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Durban ou la revanche des indigènes.

photo : Pierre Capoue

Alors que la plupart des commentateurs se focalisent sur les rodomontades du président iranien, un aspect fondamental de la conférence d’examen de Durban est volontairement passé sous silence. Durban c’est : l’affirmation croissante des peuples des anciennes colonies et la perte d’influence de l’hyperpuissance américaine.

Une Universalité de compromis

A la fondation de l’ONU le 26 juin 1945 il n’y avait que 51 pays représentés. Les vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale et l’Europe dans son ensemble bénéficiaient encore d’une grande aura dans le monde. Le Vietnam s’appelait l’Indochine. L’Algérie était française. La République démocratique du Congo n’avait pas encore connu Mobutu et s’appelait toujours le Congo-Belge. L’Angola et le Mozambique étaient sous domination portugaise. Le Kenya tout comme le Nigeria, entre autres, étaient des joyaux de la Couronne britannique... (sur les empires coloniaux, voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Empires_coloniaux)

Les pays signataires de la Charte des Nations Unies en 1945
Europe et pays industrialisé assimilé à l’occident
1.Australie (a),
2.Biélorussie,
3.Belgique,
4.Canada,
5.Danemark,
6.États-Unis d’Amérique,
7.France,
8.Grèce,
9.Luxembourg,
10.Norvège,
11.Nouvelle-Zélande,
12.Pays-Bas,
13.Pologne,
14.Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,
15.Tchécoslovaquie,
16.Turquie (b),
17.Ukraine,
18.Union des Républiques Socialistes Soviétiques,
19.Yougoslavie,
Afrique et Pays arabes
20.Afrique du Sud (c),
21.Arabie saoudite,
22.Égypte,
23.Éthiopie,
24.Iran,
25.Iraq,
26.Liban,
27.Libéria,
28.République arabe syrienne,
Asie et Pacifique
29.Chine,
30.Inde,
31.Philippines, Amérique Latine et Caraïbe
32.Argentine,
33.Bolivie,
34.Brésil,
35.Chili,
36.Colombie,
37.Costa Rica,
38.Cuba,
39.El Salvador,
40.Équateur,
41.Guatemala,
42.Haïti,
43.Honduras,
44.Mexique,
45.Nicaragua,
46.Panama,
47.Paraguay,
48.Pérou,
49.République dominicaine,
50.Uruguay,
51.Venezuela,
Toute classification est partiale, le groupe des pays européens et occidentaux est aussi appelé parfois groupe des pays du Nord.
(a) L’Australie a longtemps été considérée comme un pays du Nord à cause de son niveau économique et de son attachement à la Grande-Bretagne.
(b) La Turquie oscille entre l’Europe et l’Asie Mineure, mais son adhésion à l’OTAN la place résolument dans les pays occidentaux.
(c) L’Afrique du Sud peut être assimilée à un pays occidental à cause de ses liens privilégiés avec la Grande-Bretagne et les États-Unis pendant toute sa longue période d’apartheid. Chronologie de toutes les adhésions à l’ONU : http://www.un.org/french/aboutun/annees.shtml

Aujourd’hui, l’ONU compte 192 pays. La renommée et la puissance des pays du Nord industrialisé se sont émoussées permettant à de nouveaux acteurs, anciennement colonisés, de prendre de plus en plus la juste place qu’ils méritent sur la scène internationale. Mais, il est loin d’être facile pour d’anciens puissants États européens, comme la France ou l’Angleterre, d’oublier qu’ils ont imposé pendant près de deux siècles leur arrogante domination économique, militaire et culturelle sur leur monde...

Christian de Brie, citant Aimé Césaire, à propos de la première conférence de Durban : « "Ce que le très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle (...) ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique." Tant il est vrai que, tandis qu’officiaient, à Nuremberg, les juges américain, soviétique, britannique et français, la ségrégation raciale restait légalisée aux États-Unis, le goulag tournait à plein régime en URSS, Grande-Bretagne et France traitaient à la bombe et au napalm la volonté d’émancipation des peuples colonisés qu’ils venaient de mettre durement à contribution pour leur propre libération. » Christian de Brie L’avenir du passé - octobre 2001 monde diplomatique http://www.monde-diplomatique.fr/2001/10/DE_BRIE/15673

Il n’y a pas de relativisme à reconnaître que l’universalité de l’ONU est toujours le résultat d’un compromis . En 1945 les Droits de l’Homme deviennent une notion universelle, car les États qui en étaient les promoteurs ont su imposer leur vision des choses à l’ensemble des États signataires de la Charte des Nations-Unies. Comme le disait N. Sarkozy à DAKAR : « Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. ». Depuis la conférence sur le racisme et les discriminations de Durban en août 2001, les pays du Sud sont venus rappeler qu’eux aussi avaient des particularités culturelles attachées à leur histoire économique et politique.

« Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance. » Sarkozy - Dakar, Sénégal, le 26 juillet 2007 : http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/2007/juillet/allocution_a_l_universite_de_dakar.79184.html

En effet, loin d’être l’expression de lois divines, l’accession et la reconnaissance des droits sociaux et humains sont le résultat de processus historique et de l’évolution des rapports de force dans une population donnée. S’il est de notre devoir d’aider les peuples dans leurs processus de libération, jamais une prétendue élite ne pourra imposer à un peuple des principes pour lesquels il ne combat pas. Ainsi, la Déclaration des droits de l’homme de 1789 en France est intrinsèquement liée à la mobilisation populaire qui a renversé la monarchie française. Il faudra pourtant encore attendre plus de cent ans pour que les mouvements libéraux et socialistes imposent à la bourgeoisie réactionnaire la séparation de l’Église et de l’État en 1905. En ce qui concerne l’homosexualité, elle ne sera retirée de la liste des maladies mentales qu’au début des années quatre-vingt en même temps que la France abolissait la peine de mort. Par comparaison, en Belgique il faudra attendre 1996 pour la peine de mort soit définitivement retirée du code de procédure pénale (voir : http://www.abolition.fr/ecpm/french/pays.php?&topic=54). Et, Pour voir la fin de l’oeuvre civilisatrice des puissances coloniales dans le tiers monde, il faudra attendre les luttes d’indépendances qui mèneront à la décolonisation.

Le colonialisme c’est dans le tête, et le Nord est très atteint.

La colonisation est terminée, mais nous autres, européens, ne pouvons nous empêcher d’intervenir dans les pays du Sud. On nous vend constamment la soupe humanitaire en prenant soin d’occulter les enjeux économiques. Mais lorsqu’on prend le temps de regarder plus attentivement quels sont les projets de coopération qui sont réellement financés par les États du Nord, on retrouve une carte des sphères d’influence qui coïncide avec les captations des marchés et des ressources naturelles. Les pays du sud qui n’ont pas de ressources naturelles ou qui sont trop pauvres pour acheter quoi que ce soit n’intéressent tous simplement pas les bons samaritains financiers de la coopération au développement.

D’autre part, les guerres contemporaines qui ravagent le tiers monde sont toutes liées à des intérêts occidentaux. Qui d’autres y vend des armes que les puissances occidentales ? Qui intervient directement dans les conflits quand ces intérêts sont menacés ?

Dans tout les pays où sont déployées des armées occidentales les luttes et les revendications populaires sont réduites à néant. Il n’est en effet pas possible de faire avancer les causes des minorités ethniques, religieuses ou sexuelles dans un pays contrôlé par une armée étrangère. Même si celle-ci, sous l’égide de l’ONU, prétend être là pour protéger les populations, elle est avant tout ressentie comme une puissance occupante .

Toutefois, il faut reconnaître aussi qu’une des limites importantes que rencontrent les pays du Sud en matière de droits de l’Homme provient certes, de l’extrême pauvreté dans laquelle survit leur population, mais aussi, de l’absence d’une structure publique cohérente et autonome. Cette situation d’ « infantilisation » de leurs appareils d’état les rends complètement dépendant des décisions prises ailleurs, par des décideurs occidentaux.

Les États-Unis et leurs alliés ont refusé de s’asseoir aux côtés des pays du Sud mais d’autres non.

Allemagne - Australie - Canada - États-Unis d’Amérique - Israël - Italie - Nouvelle-Zélande - Pays-Bas - Pologne - République tchèque (au dernier moment).

Si l’Allemagne est un cas particulier à cause de son histoire et de son rapport au nazisme, tous les autres pays sont des champions des droits de l’homme caractérisé par leur attitude pro américaine.
Celle-ci s’illustre d’abord par un soutien à la guerre de G.W. Bush contre le peuple irakien. La Pologne, la République tchèque, l’Italie, les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande ont envoyé en Irak des troupes pour soutenir l’effort de guerre US. De plus, les Tchèques et les Polonais sont prêts à accueillir sur leur territoire des radars et des missiles-antimissiles pour le projet de bouclier américain.

Cependant, certains en Europe et dans le monde ont su comprendre l’importance de « Durban ».

En janvier 2009, lors de la préparation de la conférence de révision de « Durban I » en commission sénatoriale des relations extérieur (Belgique), Radouane Bouhlal, le président du MRAX (Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie) indiquait que la déclaration de « Durban I » permettait déjà un renforcement des cadres légaux en Belgique pour mieux protéger les victimes de discriminations. De plus, cette déclaration permet aussi d’envisager des actions positives concernant le marché du travail ou la formation de la police. Toujours pour R. Bouhlal : avec la démission des USA, l’Europe pourrait prendre une position prépondérante dans les débats à Genève, à condition bien sûr d’être présente. Enfin concluant son intervention sur le risque de trouble similaire à ceux de liés à « Durban I », R. Bouhlal attire l’attention sur la question des méthodes de travail mal définies et sur les relations entre la conférence officielle et le forum des ONG. Mais, R. Bouhlal insiste aussi sur les importantes différences culturelles liées à la grande diversité des intervenants et à leurs traditions respectives.

