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Gilets Jaunes - Réponse à Süddeutsche Zeitung : L’extrême droite ne se trouve pas là où on croit.

Süddeutsche Zeitung (Traduction)
12 février 2019, 09h34

Manifestations en France

Les gilets jaunes ne sont pas aussi innocents qu’ils le prétendent. Un manifestant gilet jaune à Lyon : au sein du mouvement, il existe également une forte propension à la violence. (Photo : AFP)

Ils profitent du fait que beaucoup de Français se reconnaissent en eux:les radicaux violents et antidémocratiques sont pris avec un calme étonnant.

Commentaire de Nadia Pantel

Tous les samedis, pendant 13 semaines, des hordes de maraudeurs traversent Paris. Les démonstrations des Gilets jaunes sont devenues une routine, de même que les voitures en flammes. La France, pourrait-on penser, est simplement plus décontractée. Là-bas, les gens savent comment gérer les révolutions.

Mais lorsque la banlieue a pris feu en 2005, la tolérance française a été usée au bout d’une nuit environ. Presque personne n’a demandé les raisons politiques et sociales des émeutes. L’une des leçons des Semaines de l’Ouest jaune est que, lorsque les Français blancs jettent des cocktails Molotov, les opprimés se lèvent. Lorsque des adolescents de noms arabes brisent des vitrines, une foule en émeute ne connaît d’autre fin que la destruction.

Les gilets jaunes bénéficient du fait que beaucoup de Français peuvent s’y reconnaître. Leur colère ne semble pas étrange, mais familière. Cette indulgence de confiance est accordée à chaque individu qui, par nécessité personnelle ou par désir d’un monde plus juste, revêt son gilet jaune. Mais ce privilège développe rarement la solidarité. Les Gilets jaunes dénoncent à juste titre la brutalité de la police française. Mais ils ne disent pas un mot que les méthodes et les armes qui provoquent l’indignation dans toute la France sont banales pour les habitants de la banlieue. Les populistes de droite européens défendent les gilets jaunes.

Beaucoup de Gilets jaunes insistent sur l’innocence absolue du mouvement. Les activités des groupes radicaux de droite au sein des gilets jaunes sont clairement documentées. Pour la destruction de l’arc de triomphe à Paris début décembre, des néo-nazis français ont été condamnés. L’AfD allemand et le plus célèbre ailier droit italien, Matteo Salvini, idéalisent les gilets jaunes ainsi que la droite française de Le Pen. Les caresses des xénophobes sont effacées par beaucoup dans le mouvement avec l’argument qu’on ne peut être politiquement coopté.

Mais après trois mois sur la route, il devrait être possible de trouver une place parmi les radicaux de droite acclamés. Mais les stars Facebook des gilets jaunes ne font pas de bruit. Les nombreuses contradictions entre les gilets jaunes ne diminuent pas leur pertinence sociale. Et aucun citoyen qui porte sa colère dans la rue ne doit fournir des solutions complètes aux griefs qu’il dénonce. Mais les politiciens ont une responsabilité différente. Lorsqu’ils se solidarisent avec les Gilets Jaunes, ils soutiennent également les courants antidémocratiques et violents du mouvement. Le critique capitaliste de gauche, Jean-Luc Mélenchon, et l’islamophobe Marine Le Pen se disputent la sympathie des gilets jaunes, atténuant ainsi les différences entre les croyances de gauche et de droite. Les perdants de cette alliance sont tous ceux qui ne sont plus concernés par ce combat "à rebours" : minorités religieuses, immigrés, réfugiés. Tous ceux qui savent pourquoi il est plus difficile pour eux de sortir dans la rue avec conviction et d’affirmer qu’ils sont le peuple. Oui, il y a des mouvements qui défendent à la fois l’émancipation des défavorisés et un système économique plus juste. Les Gilets jaunes ne sont pas parmi eux.

Réponse à Süddeutsche Zeitung

L’extrême droite ne se trouve pas là où on croit.

En effet une routine surréaliste se met en place au milieu des Galeries Lafayette et des manèges pour enfants : répression et bavures policière, mensonges et dénigrements médiatiques, arrestations et procès politiques, indifférence et mépris d’un gouvernement. Une routine historique de 5 mois. Je défi n’importe qui d’entre vous de tenir, ne serait-ce que deux semaines, dans ce climat. La question qu’un journaliste devrait se poser c’est : « Comment font-ils pour tenir ? Comment on en est arriver là ? » Ce n’est pas difficile de le savoir : on se tient les coudes, on communique, on échange, on partage, on réfléchit ENSEMBLE. C’est ce qu’on appelle la fraternité, la solidarité. Une chaleur humaine qui a déserté les médias et l’U.E depuis bien longtemps ; a-telle même jamais existé en ces lieux-là ?

Croyez-vous vraiment que ce soit un mouvement blanc, ou bien vous écoutez avec vos oreilles de blancs ? Je vois que vous étiez absents de la place de la République quand les camerounais en gilets jaunes défilaient pour rappeler le coup d’état.

Absents quand les algériens défilaient à Barbes et au Vieux Port contre Bouteflika.

Absents quand les palestiniens rappellent la colonisation israélienne. Absents quand la Catalogne, les Gitans et les Allemands défilent avec leur propres drapeaux. Absents quand les Gilets Jaunes arborent « Ni racistes, ni antisémites, ni homophones, ni sexistes : contre toutes les discriminations ». Absents quand ils dansent sur « Bella ciao », le chant des partisans, la marseillaise, l’internationale et
les raps du moment.

