RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
10 

Faut-il se désoler de la "trahison" du PS ?

Un article intéressant, qui exprime une sensibilité de gauche (donc, étrangère au PS), mais qui gagnerait à ne pas être étayé par des critiques contre d’autres organisations et personnes de mouvances également bienvenues sur notre site.

Merci donc à tous de ne pas engager après lecture un débat interne à la gauche avec anathèmes et noms d’oiseaux. C’est exactement ce que nous ne voulons pas publier (on peut s’en rassasier en mille autres endroits).
L’exposé de tout point de vue porte en filigrane la critique des opinions différentes sans qu’il soit besoin d’appuyer et d’ouvrir une polémique entre militants et organisations qui ont à faire face aux mêmes « gérants loyaux du capitalisme », aux mêmes atlantistes, aux mêmes véhicules de la pensée unique.

Mais sur le PS, l’UMP, le FN, etc., c’est comme vous le sentez.

LGS

A gauche, on est gentils mais on est parfois un peu longs à la comprenette.

On peut se réjouir du succès de la manifestation anti TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) de dimanche dernier (30 septembre 2012), organisée par le Front de gauche rejoint par plusieurs syndicats. Étant donné le cran supplémentaire vers la folie "ordolibérale" que ce traité nous invite à franchir, toute mobilisation est bonne à prendre. Même s’il y a peu de chances que cela aboutisse dans l’immédiat à un abandon du traité, au moins cela met-il le pouvoir devant ses responsabilité en forçant un peu le débat.

On passe encore pour des niais

Non, vraiment, je critique pas la manif [1]. Ce que je pige pas, c’est la teneur de certains slogans et pancartes observés dans la foule par les journalistes présents, qui relèvent l’expression d’une certaine "déception" :

«  6 mai 2012, si j’aurais su, j’aurais pas venu » ;
« Au printemps on l’élit, à l’automne il nous trahit ».

Une affiche du front de gauche formulait quant à elle une étonnante requête :

« PS-EELV soyez de gauche ! »

On se pince : il y a vraiment des gens qui ont voté pour François Hollande en croyant qu’il allait changer quelque chose à l’orientation économique de la France et de l’Europe ?!? Et qui aujourd’hui sont "déçus" ???

Bien sûr, il se peut que les journaux aient pris soin de sélectionner les pancartes les plus bêtes (les journaux aiment bien ramener toute protestation à un gémissement tourné vers le pouvoir). Mais quand même, on passe encore pour des niais.

Si encore les gens qui tenaient ces pancartes étaient des jeunes de 18 ans qui ont voté pour la première fois de leur vie en 2012, on pourrait comprendre leur naïveté et le côté "éternel recommencement" de la déception vis à vis du parti socialiste. Mais pour certains il s’agissait de citoyens qu’on peut qualifier d’expérimentés, du genre qui a déjà voté pour Mitterrand en 81, c’est dire.

30 ans de déception

Mes premiers souvenirs politiques les plus vagues, qui remontent au milieu des années 80, comportent l’idée que le pouvoir issu du PS avait déçu. Puis les mêmes ont encore déçu, voire trahi, lors du gouvernement socialo-centriste de 1988-93. Puis encore lors du gouvernement des "privatisations plurielles" de Jospin (1997-2002). Et même dans l’opposition, ils étaient nuls, soutenant le plan Juppé sur les retraites en 1995, puis la délirante constitution européenne en 2005.

On peut donc légitimement détester le PS, s’en méfier, essayer de faire pression sur lui, l’attaquer, l’ignorer, tout comme on pourrait se satisfaire de son idéologie et de sa politique ; mais on ne peut pas, à moins d’avoir la mémoire politique d’un poisson rouge, être déçu.

Si on a tous voté Hollande au printemps dernier, c’était juste pour expulser le précédent locataire de l’Élysée, qui nous fatiguait à brailler des insanités toute la journée et qui faisait honte au pays, et il n’y a de ce point de vue aucun regret à avoir. De là à attendre quelque chose du mec, un peu plus "normal" mais tout autant libéral, qui a emménagé à sa place, il y a un pas qu’on ne saurait franchir sans faire preuve d’une naïveté qui confine au masochisme.

C’est vrai que Hollande avait promis de "stopper l’Europe de l’austérité, renégocier le traité Merkel-Sarkozy dans le sens de la croissance et de l’emploi". Mais il indiquait plus loin qu’il fallait aussi voter pour lui pour "redresser les finances publiques, atteindre l’équilibre budgétaire à l’horizon 2017" [2]. Dans un sens, il tient donc ses promesses...

