Beaucoup de citoyens sont déçus voire dégoûtés de constater à quel point leur appartenance à ce qu’ils pensaient être des Etats exemplaires en termes de démocraties ne se vérifie pas dès lors que des intérêts supérieurs – et souvent cachés – sont à la manœuvre. Et cela jusqu’au sommet des institutions qu’ils croyaient être au-dessus de tout soupçon. Au point que même les plus hautes instances des Nations-Unies sont vues aujourd’hui avec la plus grande méfiance, quand elles ne sont pas dénoncées comme devant être dissoutes.
Cela ne présage en aucun cas d’une avancée, d’un progrès de nos sociétés, bien au contraire. Qu’il faille en modifier les composantes et le fonctionnement est souhaitable, sinon nécessaire. Et quoi de plus normal dans un monde en constante évolution. Mais crier à la dissolution de ce qu’il a fallu des décennies à mettre en place ne paraît pas être une bonne décision et appartient plutôt à une sorte de démagogie facile qui ne résout rien, au final.
L’Histoire n’est pas (encore) terminée, comme l’ont annoncé plusieurs chercheurs dont le dernier en date, le politologue américain Francis Fukuyama dans un Essai de 1992 – The End of History and the Last Man – lors de la chute du Mur de Berlin suivi de l’effondrement de l’URSS, qui selon lui, annonçaient que la démocratie libérale ainsi que l’économie de marché ne rencontreraient plus d’obstacles, et que les guerres seraient de plus en plus improbables. L’on a pu voir, depuis ces trente dernières années, qu’on est loin, bien loin de telles prophéties.
Ainsi, voici une intervention magistrale dans l’une des situations les plus effroyables du moment : le génocide auquel nous assistons à Gaza en tant que civils désemparés et souvent frustrés de n’avoir aucun moyen de contraindre le régime responsable de ces atrocités, au respect du Droit international pourtant souvent évoqué par nos autorités, mais toujours en fonction de ce qui les arrange, eux et leurs maîtres.
Il y a quelques jours, à La Haye, la Cour internationale de Justice (CIJ) qui poursuit ses travaux suite au dossier introduit par l’Afrique du Sud contre les pratiques du régime israélien, a demandé des avis consultatifs sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans les Territoires palestiniens occupés.
A l’opposé de nombreuses interventions souvent vagues sinon douteuses du personnel politico-médiatique en général – où le président Macron lui-même s’est une nouvelle fois illustré jeudi soir dans sa mise en scène télévisée aussi mensongère qu’inutile – voici la plaidoirie exemplaire de Madame Monique Cheviller Gendreau, qui pendant une vingtaine de minutes, loin des caméras et du show habituel, déploie à la limite de l’âpreté parfois, un argumentaire absolument imparable à l’encontre des autorités israéliennes et de leurs pratiques criminelles vis-à-vis des Palestiniens depuis des décennies.
La précision des mots et des termes utilisés donnent à son intervention une puissance d’une rareté qu’il convient de souligner, et son raisonnement d’une clarté éclatante met au pied du mur les autorités compétentes en vue de l’application de ce Droit international pourtant tellement bafoué par le régime d’apartheid israélien et tous ceux qui le soutiennent impunément, tout au moins, jusqu’à ce jour.
Les suites nous diront si le Droit international retrouvera ses lettres et la place qu’il convient et si, enfin, il prévaudra sur toute autre considération, dans un monde où la paix ne pourra s’établir sans que la justice n’y ait la primauté.
15 mars 2024
Madame Monique Cheviller Gendreau est professeur émérite de droit public et de sciences politiques