Mais absents aussi pendant les manifestations des banlieues en 2005 que vous évoquez comme une antithèse des Gilets Jaunes. Je m’en souviens très bien : j’habitais dans le 93 à la Plaine St Denis dans une chambre de bonne au milieu des gangs ; et les voitures brulaient tous les jours en bas de chez moi. Avec les Gilets Jaunes, j’ai compris une chose fondamentale : les règles de la destruction et du déni suivies par le gouvernement, que ce soient envers les banlieues ou envers une France qui se soulève, sont toujours les mêmes.

Concernant les banlieues, que vous avez l’air de si bien connaître, je vous rappelle que personne ici, n’a oublié les mensonges et les bavures de la police protégés par le gouvernement de Dominique de Villepin et le mépris de classe du président Sarkozy : « On va vous débarrasser de la racaille et la passer au karcher ».

Aujourd’hui : le karcher c’est partout en France depuis 5 mois. Ajoutez les panzers, les hélicoptères, les grenades, la nasse et les tirs tendus, sans oublier le napalm des médias. Personne n’a oublié « Le Grand Débat de fond sur les banlieues » qui a débouché sur l’aggravation de la pauvreté malgré les améliorations urbaines.

Aujourd’hui : un remake avec le « Grand Débat Nationale » au frais du contribuable pour une campagne à la faveur du Président pour le très inutile parlement européen. Personne n’a oublié l’instauration de l’état d’urgence, préconisé par Le Pen qui rigolait sous cape. Aujourd’hui : l’état d’urgence passe dans les lois anti-casseur et l’intervention de l’armée, en parfaite continuité avec les lois sur le travail. Le Pen ne sait même plus quoi inventer pour se démarquer du très zélé Macron, surtout depuis que le Front National ne souhaite plus sortir de l’U.E.

Qui a pris en considération l’origine des dégradations à l’époque ? Il y aurait tant à dire de la ghettoïsation des banlieues et de l’exclusion territoriale et économique.

Est-ce si difficile à comprendre que les Gilets Jaunes c’est la révolte contre la ghettoïsation des nations, conte la paupérisation des personnes et contre la dégradation de la planète ? On adore compter le nombre voitures brulées, mais le massacre humain quotidien dans ces zones est passé sous silence. On adore compter les voitures brulées, mais on évite de faire allusion aux 8000 blessés graves, aux morts, aux vies détruites par la répression, aux yeux éborgnés, aux bras et aux jambes arrachés, au sang sur les trottoirs. On adore se lamenter sur l’Arc de Triomphe, sur Notre Dame et sur le Fouquet, mais quand il s’agit de parler du quotidien en détresse de tant de personnes que le système jette en dessous du seuil de précarité (800 personnes par jour), on appelle cela des « bandes de maraudeurs ».

Qu’est-ce que ça veut dire du travail et de l’intégrité des journalistes qui voient les Gilets Jaunes à travers Salvini, les black blocks, les xénophobes et les neo-nazi ?

Qu’est-ce que ça veut dire de réduire un mouvement à des tentatives de récupérations politiques de tout bord ? Qu’est-ce que ça veut dire quand des journalistes ne savent même pas le minimum de réalité de ce mouvement, à savoir qu’il s’est déjà relié sur le terrain avec le soutien aux migrants, à l’écologie, aux services publiques, aux ouvriers, aux banlieues étouffées avant tout sous le trafic de la drogue ? Qu’est-ce que ça veut dire quand les journalistes se rendent aveugles à la dérive totalitaire non seulement d’un état, mais d’une U.E dans son intégralité ?

Qu’est-ce que ça veut dire quand ces journalistes n’ont même pas encore compris que la première des solutions c’est de se rencontrer, de se regrouper, de s’informer, de débattre (enfin), de résister et de tenir le pas courageusement face aux agressions multiples ?

Le message est clair : vous n’êtes pas venus, vous n’essayez pas de connaître, de savoir, de comprendre ce qu’il se passe. Ni curiosité, ni courage, ni travail, ni déontologie. Juste des médias entre soi. Les perdants ce ne sont pas des « minorités religieuses, immigrés ou réfugiés » ; les grand perdants de cette histoire c’est la démocratie, ce sont tous les humains qui espèrent une vie qui ne soit pas sous le signe de la solitude, de la nuit et de la pauvreté, c’est la planète qui s’effondre sous les inégalités, le profit et le soi-disant progrès. Quant aux gagnants — s’il y en a — les Gilets Jaunes en font partis, quel que soit le destin de ce mouvement : à travers l’amitié retrouvée, ils font partis de celles et ceux qui découvrent ce qu’être ensemble signifie. Le « peuple » ce n’est pas autre chose que des personnes qui se soulèvent contre un système dément et qui, main dans la main, se découvrent à travers la lutte pour une autre manière de vivre. N’est-ce pas tout le sens du politique ?

Je pourrais vous inviter à venir voir, ici et maintenant, à Marseille et à Paris ce qu’il se passe concrètement dans les ronds points, les manifestations, les assemblées, les ateliers, les actions, les rencontres. Je pourrais vous immerger, vous faire découvrir ce qu’il se passe en vrai. Mais je sais d’avance que vous ne viendriez pas : le réel ne vous intéresse pas.

Et si un jour le peuple d’Allemagne se soulève, on saura de quel côté votre journal se situera.

L’extrême droite ne se trouve pas là où on croit.

Tristan Edelman
(groupe GJ Toursky/Marseille)
27 avril 2019, 23H30 Marseille

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Si un homme blanc veut me lyncher, c’est son problème. S’il a le pouvoir de me lyncher, c’est mon problème. Le racisme n’est pas une question d’attitude ; c’est une question de pouvoir. Le racisme tire son pouvoir du capitalisme. Donc, si vous êtes antiraciste, que vous en soyez conscient ou non, vous devez être anticapitaliste. Le pouvoir du racisme, le pouvoir du sexisme, vient du capitalisme, pas d’une attitude.

Stokely Carmichael

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