Ce joli mot de socialisme

Sinon, il y a peut-être le mot qui prête encore à confusion : ce beau nom de socialisme. Mais tout le monde sait depuis longtemps que c’est une blague, que le PS n’a plus rien de socialiste, que ce n’est rien d’autre qu’une marque qu’on conserve parce qu’elle est bien connue du public.

Qu’est-ce que le socialisme, au sens le plus large ? On pourrait définir ça a minima comme la volonté de rompre avec le capitalisme pour instaurer une société basée sur la coopération et la limitation des inégalités sociales (à partir de quoi on peut imaginer moult formes de socialisme).

Le PS quant à lui considère officiellement le capitalisme comme une fin indépassable, dont il se borne à critiquer les excès. A la limite, on peut même dire que la critique des excès du capitalisme par le parti socialiste ne vise qu’à le préserver pour lui éviter de sombrer sous le poids de ses contradictions [3].

Le PS est donc foncièrement un parti libéral, qui défend la liberté du commerce et du capital, considérées comme "efficaces" pour "créer de la richesse". Par contre, comme ils sont de gauche, ils prônent la redistribution d’une partie de cette richesse. Et surtout, comme ils sont de gauche, ils font bien attention à ce que les individus atomisés par ces règles du jeu libéral ne fassent l’objet d’aucune discrimination de sexe, de couleur de peau, d’âge, de handicap, d’orientation sexuelle ou que sais-je encore [4].

Ce vilain mot de capitalisme

Quiconque se réclame de près ou de loin d’un projet socialiste devrait s’éloigner à tire d’ailes de cette "gauche" progressiste capitaliste et la considérer comme un adversaire au même titre que la droite.

Car le capitalisme (et l’idéologie libérale qui le soutient) est condamnable en soi, quelle que soit par ailleurs son "efficacité". Il repose sur l’idée (tout à fait saugrenue pour n’importe qui l’aurait entendue avant le XVIIIe siècle) que 1/ la prospérité et le bien-être commun ne peuvent provenir que de la promotion de l’égoïsme de chaque individu et que 2/ peu importe ce qu’on produit, l’essentiel c’est de réussir à le vendre.

En permettant (et en encourageant) à une minorité de s’enrichir par tous les moyens (vendre n’importe quoi, mentir, exploiter les autres, dénigrer son concurrent, produire sans se préoccuper des nuisances que l’on provoque, gaspiller les ressources, etc), le libéralisme donne une prime aux citoyens les plus amoraux, au détriment de ceux qui ont gardé quelque scrupule [5]. Un véritable socialiste ne remet pas en cause les règles du jeu libéral parce qu’elles sont inefficaces, mais bien parce qu’elles sont immorales [6]

Quant à la redistribution des richesses ainsi créées, qui fait la fierté de nos libéraux de gauche, elle revient à humilier les pauvres (ceux qui n’ont pas su utiliser les règles du jeu à leur profit) une seconde fois en les transformant en "assistés", pour quelques miettes des profits faramineux que les plus malins ont su accumuler.

Faut-il être de gauche ?

Voilà donc pour la déception. Reste une autre question, moins évidente : qu’en est-il maintenant de l’injonction faite au PS d’être de gauche ?

J’avoue avoir été de ceux qui ont longtemps reproché au PS de ne pas être vraiment de gauche, ou de ne plus l’être suffisamment, selon les moments. Mais en fait il s’agit d’un malentendu. Car si le PS, comme on l’a vu, n’est pas socialiste, en revanche il est vraiment de gauche. La gauche, c’est le parti du progrès. Or le PS est pour le progrès ; ce qui inclut notamment la construction européenne, l’abandon des souverainetés nationales, et n’est pas incompatible avec des règles d’austérité budgétaire.

C’est peut-être plutôt nous, les anticapitalistes, qui devrions cesser de nous définir comme étant de gauche. Et les pancartes dans les manifs, si elles souhaitent vraiment interpeller le PS sur son identité, devraient, plutôt que de lui enjoindre d’être de gauche, lui demander d’être socialiste. Une pancarte "Socialistes, soyez socialistes" serait cohérente. Vaine, mais cohérente.

Au-delà des mots, il y a des choix concrets. En ce qui concerne l’Europe, il serait temps de cesser de croire qu’on pourra améliorer la démocratie interne du machin et d’en faire un progrès pour le genre humain. Et de dire tout simplement qu’on n’en veut plus du tout.

Le grand malentendu continue

Ce qui est malheureux dans l’histoire, c’est que ce grand malentendu semble se reproduire au sein du mouvement qui a justement pris le nom de "Front de gauche", où les réflexes "progressistes" l’emportent souvent sur le projet de rupture avec le capitalisme, alors que c’est précisément cette volonté de rupture qui le distingue du PS et qui attire à lui nombre de militants et d’électeurs écoeurés par le monde actuel.