A Durban comme à Genève aujourd’hui, ce qui est semble difficile à avaler pour les États-Unis et leurs alliés, c’est que se sont les pays du Sud dans leur ensemble qui ont porté les travaux de la conférence contre le racisme dans le monde. Le constat qui s’impose, c’est que le racisme s’exprime moins dans les excès de certains leaders du tiers monde que dans l’attitude de ces pays riches qui ont refusé de s’asseoir aux côtés des pauvres de la planète pour discuter d’égal à égal.

La conférence dite de « Durban II » qui se termine ce vendredi 24 avril 2009 est donc un succès incontestable dans l’avancée de la lutte contre toutes les formes de racisme. Elle illustre la tolérance et l’écoute dont tous ses acteurs ont su faire preuves malgré leur extrême diversité. Seuls les pays qui ont décidé de boycotter la conférence sont les perdants de ce grand dialogue des nations. La qualité du document final de la conférence dont la signature a été obtenue malgré un climat détestable et une désinformation constante est une grande victoire des pays du Sud, pour tous les peuples du Sud.

Pierre Capoue et A. de V.

Retrouvé aussi Vlad & Ernest dur KoKomaG :
La Bite à Durban : http://kokomag.wordpress.com/2009/04/23/la-bite-a-durban/

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Document final de la Conférence d’examen de Durban
http://www.un.org/french/durbanreview2009/pdf/final_outcome_doc.pdf

Durban II, délire et désinformation
http://blog.mondediplo.net/2009-04-22-Durban-II-delire-et-desinformation

La Charte des nations unies, 26 juin 1945
http://www.aidh.org/Biblio/Onu/Txt_fondat.htm

Obama justifie le boycott de "Durban II" mais affirme sa confiance en l’ONU
http://www.ladepeche.fr/article/2009/04/20/594658-Obama-justifie-le-boycott-de-Durban-II-mais-affirme-sa-confiance-en-l-ONU.html

« Le boycott de Durban II profite aux mouvements racistes »
http://www.swissinfo.org/fre/politique_suisse/politique_interieure/se_boycott_de_Durban_II_profite_aux_mouvements_racistes.html?siteSect=1511&sid=10595368&cKey=1240318922000&ty=st

Conférence d’examen de Durban : l’incontournable contribution des migrants
http://www.unmultimedia.org/radio/french/detail/92974.html

Conférence d’examen de Durban : appel au consensus de Navi Pillay
http://www.unmultimedia.org/radio/french/detail/92937.html

Genève 20-24 avril 2009 : Durban II - Relancer la mobilisation contre le racisme
http://www.solidarites.ch/geneve/index.php/immigration-racisme/immigration—racisme/157-geneve-20-24-avril-2009-durban-ii-relancer-la-mobilisation-contre-le-racisme

Conférence d’examen de Durban sur le racisme : adoption par consensus de la Déclaration finale
http://www.admin.ch/aktuell/00089/?lang=fr&msg-id=26505

Conférence de l’ONU : déclaration finale adoptée
http://info.rsr.ch/fr/news/Conference_de_l_ONU_declaration_finale_adoptee.html?siteSect=2010&sid=10596271&cKey=1240344701000

Radouane Bouhlal : "Durban II est nécessaire !"
http://www.mrax.be/article.php3?id_article=770

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Leur Grande Trouille - journal intime de mes "pulsions protectionnistes"
François RUFFIN
GoodYear, Continental, Whirlpool, Parisot-Sièges... Depuis dix ans, à travers la Picardie d’abord, la France ensuite, j’ai visité des usines de robinets, de pistons, de cacao, de lave-linge, de canapés, de chips ; de yaourts, avec toujours, au bout, la défaite. Ca m’a lassé de pleurnicher. Mieux valait préparer la contre-offensive. C’est quoi, leur grande trouille, en face ? Leur peur bleue ? Il suffit de parcourir le site du MEDEF. Ou de lire leurs journaux, Le Monde, La Tibune, Les (…)
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"Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’étais déterminé à faire entrer les Etats-Unis dans le 21ème siècle, toujours comme le plus grand facteur de paix et de liberté, de démocratie, de sécurité et de prospérité."

Bill Clinton, 1996

"A travers le monde, chaque jour, un homme, une femme ou un enfant sera déplacé, torturé, assassiné ou "porté disparu", entre les mains de gouvernements ou de groupes politiques armés. Et la plupart du temps, les Etats-Unis en sont complices. "

Amnesty International, 1996

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