrés, assassinés et jetés dans des fosses communes. Plus de 100.000 Guatémaltèques ont été tués ou portés disparus pendant l’année et demi de règne de Rà­os Montt. Et voici que celui-ci se présente aux présidentielles, alors que les fosses communes de sa campagne militaire sont excavées quotidiennement.

Selon la nouvelle constitution qui a accompagné en 1985 une transition prétendument démocratique, bien qu’initiée sur des bases militaires, les anciens putschistes sont exclus de la course à la présidence au Guatemala. Pourtant Rà­os Montt est resté très actif dans la politique nationale, ayant été à la tête du congrès guatémaltèque depuis 1999 et à celle du parti politique, le FRG, depuis sa création. En 1985, 1995, et encore cette année, Rà­os Montt a tenté d’obtenir le statut de candidat aux présidentielles, arguant que l’exclusion légale ne peut agir rétroactivement à 1985. Après un mois de décisions, d’appels et de contre-appels au sein de la Cour Consitutionnel et de la Cour Suprême, Rà­os Montt a obtenu une décision favorable et irrévocable concernant sa demande, grâce aux sept juges de la Cour Constitutionnelle désignés par le FRG. Depuis le 31 juillet, Rà­os Montt est devenu officiellement le candidat du FRG pour les élections du 9 novembre prochain.

La candidature de Rà­os Montt, et donc sa possible élection, sont bien plus que symboliques ; il s’agit d’une étape majeure dans un processus continu de régression, et même de rejet par rapport aux accords de paix. Lorsque le gouvernement guatémaltèque et les guérillas (URNG) se mirent d’accord sur ces accords de 1996 portés par les Nations Unies, ils posèrent les fondations de réformes significatives nécessaires pour la conservation de cette paix. L’armée devait être réduite, tant en nombre que dans ses fonctions, les guérillas devaient être désarmées, les droits des indigènes reconnus et des efforts faits pour réduire les inégalités énormes dans le domaine de la propriété foncière. Ces résolutions n’existaient que sur le papier, cependant, et des éléments puissants du gouvernement guatémaltèque et de la société affirmaient qu’elles ne seraient jamais réalisées. Le parti politique PAN, représentant de l’élite économique traditionnelle du Guatemala, fut le premier à ralentir la réalisation de toutes les mesures issues des accords de paix, puis abrogea la plus fondamentale de celles-ci dans un référendum national en 1999 [1].

Après que le référendum de 1999 eut hypothéqué les fondements des accords de paix, le FRG, dont la force réside toute entière dans les élites militaires, s’empara de la présidence. Depuis 2000, le Guatemala n’a pas seulement interrompu le processus de paix impliqué par les accords, il a ouvertement repris le chemin vers la violence passée. L’armée est à nouveau pleinement impliquée dans les affaires civiles, et les menaces de mort, les agressions contre les défenseurs des droits de l’homme et les leaders indigènes sont redevenus monnaies courantes.

La lutte menée par Rios Montt pour se retrouver en position de candidat est rapidement devenue violente. On peut présager que sa campagne et sa victoire potentielle provoqueront une recrudescence de la violence d’État. Lorsque la première décision de la Cour Consitutionnelle validant la candidature de Rà­os Montt fut déboutée par la Cour Suprême (appel qui sera lui-même débouté par la suite), les partisans de ce dernier furent conduits des campagnes par cars entiers par le FRG pour protester violemment dans les rues de le ville de Guatemala. Des milliers de personnes bloquèrent les routes, brûlèrent des pneus et attaquèrent les journalistes, en en tuant un. La police et l’armée n’intervinrent pas au cours de ces événements, apparemment aux ordres du gouvernement FRG, et la violence ne s’éteignit que suite à un coup de téléphone de Rà­os Montt sur le cellulaire de l’un des émeutiers.

Une participation aussi évidente de la part de Rà­os Montt et du FRG annonce clairement que la violence - et la menace de la violence - joueront un grand rôle dans sa stratégie de campagne, sans compter sur ce qui s’ensuivrait s’il était élu. La plupart des Guatémaltèques n’envisagent pas d’élire Rà­os Montt et les sondages ne lui accordent actuellement que 11% des voix. Cependant, une frange de la population tend de plus en plus vers l’abstention, par désillusion ou par peur (le référendum de 1999 n’attira que 18% de l’électorat), donnant par là une importance démesurée à une minorité de la population -les élites et leurs partisans- qui pourrait porter Rà­os Montt au pouvoir suprême. Heureusement, cette élite est divisée entre le FRG et le parti PAN, plus populaire auprès de l’élite économique. L’élection d’Oscar Berger, le candidat du PAN, signifierait que les accords de paix seraient encore moins appliqués et les politiques financières néolibérales n’en seraient que plus favorisées, mais l’élection de Rà­os Montt ramènerait le Guatemala dans les horreurs des années 1980.

Traduction de l’anglais : Thierry Thomas, pour RISAL.

Article en anglais : "General Rios Montt And The Guatemalan Elections", Znet, 9 août 2003.

© COPYLEFT Simon Helweg-Larsen 2003.

Source : RISAL




[1On trouvera plus de détail sur la faillite du processus de paix dans Susanne JONAS, Of Centaurs and Doves : Guatemala’s Peace Process.


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