Dominique Lormier. Les 100 000 collabos. Le fichier interdit de la collaboration française. (1)

Nous voyageons avec cet ouvrage dans la zone grise de la France occupée, un pays qui ne compta ni 40 millions de pétainistes ni 40 millions de résistants. Une zone où un Mitterrand se mut comme un poisson dans l’eau. Une France où des hommes et des femmes d’extrême gauche dans les années 30 deviendront des tortionnaires au service des nazis et où d’anciens fachos prendront les armes contre l’occupant et connaîtront les camps de concentration ou les pelotons d’exécution.

Ce fichier comporte exactement 96 492 noms, équivalant en gros au nombre de personnes épurées. Comme par hasard. Avec des aberrations. On y trouve le tout jeune acteur François Périer, certes d’origine bourgeoise et de droite, mais pas Pétain ! Une raison en sera donnée a posteriori par Alexandre de Marenches, ancien directeur des services secrets, dans le long entretien que Christine Ockrent lui consacrera en 1986 pour son livre Dans le secret des princes. Il révélait, sibyllin, que de prétendus résistants étaient en fait des collabos. Le colonel Paul Paillole (1905-2002), ancien responsable du contre-espionnage français, se sentit visé et réagit vivement. Le ministre de la Défense André Giraud étouffa l’affaire, au point qu’il ne fut pas possible de verser ce fichier au dossier d’instruction du procès Papon. Paillole, maître d’œuvre du fichier, avait été résistant maréchaliste.

La collaboration avec le régime nazi avait débuté bien avant le déclenchement du conflit. Dès 1936, l’Abwehr (le service de renseignement de l’état-major allemand) avait entrepris de noyauter les milieux journalistiques, politiques, syndicaux et religieux. Le Reich gagna sans peine la guerre de l’intox. Les services secrets français purent bien communiquer à l’état-major français les plans d’invasion allemande, le très médiocre général Gamelin n’en tint aucun compte et commit des erreurs fatales à l’armée française. Puis les Allemands profitèrent de l’invraisemblable fatras qui grenouillait à Vichy : « des maréchalistes germanophobes, des collaborateurs zélés, des partisans de l’entre-deux, des antisémites et anglophobes notoires, des agents secrets des Allemands, des admirateurs du régime hitlérien, des anticommunistes viscéraux, des antigaullistes fanatiques. »

La propagande de la France occupée visait à faire croire que Pétain représentait un moindre mal, un bouclier. Mais la collaboration brilla par son zèle, devançant les ordres. 40% des Juifs arrêtés le furent avec l’implication de la police française. À elle seule, la Milice en arrêta 26 000. Heureusement, la population se mobilisa, avec tous les risques encourus, si bien que 75% des Juifs (254 000) présents en France furent sauvés de la déportation. Dans ses mémoires (Une vie), Simone Veil rappela la réalité suivante : « J’avais suffisamment travaillé sur la Shoah pour savoir que la France avait été de loin le pays où le pourcentage de Juifs déportés s’était révélé le plus faible, un quart de la communauté et, toujours en proportion, très peu d’enfants. »

S’il y eut 96 492 collaborateurs (en fait davantage car le fichier sous-estime la collaboration économique), 1 425 000 Français combattirent le Reich : résistants, Forces françaises libres, armée régulière.

