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Grenoble : Nanotechnologies et mégadoutes.


Le Courrier, mercredi 8 novembre 2006.


Grenoble. Avec l’inauguration en juin du centre Minatec, Grenoble est devenue la référence européenne des nanotechnologies... et de leur contestation.


« Participation sans arme à un attroupement après les sommations de dispersion. » Tel est le chef d’accusation dont devront répondre, le 20 novembre, deux opposants aux nanotechnologies. Le 2 juin dernier, tous deux ont été interpellés au lendemain d’une manifestation qui avait dégénéré après l’intervention des forces de l’ordre. La veille, entre huit cents et mille personnes avaient défilé dans les rues de Grenoble pour alerter des dangers potentiels que représentent, selon eux, les technologies de l’infiniment petit : marquage des individus, transformation de l’espèce humaine ou encore prolifération des nanorobots.

Plutôt discrète sur ces incidents, la presse allait se montrer beaucoup plus prolixe vingt-quatre heures plus tard. Le 3 juin, au moment d’annoncer l’inauguration du pôle Minatec, les superlatifs sont en effet pléthoriques pour évoquer un site permettant de concentrer sur huit hectares le fleuron de la recherche, de l’enseignement et du développement industriel des micro- et nanocomposants électroniques. Et de fait, unique en Europe, Minatec permet de rivaliser avec les complexes de Nanotec à Albany (Etats-Unis) et de Selete au Japon. En travaillant à l’échelle du milliardième de mètre, celui-ci doit permettre la mise au point de composants électroniques, de microcapteurs et autres biopuces révolutionnaires pour les applications les plus diverses (télécommunications, aéronautique, industrie pharmaceutique, médecine...).

Avec 193,5 millions d’euros investis, ce chantier représente l’un des principaux investissements de recherche français de ces dernières années et l’espoir pour l’Hexagone de rattraper le retard pris dans un secteur jugé stratégique.

Mais aussi prometteur soit-il, le projet n’a pas manqué de susciter la controverse. Regrettant que la population n’ait pas été consultée sur ce dossier, une opposition a commencé à s’organiser, réclamant un débat sur les enjeux liés aux nanotechnologies et l’opportunité d’une telle implantation. « Nous ne contestons pas les nanotechnologies en tant que spécialité mais en tant que dernier avatar des technologies en général et du processus de technification du monde », affirment les responsables du site www.piecesetmaindoeuvre.com, un des acteurs centraux de cette contestation. Dénonçant l’implication du Ministère de la défense dans ce projet et les dérives militaires et sécuritaires qui pourraient en découler, le mouvement multiplie depuis quatre ans coups d’éclats, réunions et tracts informatifs. Une ardeur que l’inauguration du site n’a semble-t-il pas entamée. En cet automne, un film retraçant ce mouvement de contestation est en cours de préparation. Mais surtout, début septembre, une équipe de pirates est parvenue à se procurer des plans de sécurité de Minatec et à les communiquer à la presse.

Si la direction de Minatec minimise la portée de l’incident -les données dérobées concernent des points de contrôle d’accès et les balises de sécurité en cas d’incendie-, l’affaire fait désordre. Car ce forfait, toujours selon la direction, a été commis avec une complicité intérieure. Est-ce à dire qu’au sein même de Minatec, certains salariés sont sensibles aux arguments des opposants ? Pour toute réponse, Jean-Charles Guibert, l’un des responsables, avance la taille de la structure. « Il y a plus de 3000 personnes qui travaillent ici », observe-t-il. Et forcément des sensibilités différentes. « Ceux qui le veulent ont le droit de s’opposer, mais qu’ils le fassent au grand jour... On peut tout de même supposer que, pour eux, se pose un problème de conscience. »

Sur le fond, Jean-Charles Guibert ne conteste pas certaines questions soulevées par le développement de ces technologies. « Deux dangers potentiels font actuellement débat : ceux liés à la santé et à l’utilisation des poudres (qui découlent des nano, ndlr [1]), et ceux posés par la traçabilité. Ces deux dangers doivent être étudiés. »

S’il reconnaît que quelques-uns de ces opposants sont sur certains points bien informés, Jean-Charles Guibert regrette un manque d’objectivité dans la transmission de ces informations. « Ce qui serait intéressant, c’est de pouvoir débattre avec eux. Or ils refusent de participer à toute rencontre. » Craignant la récupération, « Pièces et Main-d’OEuvre » se montre effectivement prudent sur ses interventions publiques et médiatiques. Ses membres ont ainsi refusé de prendre part à un récent cycle de conférences dans lequel ils voyaient une opération de communication et non un débat.

Dans ce climat sensible, l’enthousiasme originel des pouvoirs publics semble, lui, se tempérer. Alors qu’en juin dernier, un groupe d’élus écologistes a demandé un moratoire sur Minatec, le socialiste André Vallini, président du Conseil général de l’Isère, et un des grands artisans du projet, a appelé à la création d’une instance internationale de contrôle et de suivi des nanotechnologies. Réfutant toute idée de contradiction, l’élu estime « qu’il faut entendre les craintes légitimes suscitées par les nanotechnologies et y répondre en ouvrant tous les débats nécessaires, (...) en prévoyant tous les contrôles indispensables. » Les opposants de « Pièces et Main-d’OEuvre » s’interrogent sur une prise de conscience jugée tardive et qui vise, selon eux, à se prémunir face à l’opinion d’éventuelles conséquences négatives. Mais peut-être est-ce aussi le signe qu’au royaume de l’infiniment petit, certaines certitudes sont bel et bien ébranlées...

Jérôme Rivollet


 Source : Le Courrier www.lecourrier.ch



Nanotechnologies : la filière craint l’apparition d’un "syndrome OGM", AFP, 8/11.

Pourquoi il n’y a plus de gorilles dans le Grésivaudan. Le téléphone portable, gadget de destruction massive, par PMO.




[1Beaucoup d’inquiétudes entourent les nanopoudres qui, du fait de leur finesse, sont susceptibles de se diffuser dans tous les espaces corporels. Lire à ce sujet « Nanotechnologies, le vertige de l’infiniment petit », Le Monde diplomatique, mars 2006.


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