Anne-Marie Lizin : La fonctionnaire accommodante
inSurGente, mardi 7 mars 2006.
Voici ce que je constate. Après avoir visionné un moniteur silencieux de télévision, une fonctionnaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe est prête à être convaincue tout de suite et à affirmer en toute hâte qu’il y a aujourd’hui, à Guantanamo, « moins de brutalité » que naguère.
L’interrogatoire préparé d’un « combattant ennemi », qu’elle a pu observer sans toutefois l’entendre sur le petit écran muet, lui a semblé « une conversation amicale ».
La représentante de l’OSCE - Anne-Marie Lizin, puisque tel est son nom - n’a pu, évidemment, parler avec aucun des 500 prisonniers qui vivent là enfermés, encagés, torturés et isolés depuis quatre longues années. L’unique prisonnier qu’elle a vu « s’est conduit sagement et il a pu boire ». (Sur la photo, la fonctionnaire semble assister à l’aimable interrogatoire.)
Prensa Latina
Une tentative de la part d’une organisation européenne pour « assainir » l’image négative dégagée par la prison nord-américaine installée à la base navale de Guantanamo, tentative révélée aujourd’hui, semble condamnée à l’échec en raison de son caractère collaborationniste avec Washington.
Méprisant le mouvement mondial qui exige la fermeture de ce bagne ainsi que les dénonciations des exactions particulièrement brutales commises sur les détenus, une fonctionnaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), déclare qu’il y a déjà « moins de brutalité » aujourd’hui.
Surprenante, cette affirmation d’Anne-Marie Lizin, qui a produit ses déclarations après une heure à peine de visite de la prison et qui dit qu’elle a assisté, sur un écran de télévision, à l’interrogatoire d’un unique prisonnier dans ce qui lui a semblé être « une conversation », même si elle n’a pas eu accès à son contenu.
Et pour appuyer un avis aussi accommodant, Lizin l’a accompagné d’une expression qui démontre bien sa générosité envers les détenus : « Le prisonnier s’est montré très sage et il a pu boire », alors que la visiteuse a été empêchée de parler avec le moindre détenu de l’endroit.
L’observatrice de l’OSCE de conclure, naturellement, que les images qu’on lui a montrées suffisaient pour faire marche arrière et oublier les récits de violences de ceux qui sont parvenus, après des années de captivité et de tortures, à quitter l’enclave.
Bien vite oubliée aussi la détention de centaines de détenus dans les pires conditions et sans le moindre droit de contacter des avocats ou de passer en jugement, et tout aussi vite oubliées les protestations de nombreux chefs d’État et de gouvernement et d’autres personnalités réclamant la fermeture de ce lieu de détention.
Autre aspect intéressant de la question : l’OSCE elle-même, dans des déclarations faites en juillet dernier, avait réclamé la fermeture du camp de concentration.
L’explication pourrait résider dans les arguments utilisés à l’époque pour appuyer cette requête, puisque l’organisation européenne se contentait de supposer que les méthodes utilisées étaient peu efficaces dans la lutte contre le terrorisme et qu’elles ternissaient en outre l’image des États-Unis.
L’unique préoccupation de l’époque, et c’est la même qu’aujourd’hui, devrait résider dans l’intérêt témoigné dans la défense de la position nord-américaine à propos de cette question, malgré le désaveu qu’elle a provoqué de la part des personnalités et peuples de la planète tout entière.
Pour n’importe quel analyste, ces manifestations de la représentante de l’entité européenne peuvent être considérées comme le début d’une campagne destinée à venir en aide à la Maison-Blanche, tellement éreintée par les critiques en raison de son mépris flagrant des droits de l’homme.
Au cas contraire, le moindre journal inféodé servira de fer de lance à cette position de dépendance vis-à -vis de Washington de cette organisation représentative de la vieille et savante Europe.
Les déclarations à l’emporte-pièce d’Anne-Marie Lizin contrastent violemment avec les transcriptions des interrogatoires qui ont été publiées au cours des derniers jours ainsi qu’avec celles des avocats défendant quelques-uns des prisonniers enterrés à Guantanamo. La semaine dernière, l’avocat Thomas Wilner, défenseur de six détenus koweïtiens, s’est plaint de ce que ses clients étaient détenus depuis quatre ans sans avoir jamais encore entendu le moindre jugement à leur sujet.
Dans des déclarations au quotidien The Los Angeles Time, Wilner a certifié qu’il lui avait fallu deux ans et demi pour avoir l’autorisation d’accès à la base.
« J’ai visité 11 fois le site ces 14 derniers mois et ce que j’ai vu, c’est un enfer cruel et effrayant de béton et de barbelés qui s’est transformé en cauchemar quotidien pour des personnes détenues sans la moindre accusation ni jugement durant plus de quatre ans », a-t-il affirmé.
Javier Rodriguez
– Source : www.insurgente.org
– Traduction Jean-Marie Flémal
Guantanamo, une prison mieux qu’en Belgique, La libre.be, 7 mars 2006.
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