Lormier revient sur les grandes figures de la collaboration. J’en cite quelques-unes, à commencer par Joseph Marnand. Issu d’un milieu modeste, ce catholique reçut la médaille militaire des mains de Pétain en 1918. Fasciné par Mussolini et Salazar, il rejoint les Croix de feu puis le PPF ainsi que la Cagoule, mouvement violent qui visait à abattre la République. En 1939, il s’engage comme volontaire. Fait prisonnier, il s’évade. En 1941, nationaliste xénophobe, raciste et antisémite, il veut lutter contre les communistes et les Juifs, mais pas encore aux côtés des Allemands. En 1942, Hitler réclame à Laval une police supplétive. Darnand crée la Milice en janvier 1943. Il prête serment au régime hitlérien et qui le nomme lieutenant de la Waffen-SS. On compte dans la Milice des « modérés » pétainistes et nationalistes et des extrémistes qui veulent faire de la France un pays nazi. Au premier chef, Francis Bout de l’An. Enseignant, proche du parti communiste, il tourne casaque après un voyage en URSS. Durant la guerre, il ordonne des exactions horribles. Il rejoint Laval à Sigmaringen. Condamné à mort par contumace, il se cache en Italie où il meurt en 1977. Il portait le nom de son grand-père paternel, un enfant trouvé. En janvier 1944, Darnand entre au gouvernement. Il commande 30 000 miliciens, 45 000 gendarmes, 6 000 gendarmes mobiles. Capturé en Italie par les Britanniques, Darnand est remis à la France. Il est condamné à mort et fusillé le 10 octobre 1945.

Lui aussi issu d’un milieu modeste, Marcel Déat intègre l’École normale supérieure en 1914. Il adhère à la SFIO. Au retour de la guerre où il a fait preuve d’un grand courage, il publie, sous un pseudonyme, Cadavres et maximes, philosophie d’un revenant où il exprime son horreur pour la guerre et son pacifisme viscéral. Il passe l’agrégation de philosophie. En 1925, il est élu sur une liste socialiste au conseil municipal de Reims, puis député. Il rejette totalement le marxisme. Il est membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Il entre dans le gouvernement Sarraut en 1936. Il fréquente le colonel De Gaulle qui l’apprécie beaucoup. Totalement antiraciste, il déclare, lors de la proclamation des lois racistes de Nuremberg de 1935 : « Nous sommes un peuple métis ». Il est soutenu par Le droit de vivre, journal de la LICA . En mai 1939, dans L’OEuvre, il crée une énorme polémique avec son article « Mourir pour Dantzig ». Il appuie l’armistice demandé par Pétain et la nomination de Pierre Laval comme vice-président du Conseil. Il tente vainement d’unifier les divers mouvements collaborationnistes de la zone occupée. Il est nommé ministre du Travail et de la Solidarité nationale en mars 1944 et soutient une politique de collaboration totale avec les nazis. Il fuit à Sigmaringen puis se cache en Italie, échappe à la condamnation à mort par contumace et meurt en 1955 dans un couvent italien.

Né dans une famille ouvrière, Jacques Doriot est ouvrier d’usine à l’âge de 15 ans. Il reçoit la croix de guerre durant la Première Guerre. Il intègre la SFIO, puis le parti communiste. Il rencontre Lénine et est nommé à la tête des Jeunesses communistes. En 1923, il est condamné à un an de prison pour avoir rédigé des tracts hostiles à la guerre du Rif appelant les soldats français à la désobéissance. L’Internationale communiste l’empêche de prendre la tête du parti où il jouit d’une très grande popularité. Il souhaite un rapprochement avec les socialistes au sein d’un vaste front antifasciste, estimant que la division de la gauche a permis l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Le 27 juillet 1934, l’Internationale adopte la politique d’alliance avec la gauche, pourtant considérée auparavant comme hérétique. Maurice Thorez, de retour de Moscou, abandonne la ligne « classe contre classe » et, le 26 juin, prononce devant la conférence nationale du parti un discours affirmant la nécessité de conclure « à tout prix » un accord avec la SFIO afin d’« arracher les classes moyennes à la démagogie du fascisme ». Mais le refus de Doriot d’aller à Moscou, ses désobéissances et ses ambitions personnelles de direction du PCF ne sont plus tolérées. Il est exclu du parti.. Il démissionne de sa fonction de député-maire de Saint-Denis. En juin 1936, il fonde le Parti populaire français (PPF), avec l’appui d’une parti du patronat et de militants de gauche et d’extrême gauche. Il prône un pacifisme total. Sous l’influence de Drieu La Rochelle et de Bertrand de Jouvenel, le PPF se fascise. En 1941, Doriot soutient la création de la LVF. Il combat en Russie sous uniforme allemand et reçoit la croix de fer. Le 22 février 1945, sa voiture est mitraillée par un avion allié à Mengen où il est inhumé.

