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Les premiers échos de la table de négociation d’Oslo/Norvège… en chemin vers Cuba

Dialogues de paix en Colombie : deux visions opposées d’emblée

L’interminable guerre civile colombienne trouve ses causes dans le violent et cruel régime de domination, d’exploitation et d’exclusion sociale, économique, politique, culturelle…formé tout au long de son histoire, et plus particulièrement au cours des 60 dernières années.

C’est le fruit du modèle agraire, le latifundium, de la dépendance, des aberrations d’un capitalisme constamment recolonisé, du système de répression et de terreur politique sous les auspices des USA et de leurs doctrines militaires, du déni de démocratie, de la culture violente despotique déployée par la classe dominante au pouvoir pendant six décennies, de l’empreinte déprédatrice et appauvrissante du néolibéralisme tout au long des 20 dernières années et de l’intervention croissante d’unités militaires spécialisées et de bases d’opérations US et israéliennes en territoire colombien, appuyant une guerre de basse et moyenne intensité contre les forces insurgées et la population mécontente.

Dans les montagnes colombiennes, avec les commandants Iván Márquez et Jesús Santrich, tous deux représentants des FARC-EP dans les dialogues de paix

Tout ceci s’est traduit par de la faim, des inégalités scandaleuses, de profondes injustices sociales de toute sorte, des abus de pouvoir, des tortures, un paramilitarisme (exalté et soutenu de façon perverse par l’Etat), un narco-militarisme et une narco-politique, des assassinats à foison, (incluant les personnes exécutées à la tronçonneuse, les fameux « faux positifs », les grandes fosses communes camouflées ou les cimetières clandestins), des spoliations cruelles et massives, de nombreux déplacements forcés , des restrictions de libertés, une délinquance d’Etat et une corruption du système traditionnel des partis...

L’insurrection armée et la révolte sociale et politique non armée ont été une réponse socio-politique à cette cruelle réalité, à cette guerre sale intégrale ; guerre d’Etat, de la classe dominante, du pouvoir impérialiste et des mafias associées à ces forces.

Le problème de la détention et de l’usage des armes

Les armes aux mains des révolutionnaires civils/hommes et femmes des FARC-EP et de l’ELN ne sont pas la cause de cette guerre mais la réponse obligée à la violence sociale, économique, culturelle, politique, militaire et paramilitaire imposée d’en haut ; utilisée de façon systématique comme moyen de soumission, d’oppression et de représailles.

On peut posséder des armes sans pour autant les utiliser, elles peuvent être nécessaires ou inutiles, on peut les utiliser et cesser de les utiliser, selon les circonstances. On ne doit pas nécessairement les rendre pendant les luttes populaires, encore moins quand elles servent de garanties pour de nombreuses choses justes, y compris des dialogues en vue de la paix.

Les premiers/ères à les posséder et à les utiliser n’ont pas été ceux et celles qui constituaient les forces insurgées et révolutionnaires colombiennes, bien qu’ils aient été les premiers à proposer un cessez-le-feu pour créer un climat propice à la paix, au cours de cette deuxième phase de dialogues initiés à Oslo-Norvège, le 18 octobre 2012.

Agenda commun et intentions démasquées

Le commandant Iván Márquez -que je connais, apprécie et admire- en parlant au nom de la délégation des FARC-EP au cours de cet acte inaugural, a réussi au sens propre, et de façon élégante et profonde à aller au coeur des problèmes, aux causes profondes du conflit armé, à identifier la guerre avec ses injustices et ses iniquités, à traiter du modèle agraire, du modèle minier, de la dépendance et de l’intervention étrangère, du type de société, du système politique excluant… de la nécessité d’un changement intégral et profond. Il l’a fait d’ailleurs en respectant le cadre de l’ordre du jour préliminaire approuvé par les deux parties.

Le représentant du gouvernement et du pouvoir en place en Colombie, l’ex-vice-président Humberto De la Calle, a répliqué en disant que "ni le modèle économique, ni la doctrine militaire, ni l’investissement étranger ne sont en discussion. La table se limitera aux thèmes qui sont à l’ordre du jour. Les idées que les FARC veulent divulguer leur appartiennent une fois que le conflit sera terminé et ils devront le faire sans les armes".

Cependant, il se trouve que l’ordre du jour approuvé aborde la question agraire, la participation politique, le trafic de drogue, la situation des victimes, et la fin du conflit ; dans cet ordre et sans que nulle part ne soit stipulée la remise préalable et unilatérale des armes par les FARC-EP.

Monsieur De la Calle - personnage qui a déjà pris quelques chemins de traverse - a laissé transparaître, volens nolens, les intentions fondamentales des puissants secteurs des forces au pouvoir pro-impérialistes dans ces dialogues : cerner, faire pression en bloc sur les FARC-EP, pour qu’elles consentent à remettre unilatéralement leurs armes ; en présentant l’armée populaire formée par les guérilleros/as au cours de décennies de sacrifices, comme la cause essentielle et presque unique de la guerre et de la violence.

