Le singulier faux pas que vient de commettre son Secrétaire général Ban Ki-moon n’ajoute rien à une notoriété onusienne amplement érodée. Est-il concevable en effet, que le patron de la plus haute institution planétaire, l’ONU, puisse de la sorte se laisser manoeuvrer et singulièrement outrager par des pays membres de l’institution internationale, aussi puissants qu’ils pouvaient être ?
En retirant à l’Iran l’invitation à assister à la conférence sur la Syrie, dite Genève 2 qu’il lui a solennellement délivrée, Ban Ki-moon, montre la cruelle impuissance où se trouve l’organisation qu’il dirige à accomplir les objectifs de paix internationale que lui assigne la Charte fondatrice de l’ONU. L’institution et son Secrétaire général viennent encore d’exposer et d’illustrer le fait qu’ils ne pèsent vraiment pas lourds face aux oukases des membres permanents occidentaux (la précision s’impose) du Conseil de sécurité, détenteurs du droit de veto. Ainsi, les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont imposé sans état d’âme à l’ONU, présumée organisatrice de la conférence dite Genève 2, leur feuille de route, comme leur seule lecture du conflit qui déchire la Syrie. Notamment la lecture qu’ils font de la déclaration dite Genève 1 de juin 2012, laquelle n’évoque à aucun moment le départ du président syrien comme condition sine qua non ou que la seule visée de Genève 2, comme le suppute l’opposition syrienne, consiste à écarter Bachar al-Assad du pouvoir. Il n’en est rien.
De fait, la déclaration de Genève 1 à propos de la transition en Syrie stipule que « l’organe de gouvernement transitoire exercera les pouvoirs exécutifs. Il pourra inclure des membres du gouvernement actuel et de l’opposition et d’autres groupes et doit être formé sur la base d’un consentement mutuel », rapportait l’émissaire de l’ONU de l’époque, l’ex- Secrétaire général onusien, Kofi Annan en ajoutant que l’avenir de Bachar al-Assad « sera leur affaire (des Syriens) ». En accédant aux desiderata des pays occidentaux, l’ONU s’est disqualifiée en revenant sur l’invitation faite à l’Iran, l’un des acteurs principaux du conflit syrien. Mais ce n’est pas la première fois que l’ONU cède de façon dégradante ses prérogatives face au diktat, notamment étasunien et israélien. En 2003, contre l’avis de l’ONU et du Conseil de sécurité, les États-Unis n’en ont pas moins envahi et détruit l’Irak, un des berceaux de la civilisation humaine. Après le fait accompli – notamment après que le chef de la diplomatie étasunienne de l’époque, Collins Powell, ait admis avoir été abusé et à lui-même leurré l’ONU en affirmant que l’Irak détenait des armes de destruction massive (ADM), rien n’a été fait pour rectifier le tir et sanctionner les États-Unis. Deux ans plus tôt, en 2001, l’armée d’occupation israélienne avait commis d’horribles crimes de guerre à Jenine en Cisjordanie occupée. L’ONU n’a pu effectuer l’enquête commandée par le Conseil de sécurité, d’abord par le refus d’Israël d’autoriser la mission onusienne conduite par l’ancien président finlandais, Martti Ahtisaari, d’aller à Jenine, ensuite par le veto opposé par les États-Unis.
Ban Ki-moon, qui n’a d’autres pouvoirs que celui d’obéir, n’a pu qu’obtempérer au diktat des pays occidentaux et des riches monarchies du Golfe qui arment, forment et financent les rebelles syriens, qui seront bien présents à Genève 2 comme des pays qui n’ont aucune relation avec le conflit syrien à l’instar du Danemark, de l’Inde ou de l’Indonésie. En fait, d’aucuns pouvaient être présents à cette conférence sur la Syrie, mais pas l’Iran et même... Bachar al-Assad aurait été empêché d’y participer si l’Occident et les monarchies avaient eu les moyens de le faire. Et l’on vient parler de paix lorsque seuls les intérêts géostratégiques et la domination du monde animent ceux qui se sont autoproclamés la conscience de la communauté des nations, alors qu’ils sont les premiers à fouler aux pieds droits et justice internationaux pour peu qu’ils n’y trouvent pas leur compte ou ne répondent pas à leurs appétences. Otage du nouvel « Empire », l’ONU est désormais un instrument qui ne travaille pas pour la paix internationale, mais oeuvre à consolider la mainmise d’un quarteron d’Etats sur le monde. Genève 2 en témoigne largement.
Karim MOHSEN