Bilan de la mandature
Grâce aux autres formations de gauche (Bloc de Gauche et CDU – Coalition démocratique unitaire, regroupant le Parti communiste portugais (PCP) et les Verts) le Parti socialiste avait pu, en novembre 2015, former un gouvernement. La CDU et le Bloc de gauche lui apportaient ainsi un soutien critique, sans participation au gouvernement. Conscients sans doute qu’appliquer certaines mesures était indispensable au maintien de l’alliance avec les autres partis de gauches le PS a, dès le début, voté des lois favorables aux plus démunis et à ceux qui avaient le plus souffert pendant la cure d’austérité imposée.
Ainsi le salaire minimum a été augmenté plusieurs fois. Il atteint aujourd’hui 600€, soit une augmentation totale de 18,8% depuis 2015. Les petites retraites ont été revalorisées – le PS dispose par ailleurs d’un important électorat issu des personnes à la retraite – de même que les salaires des fonctionnaires. La TVA sur certains biens et services a également été réduite. Ironie du sort c’est en votant ces lois, allant à l’encontre des prédications de Bruxelles, que le Portugal a réussi à sortir de la procédure pour déficit excessif en juin 2017, à afficher une croissance de 2,3% en 2018, et à réduire le déficit public. Le chômage a été en 2018 au plus bas depuis 2002. Aujourd’hui il est de 6,2%, alors qu’il culminait à 17% en 2013.
Rien de surprenant donc que le PS et son premier ministre Antonio Costa, soient donnés largement favoris des élections. Pourtant, ce « miracle » pourrait ne pas durer. En effet, par sa politique des petits pas, le PS a, certes, tourné la page de l’austérité, mais n’a pas renoncé à certaines exigences de Bruxelles, démontrant ainsi son obsession pour le redressement budgétaire. De fait, de nombreux problèmes demeurent. Le niveau général des salaires, par exemple, reste bas, il n’a d’ailleurs toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise.
L’immobilier et le logement deviennent eux-aussi un réel problème. A Lisbonne notamment où les prix flambent et où les Airbnb se développent sans précédent. La capitale portugaise est d’ailleurs devenue à la fin de l’année 2018 la capitale européenne où il y a le plus de résidences Airbnb par habitant (1). De plus il est estimé que seul 2% des logements sont des logements sociaux. En parallèle les emplois précaires augmentent considérablement si bien qu’il n’y a jamais eu autant de travailleurs précaires. La moitié des embauches se font en CDD et, en 2018, la moitié des heures supplémentaires effectuées ne furent pas payées. Contre tout ces problèmes majeurs le gouvernement n’a pas fait grand chose depuis 2015. Pourtant, à l’heure du scrutin, les Portugais ont (re)donné leur confiance au Parti socialiste.
Les résultats
La précédente composition du Parlement
En 2015 la coalition de centre-droit, regroupant le Parti social démocrate (PSD) et le Parti du centre-démocratique – Parti populaire (CDS-PP) recueillait 36,86% des voix et 107 députés, dont 89 pour le PSD. Bien qu’arrivant en tête des suffrages les deux formations n’atteignaient pas la majorité absolue (116 députés). A l’inverse la gauche, partie divisée aux élections, disposait de la majorité en accumulant tous les députés.
Le Parti socialiste obtenait ainsi 32,31% des suffrages exprimés et 86 députés. De son côté la CDU, avec 8,25%, faisait élire 17 députés, dont 15 du Parti communiste et 2 écologistes, tandis que le Bloc de gauche en obtenait 19 et 10,19% des voix. Enfin le petit parti Personnes-Animaux-Nature (PAN- Centre-gauche) faisait son entrée au Parlement avec un député.
La nouvelle Assemblée
Cinq ans plus tard le PS s’est bien renforcé. Avec 36,65% des voix il gagne 20 députés pour un total de 106. Le Bloc de gauche connaît un léger recul en terme de score (9,67%) mais garde ses 19 parlementaires. A l’inverse la CDU n’obtient que 6,46% et perd 5 sièges. La (très petite) surprise vient du PAN qui passe de 1,39% des voix à 3,28% et d’un député à 4.
A droite la coalition entre le PSD et le CDS-PP n’avait pas été renouvelée pour ce scrutin. Avec 27,96% le PSD fait élire 77 députés, soit 12 de moins que lors de la précédente mandature. De même le CDS-PP avec 4,25% perd 13 sièges et n’en obtient que 5.
Quelle alliance pour le PS ?
Les cartes sont donc rebattues. Dès lors deux questions apparaissent. D’abord, est-ce que le Portugal pourra continuer sur cette bonne lancée ? La croissance pour 2019 est estimée à 1,9% et le refus du PS d’agir hors du cadre budgétaire imposé par l’UE pourrait marquer l’arrêt des politiques sociales qui ont bénéficié aux Portugais depuis 2015. Deuxième question, directement en lien avec la première, avec quelle alliance le PS gouvernera-t-il ? De cette alliance dépendront les politiques qui seront mises en place. La relative percée de la petite formation PAN offre à Antonio Costa de nouvelles perspectives. Toutefois à eux deux ces partis ne récolteraient que 110 députés, insuffisant pour prétendre à la majorité (116 députés). Faute de majorité absolue le PS devra donc composer avec le Bloc de gauche, avec la CDU, ou avec les deux.
(1) La face cachée du miracle portugais (Le Monde Diplomatique)