De la Calle a mis précocement et imprudemment en évidence l’intention gouvernementale d’occulter les racines du conflit armé, en identifiant l’insurrection armée comme cause et non comme conséquence du conflit, tout en faisant pression dans le sens d’une reddition des FARC, qui entraînerait son désarmement, sa démobilisation et sa « légalisation », sans toucher au système et à ses modèles sectoriels ou juste avec quelques réformes limitées et des changements domestiques.

Pour un traitement spécial du thème des armes

Le représentant du président Manuel Santos, dont le gouvernement est confronté à une crise systémique intégrale et est menacé par un mouvement politico-social ascendant (armé et non armé), a ignoré que maintenant plus que jamais le mot paix en Colombie signifie justice ; les accords entre les parties impliquent des changements substantiels, et la question des armes exige un traitement totalement différent du traitement traditionnel.

Ceci est valable pour les FARC-EP et l’ELN ainsi que pour l’ignominieux régime colombien.

Personne ne doit penser que la plus ancienne, la plus expérimentée et la plus héroïque des guérillas de l’histoire universelle moderne est stupide - et j’avoue qu’une erreur de cette taille serait une surprise déconcertante et désagréable pour moi- comme de reproduire les erreurs coûteuses du M-19 suite à la démobilisation et au dépôt des armes, des accords qui ont donné lieu à la vie légale-électorale de l’Union Patriotique, du pacte conclu au Guatemala et y compris ce qui s’est passé sur ce plan- bien qu’avec des conséquences moindres- au Salvador.

Souvenons-nous de Marulanda

Deux chiots dalmatiens à vocation de guérilléros

Je n’oublierai jamais ce que m’a dit le camarade Manuel Marulanda pendant une très longue discussion en tête-à -tête lorsque je me suis rendu en Colombie suite aux dialogues pour la paix de Caguán, m’assurant que jamais les dirigeants des FARC n’allaient accepter de dissoudre à une table de discussions l’armée populaire qu’ils avaient construite au prix d’importants sacrifices pendant plus de quatre décennies, en me faisant bien remarquer qu’il s’agissait d’un patrimoine appartenant au peuple en lutte et à la révolution à venir, que celle-ci devait être une partie prenante et une garantie pour les changements à entreprendre, même dans le cadre d’un accord quelconque vers une étape pour la paix et la transition démocratique.

J’ai confiance en cette nouvelle et talentueuse direction des forces insurgées pour qu’elle reste loyale à cette conception essentielle exposée par leur leader légendaire, qui en plus de défendre adroitement les acquis grâce à l’effort révolutionnaire collectif, maintient son refus catégorique de l’idée d’un désarmement unilatéral et du monopole militaire de la droite et du bloc dominant.

La fin de l’actuel conflit armé en Colombie est le dernier point qui doit être abordé dans l’ordre du jour. Son positionnement implique que son traitement adéquat dépendra des succès obtenus sur les points préalables et que d’aucune manière la fin du conflit armé ne sera inexorablement assujettie à la remise des armes par aucune des deux parties, même si, bien sûr, par définition, on entend par paix la cessation de l’ usage des armes et par conséquent des conflits armés.

Je suis de ceux qui pensent que dans ce cas, une paix avec des garanties durables, sans gros risques de déséquilibres monstrueux et de violations précoces, ne s’obtient pas en dissolvant les armées populaires constituées, mais en recherchant des formes originales de coexistence de celles-ci dans le processus de transition démocratique et de création de nouvelles institutions.

Les FARC et l’ELN sont des organisations politico-militaires ayant une forte présence nationale. Leurs caractères militaire, politique et social conjugués sont la garantie de la poursuite de leur existence et de leur puissance, de la réalisation de l’agenda des changements nationaux et de la défense et la montée des mouvements démocratiques, patriotiques et révolutionnaires civils. Si on les désarmait unilatéralement, on signerait malheureusement leur extermination progressive et la perte de ce qui pourrait être obtenu par les conversations pour la paix. Voici une donnée très importante de l’histoire de la Colombie et de cette phase particulièrement dangereuse conséquente à la décadence et à l’agressivité de l’impérialisme US.

La paix n’a jamais signifié obligatoirement le désarmement d’une des parties, mais en revanche cela signifie justice, liberté, bien-être collectif, arrêt des combats armés et pleine garantie de la réalisation de ce qui a été convenu dans des accords grâce à une grande participation et vigilance populaire. Et la paix colombienne ne saurait être l’exception.

Traduit par Pascale Cognet
Edité par Fausto Giudice ٠اوستو جيوديشي
Source : http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=8458

Source originale : http://isaconde.info/?p=3113
Date de parution de l’article original : 19/10/2012

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Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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