Une télévision contre-hégémonique en Amérique Latine :
« Notre Nord à nous, c’est le Sud »
Granma, 18 avril 2005.
Un projet contre la désinformation
Une télévision régionale s’efforcera de contrecarrer le colossal déséquilibre e l’information en Amérique latine : lorsque, en mai prochain, la chaîne Telesur émettra pour la première fois sur les ondes télévisuelles, un grand pas en avant aura été fait dans la longue bataille pour l’instauration d’un ouvel ordre international de l’information, dont l’objectif est de se substituer au quasi-monopole exercé par les Etats-Unis et l’Europe.
C’est ce qu’a déclaré (à ALAI-AMLATINA) le journaliste chilien Hernán Uribe, un des nombreux professionels de la presse qui a exprimé un soutien décidé à Telesur -Nueva Televisión del Sur SA-, un projet qui bénéficie du soutien financier des gouvernements du Venezuela, de l’Argentine, de l’Uruguay et d’institutions brésiliennes.
Le président vénézuelien Hugo Chávez estime qu’il est indispensable de contribuer à l’indépendance culturelle des cinq cents millions d’habitants du continent latino-américain. La réalisation du projet Telesur, a-t-il dit, participe de l’instauration d’un nouvel ordre mondial de l’information qui implique la suppression du monopole exercé par les Etats-Unis et l’Union européenne.
Aram Aharonian, journaliste uruguayen et directeur de Telesur, a expliqué (source : Indymedia) que ce projet stratégique obéit à la nécessité de donner une voix et une image aux Latino-Américains, au milieu de l’avalanche des médias commerciaux qui déversent dans le monde un patron de "pensée et image uniques".
Selon ANCHI, Telesur a déjà un directoire international présidé par le ministre de l’Information du Venezuela , Andrés Izarra ; un directeur général en la personne d’Aharoniam, la collaboration d’Ana de Escalom, directrice de la 7e chaîne de Buenos Aires et de Beto Almeida, du syndicat des journalistes du Brésil ; un directeur d’information de la chaîne, le Colombien Jorge Enrique
Botero, et une participation cubaine : Ovidio Cabrera.
Le déséquilibre actuel du monde de l’information a été brillamment résumé par Hernán Uribe, en une simple question : Le Sud existe-t-il ? « Le destin historique a voulu, explique Uribe, que les nations industrialisées et développées se concentrent dans l’hémisphère nord et que l’autre moitié de la terre soit celle des pays pauvres, où vit 70% de la population mondiale. Dans tous les domaines sujets à statistiques, le Sud remporte les palmes amères de la pauvreté, de la faim, de l’anal-phabétisme, pour ne mentionner que quelques uns des contrastes entre les deux zones géographiques. Mais l’information figure aussi parmi ces différences brutales. »
Dans Les médias racontent un seul monde, sans le Sud, Ana Delicado rappellent que les Etats-Unis et l’Union européenne contrôlent 90% de l’information de la planète ; sur les 300 principales agences de presse, 144 ont leur siège aux Etats-Unis, 80 en Europe, et 49 au Japon. Les pays pauvres, où vit 75% de l’humanité, possèdent 30% des journaux du monde.
Telesur est le début d’une geste médiatique à la manière de David et Goliath, et il s’agira de fonctionner « selon des critères stricts de rentabilité, de compétitivité et de commercialisation », a déclaré Aharoniam à La Jornada, du Mexique.
Il estime que l’information actuelle sur l’Amérique latine est totalement partialisée et que les messages qui passent ne sont pas représentatifs de la réalité car ils sont porteurs de la voix/image unique.
« Nous revendiquons le droit de nos peuples à avoir leur voix. Et nous ne jouerons pas le rôle d’intermédiaire : ce sont eux qui auront leur espace, pour faire entendre leur voix. »
En ce qui concerne les contenus, il est prévu que l’information couvrira 30% de l’espace : en outre, une large place sera faite aux documentaires et aux films de fiction latino-américains, et la revue du matin portera largement sur des thèmes culturels.
Telesur aura pour devise : « Notre Nord à nous, c’est le Sud ». Son siège sera à Caracas. Elle émettra vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en trois blocs de huit heures, et aura des correspondants aux Etats-Unis, à Mexico, à Bogota, à Caracas, à La Havane, à Lima, à Buenos Aires et au Brésil.
Les directeurs annoncent que la nouvelle chaîne satellitaire se distinguera des chaînes commerciales de multiples manières : le ton, le style, le mouvement des caméras, tout changera.
Le ton, a expliqué Botero dans une interview, sera celui du dialogue : nous allons interpeler l’auditoire, mais pas à la manière agressive des chaînes commerciales. « Nos présentateurs parleront comme tout le monde, nos journalistes vont raconter des histoires, ils vont faire de véritables reportages et ne seront pas des pantins qui savent tout juste lire sur le teleprompter. Notre idée est aussi de redonner au journalisme sa juste valeur. »
En plus, nous aurons notre propre agenda et nous suivrons les thèmes qui ont tendance à disparaître des ondes sans qu’on sache pourquoi ni comment alors qu’ils conservent toute leur actualité.
COMBAT IDÉOLOGIQUE
Dans une conférence de presse donnée à Montevidéo, Aharoniam a déclaré que Telesur entendait livrer un combat idéologique sur les ondes télévisuelles, contre la "dictature médiatique" actuelle qui tend à « imposer une pensée unique, une image unique, un point de vue unique. On nous voit en blanc et noir alors que nous sommes en technicolor, nous sommes très divers, d’une grande diversité ethnique, culturelle et d’opinions, et c’est cette diversité que les écrans doivent refléter ».
« Cela fait 513 ans qu’on nous oblige à nous voir avec les yeux des autres, a fait remarquer le directeur de Telesur. Nous voulons une chaîne de télévision qui montrera l’Amérique latine et les Caraïbes telles qu’elles sont, avec leur diversité et leur pluralité... (en) voir de toutes les couleurs ! » Telesur, a-t-il conclu, c’est une contribution au « rêve de souveraineté latino-américaine ».
– Source : Granma : www.granma.cu
« Le temps n’est plus où nous nous taisions, où nous baissions la tête et tendions l’autre joue comme disiat le Christ. Après le coup d’Etat d’avril 2002, ils nous en ont fait voir de toutes les couleurs », a souligné le dirigeant vénézuélien.
« Notre gouvernement réagira (...). Si le gouvernement étasunien ose entreprendre une action, quelqu’elle soit, par exemple s’ils lancent des signaux très puissants, il y aura alors une guerre électronique », a t-il précisé.
« Il faudra voir jusqu’où ils sont capables d’aller, ils vont s’en repentir car notre réaction sera plus puissante encore et développera encore davantage la conscience en Amérique latine », a t-il assuré.
« Notre Nord à nous, c’est le Sud »
CNN go home ! 24 juillet Telesur c’ est parti : une télévision pour l’ Amérique latine, par Dario Pignotti.
24 juillet : lancement de TeleSur, une TV pour l’ Amérique latine. Interview du directeur de l’information.