Commensal de Mitterrand à Latche (ce qui n’était pas donné à tout le monde), René Bousquet était le fils d’un notaire de gauche. Ce surdoué entra dans la vie adulte de manière héroïque en sauvant de la noyade plusieurs dizaines de personnes durant les inondations de 1930. Chef de cabinet adjoint d’un ministre à 22 ans, sous-préfet à 26 ans, il se voit confier en 1936 par Roger Salengro la responsabilité du fichier central à la Sûreté nationale. Ce, dans la mouvance radicale-socialiste. Plus jeune préfet de France en 1941, il parvient à maintenir en fonction des élus radicaux-socialistes et francs-maçons. La presse d’extrême droite se déchaîne contre lui. En avril 1942, Laval le nomme secrétaire général de la police. Trois mois plus tard, il met ses effectifs au service de l’occupant dans la traque contre les Juifs étrangers (enfants compris) dans les deux zones. S’il a, semble-t-il, sauvé 2 500 Juifs, il est responsable de l’arrestation de 40% des Juifs déportés durant la guerre. En 1943, il prend contact avec la Résistance, protège François Mitterrand, sabote quelques opérations montées contre des maquis. En juin 1944, les Allemands l’envoient en résidence surveillée en Bavière. Les Alliés le libèrent en avril 1945. Il refuse l’invitation à se rendre aux Etats-Unis pour travailler dans le renseignement politique et militaire. Il rentre en France et est incarcéré à Fresnes. Jugé en bout de chaîne des grands collaborateurs, il est acquitté par la Haute Cour de justice. Le Conseil d’Etat lui rend sa Légion d’honneur et il est totalement amnistié en 1958. Il siège au conseil d’administration de La Dépêche du Midi (dont la propriétaire est juive). Il fréquente le communiste Doumeng, et aussi Edgar Faure ou Edmond Giscard d’Estaing. Il intègre le conseil d’administration de la compagnie d’aviation UTA (dirigée par Antoine Veil, le mari de Simone). Une procédure est lancée contre lui en 1989, que Mitterrand fait tout pour freiner. Il est inculpé en 1991 mais est assassiné le 8 juin 1993.

Dans un tout autre genre, Drieu La Rochelle voit le jour dans une famille bourgeoise et déchirée par des problèmes familiaux. Durant la Première Guerre, Drieu part au front « avec l’espoir de devenir un surhomme nietzschéen ». Il se brouille avec Aragon en 1925 après cinq années d’amitiés. Il est l’ami de Breton, Malraux, Mauriac, Daniel Halévy. Il est partisan d’une droite qui se veut « au-dessus des partis, républicaine et démocratique, élitiste, antimilitariste, déiste et anticléricale ». En 1930, il devient l’amant de la femme de Louis Renault. Cet homme aux multiples conquêtes féminines « est hanté par l’impuissance et l’homosexualité ». En 1931, la LICA salue son combat contre l’antisémitisme et le fascisme. Mais lors d’un voyage en Allemagne en 1934, il est fasciné par la Hitler Jugend. Il fréquente assidûment Otto Abetz et se déclare socialiste et fasciste. Il adhère au PPF de Doriot. Il prend position contre les accords de Munich et se brouille avec Doriot. En 1941, collaborateur assumé et engagé, il dirige la NRF. Il exprime son antisémitisme dans La Gerbe et Je suis Partout. Il fait libérer de Drancy son ancienne épouse (juive) Colette Jéramec. Il est l’un des rares collabos de haut vol à assumer son engagement. Il refuse d’intégrer la brigade FFI Alsace-Lorraine que commande son ami Malraux. Il se suicide le 15 mars 1945. Le spécialiste de la IIIe République Jean-Marc Proust dira de l’auto dénigrement de ce dandy : « La haine de lui-même le recouvrait comme de la sueur ».

Bernard GENSANE

Paris : Le Cherche Midi, 2017.

