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En Irak jusqu’en décembre, par Stefano Chiarini.





il manifesto, jeudi 8 juin 2006.


Le contingent italien présent en Irak aux côtés des forces d’occupation étasuniennes se retirera de façon « graduelle et convenue », « d’ici l’automne ». Considérant que l’hiver commence le 21 décembre, nos soldats continueront ainsi à risquer leur vie - avec un échéancier de réduction du contingent exactement égal à celui du précédent gouvernement - six mois de plus, dans une mission - de plus en plus dangereuse au fur et à mesure que diminuera la consistance de nos forces - que le gouvernement lui-même a défini comme désormais conclue.

C’est le sens de la mission à Bagdad du ministre des affaires étrangères italien Massimo D’Alema qui a rencontré Nuri Al Maliki, le nouveau chef d’un gouvernement qui n’existe pas encore - du fait de l’impossibilité de désigner les deux ministres clés, de la défense et de l’intérieur -, le titulaire des affaires étrangères, le kurde Hoshiyar Zebari et le président du parlement Mahmmoud Al Mashadani. Avant de rentrer en Italie dans la soirée, Massimo D’Alema a ensuite rendu visite dans la ville septentrionale de Suleimaniya au président irakien, représentant des mouvements séparatistes kurdes, Jalal Talabani. Au cours des nombreuses rencontres avec les différents représentants irakiens pro étasuniens, le ministre des affaires étrangères italien a communiqué à ses interlocuteurs la décision du gouvernement de Rome, sur « mandat de ses électeurs », de faire rentrer chez eux les soldats italiens « d’ici à l’automne » mais sans fixer de date précise.

Dans tous les cas, a annoncé D’Alema, « l’Italie n’entend pas abandonner l’Irak », et le gouvernement de Rome, « continue à soutenir le processus démocratique de l’Irak sur le plan économique et politique ». Le vice premier ministre, et ministre des affaires étrangères, a ensuite déclaré que le gouvernement « oeuvrera pour obtenir un meilleur engagement en Irak des Nations Unies, de l’Union Européenne et de l’Otan ». Cette dernière est du reste déjà engagée dans l’entraînement - avec des officiers italiens aussi - des nouveaux cadres de l’armée irakienne, dans une nouvelle académie construite sur une base dans la périphérie de Bagdad. Rien n’est clair sur l’intention du gouvernement de Rome de retrait de tous les soldats italiens présents en Irak, même ceux qui sont auprès du commandement de la force multinationale à Basra, Bagdad et à l’académie de l’Otan -environ 166 hommes - ou bien si le retrait concernera en particulier le contingent présent à Nassiriya, qui, à la fin du mois de juin, devrait se réduire à 1600 hommes pour s’amenuiser ensuite lentement dans l’attente de l’hiver.

En prévision de ce retrait, l’Italie est en train de consulter le gouvernement irakien et ceux des autres pays qui ont des troupes en Irak, en particulier les américains et les britanniques, pour « « garantir un passage en ordre des consignes, sans poser de problèmes de sécurité ou des vides du pouvoir ». Dans les déclarations du ministre italien, il n’y a en réalité aucune trace de la situation dramatique dans laquelle se trouve l’Irak : un pays où la résistance se renforce de jour en jour, soit par la quantité des opérations menées contre les troupes de l’occupant, soit par sa capacité à investir des zones, comme le sud, qui étaient autrefois relativement tranquilles ; un pays où le projet étasunien d’attiser les divisions ethniques et religieuses, est en train de pousser l’Irak vers une guerre civile rampante entre sunnites et chiites, menée en personne par le gouvernement chiite-kurde, avec ses escadrons de la mort anti guérilla du ministère de l’intérieur et des « Forces de protection » des divers ministères ; il est curieux, à ce propos, d’entendre parler de processus démocratique le jour où les forces de police de ce gouvernement, que l’Italie devrait aider, raflaient dans le centre de Bagdad, au terminal de la « Al Akeily Travel and Tourism », dans le district de Salehiya, une cinquantaine de personnes - employés, clients et le gérant lui même de l’agence avec ses fils-, puis en faire « disparaître » 35 et en relâcher seulement 15 dans la nuit, les plus chanceux, après les avoir soumis au plus incroyables tortures.

Un pays où l’affrontement entre les différentes milices chiites, surtout dans le sud, et l’action des groupes sunnites ultras, proches de Al Qaeda, est en train de transformer en enfer la ville de Basra et tout le sud de l’Irak où opèrent nos soldats. Un pays où les milices kurdes de Jalal Talabani sont en train de mener une véritable épuration ethnique à l’encontre de la majorité arabe et turkmène de la ville de Kirkuk, en vue d’une division folle de l’Irak sur des bases ethniques et confessionnelles, et où la police ouvre le feu sur des familles de survivants de Halabja, coupables eux aussi de dénoncer les méfaits des différents chefs de tribu locaux qui sont au gouvernement au Kurdistan. Une situation dramatique qui a poussé le Pentagone, hier (7 juin 2006, ndt), à annoncer l’envoi urgent d’une autre brigade de 3500 hommes, après qu’ils aient augmenté le contingent la semaine dernière de deux bataillons gardés en réserve au Koweït (1500 hommes environ). En d’autres termes, au lieu de se réduire à 130.000 hommes, comme prévu, le contingent étasunien se montera à 137.500 soldats. Une très mauvaise nouvelle pour l’Administration Bush qui aurait du réduire son propre contingent à la veille des élections de mi-mandat prévues pour novembre prochain. Et comme notre retrait rendra encore plus difficile cette réduction du contingent étasunien, on ne peut pas, ne serait-ce qu’un instant, ne pas avoir le soupçon, tout de suite écarté, que plus que des « problèmes techniques », ce sont des préoccupations électorales de l’Administration Bush qui ont pesé sur la décision du gouvernement de laisser nos soldats en Mésopotamie jusqu’en décembre.

Stefano Chiarini


 Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio



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