Il n’est pas anodin de noter que les organisateurs de la manifestation de dimanche avaient décidé d’ouvrir la marche par "un cortège unitaire d’associations féministes". Sans vouloir remettre en cause la noblesse de leur combat, on pourrait légitimement s’interroger sur le rapport avec le TSCG. Explications de la féministe en chef : « L’austérité touche durement les classes populaires et les précaires. Parmi eux, il y a les jeunes et les immigrés mais aussi les femmes. Elles sont plus souvent en sous-emplois, cantonnées aux bas salaires, davantage concernées par les coupes dans les prestations sociales » [7].

Bon sang, mais c’est bien sûr ! A ce compte-là , il faudrait donc ouvrir toutes les manifestations par un cortège féministe, chaque problème social contenant sans doute une dimension sexiste plus ou moins cachée. Ou alors ils auraient pu faire ouvrir la marche par un cortège de musulmans, puisque les musulmans sont souvent plus pauvres que la moyenne, donc plus touchés par la crise, etc.

Réflexe "progressiste" que de transformer toute revendication sociale en récrimination sociétale ; de troquer la défense du peuple contre la défense des "minorités". Au risque (souvent avéré) de détourner les masses de ces protestations où le prolétaire ne voit que l’expression du chaos social qui lui a déjà fait tant de mal.

Le Front de gauche reste l’organisation politique la plus intéressante à l’heure actuelle, car il a su attirer à lui la meilleure part des anticapitalistes [8] , mais il va lui falloir clarifier un bon nombre de positions pour devenir crédible.

Car si le proverbe dit qu’on peut tromper une personne mille fois ou mille personne une fois, mais pas mille personne mille fois, il semblerait que jusqu’ici la gauche ait trouvé la formule pour tromper 60 millions de personnes 60 millions de fois.

http://lapindebois.blogspot.fr/2012/10/faut-il-se-desoler-de-la-trahison-du-ps.html

[1A laquelle j’aurais participé si j’avais pu, mais j’ai pas pu

[2Tract diffusé avant le 2e tour des présidentielles de 2012

[3Comme l’écrivait un militant socialiste lambda de la section PS des Ulis, reproduisant la doxa de son parti : "La Crise des subprimes, la spéculation éhontée sur les matières premières, bref l’univers totalement virtualisé de la finance conduit à des désastres socio-économiques et à terme l’auto destruction du système capitaliste. Devons-nous nous en réjouir ? Non, car ce système a prouvé son efficacité dans le développement d’une consommation de masse et donc permis l’accès au plus grand nombre d’un confort inimaginable ne serait ce qu’il y a cinquante ans".

[4La différence avec la "droite" libérale est d’ailleurs minime sur ces sujets, puisque la droite lutte elle aussi contre les discriminations et qu’elle est bien obligée de redistribuer une partie des profits (quoique en rechignant) pour éviter l’explosion sociale à court terme.

[5Un peu comme les amoureux déchirés d’Orly dans la chanson de Brel : "Je crois qu’ils sont en train de ne rien se promettre ; ces deux-là sont trop maigres pour être malhonnêtes".

[6Je sais que le terme d’immoral n’est pas en usage dans les milieux révolutionnaires, mais c’est bien de cela qu’il s’agit. A niveau de vie égal, il est infiniment préférable d’exercer un métier honnête dans de bonnes conditions plutôt que d’être traité comme un pion pour produire de la merde. Quand au niveau de vie, il dépend largement autant de la qualité de l’environnement social dans lequel on évolue que du nombre de gadgets inutiles qu’on peut se faire livrer.

[7Christiane Marty, citée par Mediapart (oui, ben on a les sources qu’on peut).

[8Notamment quelques "décroissants" et autres désobéissants dont la vivifiante critique du capitalisme, assortie de quelques perspectives concrètes, est à cent lieues (au dessus) des déclarations lénifiantes d’un François Delapierre ou d’un Pierre Laurent.


URL de cet article 17875
   
Hillary Clinton, la « Reine du Chaos »
Diana JOHNSTONE
1. Dans votre dernier livre, vous appelez Hillary Clinton la « Reine du Chaos. » Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi ce sobriquet péjoratif pour décrire Hillary ? En un mot, la Libye. Hillary Clinton était si fière de son rôle majeur dans le déclenchement de la guerre contre la Libye qu’elle et ses conseillers avaient initialement prévu de l’utiliser comme base d’une « doctrine Clinton », ce qui signifie une stratégie de changement de régime façon « smart power » , comme un (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Une de meilleures façons d’apporter la justice est de révéler l’injustice.

Julian Assange

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.