2ème Partie : https://www.legrandsoir.info/dominique-lormier-les-100-000-collabos-le-fichier-interdit-de-la-collaboration-francaise-2.html

Print Friendly and PDF

COMMENTAIRES  

12/01/2018 18:42 par Rey

Monsieur Gensane,
si vous vous intéressez vraiment à la collaboration, vous devez avoir entendu parler d’ Annie Lacroix-Riz. Je vous conseille d’ étudier ses livres sur la question : ils sont longs, parfois difficiles mais autrement plus sérieux que les évocations émues des origines populaires de certains ténors de la collaboration, autrement plus sérieux que l’ évocation du pacifisme de Déat ou celle des attendrissants problèmes existentiels de Drieu La Rochelle. C’ est dû à ce que cette historienne applique avec rigueur une méthode pénible, fatigante sûrement, mais absolument indispensable : le dépouillement d’ innombrables archives sur la question étudiée et des références précises à ces mêmes archives, ce qui permet au lecteur exigeant de vérifier par lui-même ce qu’ on lui affirme. Du peu que vous nous dites , cela ne semble pas du tout le cas du livre de Lormier (ou de Jean Louis saint-Ygnan ? Pas clair...), votre compte-rendu débutant par une des nombreuses thèses acritiques en vogue dans la pensée dominante :" il y eut des hommes "de gauche" dans la collaboration et des hommes d’ extrême-droite dans la Résistance.".

12/01/2018 22:42 par Bernard Gensane

@ Rey.
Je n’ai pas "entendu parler" d’Annie Lacroix-Riz. J’ai lu les 3/4 de ses ouvrages depuis une trentaine d’années. En revanche, je n’avais lu, jusqu’à présent, aucun de la trentaine de livres que Lormier a consacrés à cette période. Quant à Jean Louis Saint-Yonan, je ne sais pas de qui il s’agit.
Je vous laisse "attendri" face au suicide de Drieu et j’attends de vous que vous mettiez de la couleur, que vous apportiez de la lumière dans la zone grise que j’évoquais en tête de l’article.
Aujourd’hui, des gens élevés dans la religion catholique, voire juive, se convertissent à l’islam le plus radical. Vous avez sûrement une réponse matérialiste, claire, simple à ces itinéraires aberrants.
Dans une suite à cet article qui paraîtra incessamment sous peu, j’évoque la collaboration économique dont Lormier explique qu’elle fut sous-estimée et largement blanchie.

On peut se demander si ce qui nous fait peur, nous désespère aujourd’hui (la montée de l’extrême droite en France, en Europe et ailleurs, les pleins pouvoirs accordés à Macron, la domination du capitalisme financier), n’est pas le symptôme d’une aliénation mâtinée de compromission avec le capitalisme, même dans des bastions autrefois de gauche. J’observe ce phénomène dans l’Université, en gros depuis 1984.

13/01/2018 04:08 par Rey

Je n’ ai pas la berlue ; votre article est bien accompagné d’ une photo de la couverture du livre de Jean-Louis Saint-Ygnan ("Malraux et Drieu La Rochelle"). Cela ne change rien au fait que la thèse "il y eut des hommes de gauche dans la collaboration" ne veut rien dire : en ralliant la collaboration, un individu cesse évidemment d’ être de gauche. Cette thèse sert à dédouaner la droite de son soutien massif au nazisme et à faire oublier que les résistants étaient majoritairement communistes.

13/01/2018 17:40 par Bourget JM

Bousquet resistant ! Comme Jeantet ! Ils etaient forts ces collabos. Et Mitterand le menteur sui est brevete resistant par l etrange Frenay... Drole de monde.

14/01/2018 03:47 par Rey

JM Bourget : vous avez raison. Même Wikipédia, si prompt à défendre la classe dirigeante, n’ arrive pas à dissimuler les turpitudes de Bousquet.

14/01/2018 09:09 par HUGO

Ah ce Capitaine Morland, quel homme !

François Mitterrand est né en 1916 dans la petite bourgeoisie provinciale en charentaises. Lorsque, à 18 ans, il vient étudier à Paris, il empeste encore l’encens, le cierge et la calotte. D’ailleurs, il crèche chez les pères maristes de la rue Vaugirard. Significatif. Entre 1934 et 1936, jusqu’à la dissolution des ligues factieuses, il adhère aux Croix de Feu du colonel De la Rocque. Pour la petite histoire, en 1935, notre bon François défile avec les Camelots du roi, une organisation fascisante, en scandant "Mort aux métèques !" L’intéressé niera. Puis, obligé de se reconnaître sur une photo sans équivoque, face à un cordon de police, il prétendra avoir été là par simple curiosité...

François Mitterrand copine avec la Cagoule dès 1935. Sans que son appartenance à ce groupe factieux interdit ait pu être formellement prouvée, il en fréquente les chefs qui résident, comme lui au 104 rue de Vaugirard. Chez les bons pères maristes. Des liens d’amitié se nouent qui dureront jusqu’à sa mort. Au cours de l’hiver 1936, Mitterrand qui rêve déjà de jouer un rôle important en politique, participe à des manifs de l’Action Française. De tout cela, il résulte qu’il a clairement fait ses choix. A droite toute !

Bien qu’il ait prétendu par la suite être devenu socialiste avec le front populaire, il travaille à "L’écho de Paris", un journal clairement ancré à droite, jusqu’à son incorporation en 1938. Fait prisonnier en juin 40, il se lie d’amitié au stalag avec un "ouvrier communiste" qui deviendra milliardaire, Roger Patrice Pelat. Habitué à avancer masqué, on retrouve Mitterrand en 1941 à Vichy après une évasion controversée du stalag fin 1941. Immense culot ? Insouciance de jeunesse ? Il mène un vie publique et mondaine, sous sa véritable identité, alors qu’il est en principe recherché par les polices des deux côtés du Rhin.
Il deviendra résistant plus tard, quand la faillite du III ème Reich deviendra prévisible au printemps 1943. Mais en attendant, il est un bon maréchaliste. Il écrit à sa sœur le 13 mars 1942 : "j’ai vu le maréchal au théâtre. Il est magnifique d’allure, son visage est celui d’une statue de marbre." Surtout, il demande, obtient, et reçoit fièrement la francisque en mai 1943, renouvelant son serment d’allégeance au maréchal.

A la mi-43, tout en recevant la francisque, il profite de ses fonctions officielles pour fournir des vrais-faux papiers à d’anciens prisonniers de guerre évadés et à des réfractaires au STO. Un bon
point. Enfin. Au cours de l’été 1943, il tient des propos publics anti-nazis qui l’obligent à se cacher. Les nazis le soupçonnent d’être un agent double. Mais bien qu’il ait prétendu par la suite avoir effectué, dès le début 1943, des navettes avec la France Libre, à bord de Lysanders, on a des doutes. Ainsi le group captain Hugh Verity chef de l’escadron 161 de la RAF affirmera ne pas se souvenir de lui. Or, à cette époque Verity vient juste d’être nommé à ce poste et tient un journal, qui deviendra après guerre un fameux livre : "We Landed by Moonlight"

De Gaulle que Mitterrand rencontre fin 1943 à Alger est assez sceptique sur la crédibilité et l’efficacité de son réseau de patriotes. Les propos qu’il lui tient scellent d’emblée une future inimitié indéfectible : "Un mouvement de résistance d’anciens prisonniers de guerre ? Pourquoi pas aussi un mouvement d’épiciers ou de garçons coiffeurs ?"

Finalement, ce n’est que le 12 mars 1944 que Mitterrand fonde un vrai réseau de résistance incontestable, et reconnu comme tel dans l’organigramme de la France combattante. Sans renier pour autant ses anciennes amours : en 1945, il apporte un témoignage disculpant Eugène Schueller, fondateur de L’Oréal, mais surtout financier de La Cagoule et dirigeant du RNP de Marcel Déat. Un ancien leader socialiste partisan d’une collaboration totale avec les nazis, promu ministre du travail dans le gouvernement de Laval. Après la guerre, heureuse coïncidence, Mitterrand dirigera le magazine "Votre Beauté" qui appartient à Schueller...

Ce sont quand même de bons débuts pour un jeune homme si ambitieux et pas trop regardant. Maréchaliste, il a servi puis empapaouté les collabos. Résistant tardif, il a enfumé les vrais héros avec ses "exploits" et son prétendu "réseau". Opportuniste, il a protégé de riches traîtres susceptibles de lui renvoyer l’ascenseur. Plus tard, avec une égale aisance, il roulera dans la farine les socialos. Et embrassera les communistes dans une étreinte mortelle.

De son passé à Vichy, il restera à Tonton une amitié indéfectible avec l’ignoble René Bousquet, un jeune préfet qui en 1940 à l’inverse de Jean Moulin, choisira le déshonneur et la traîtrise. Secrétaire général à la police et vice-ministre de l’intérieur, avec délégation de signature permanente de Laval, Bousquet fera trucider et/ou déporter bien des Juifs et des Résistants. Sans pouvoir prétendre qu’il ne savait pas. Mais, bien planqué chez les curés à la Libération, il aura la chance de n’être jugé qu’en 1949, quand l’heure de la réconciliation avait sonné. Il s’en tirera avec une condamnation pour crime d’indignité nationale, dont il sera vite relevé.

En 1974, Bousquet qui s’était refait une carrière enviable dans la banque, décida de faire bénéficier son ami Mitterrand de son aide financière. Les deux hommes s’étaient régulièrement revus quand Mitterrand occupait divers postes ministériels dans des gouvernements de la IVème république, échangeant informations, dossiers compromettants et petits services. Et Bousquet, aussi retors que son ami, avait réussi à faire oublier son passé au point d’obtenir un poste d’administrateur à UTA, présidé alors par Antoine Veil. Une photo d’époque montre les compères René et François, festoyant en famille à Latché, le sourire épanoui.

Après 1981, Bousquet sera reçu régulièrement à l’Elysée. Et malgré les poursuites engagées contre lui du fait de crime contre l’humanité, il ne sera jamais jugé.
Mais si Mitterrand lui a permis d’esquiver les juges, il n’a pas pu lui éviter une rencontre fatale avec cinq balles de révolver en 1993.

19/01/2018 15:57 par Max Stirner

Pour Mémoire ...

Comment peut-on être assez ignorant pour croire encore que les “collabos” venaient tous de l’extrême-droite et
les résistants de la gauche ?

« L’extrême gauche en France était dans la résistance. L’extrême droite française était à l’époque dans la collaboration », c’est ainsi que Thierry Solère, député de l’UMP, a voulu distinguer l’extrême-droite de l’extrême gauche. Stéphane Courtois lui rappelle donc quelques petits faits historiques...

Enfin, M. Solère utilise une expression — « l’extrême droite » — qui ne signifie rien. Que dire de tous ces premiers résistants qui étaient des monarchistes de l’Action française — Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin, De Vawrin le chef du BCRA (le service secret gaulliste), le fameux colonel Rémy premier agent du général de Gaulle en France occupée —, voire issus de la mouvance de la Cagoule — Guillain de Bénouville, chef du mouvement Combat, François Mitterrand ? Avec la défaite et l’occupation, « l’extrême droite » a éclaté en plusieurs courants, les uns allant vers la révolution totalitaire nazie (Doriot et son PPF), les autres vers le régime réactionnaire et autoritaire de Vichy bientôt engagé dans la collaboration, et les troisièmes entrant tête baissée dans la Résistance par nationalisme et détestation de l’Allemagne pangermanique.

Source : http://www.atlantico.fr/decryptage/assez-ignorant-croire-collabos-venaient-tous-extreme-droite-resistants-gauche-stephane-courtois-402460.html

PS : que tous ceux qui votèrent Mitterrand jettent la première pierre ...

(Commentaires désactivés)
 Twitter        
« Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
© CopyLeft : Diffusion du contenu autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
 Contact |   Faire un don