A Notre-Dame des Landes (44), point d’impact d’un projet grandiose et sans vraie utilité, ce sont des délégations de huit pays européens qui ont décidé de travailler ensemble pour dénoncer des dossiers écologiquement très critiquables, inutiles et souvent d’un coût démesuré et non maîtrisé. Cela s’est passé du 7 au 11 juillet. J’ai été bénévole pour aider à préparer cet évènement "modérément" couvert par les médias.
Eurovegas, c’est ceci. Un projet inhumain, digne des pires cauchemars des défenseurs des droits de l’Homme, des défenseurs du Droit du Travail, des défenseurs de la Justice, des défenseurs d’une Europe indépendante et fière de l’être. Et tout cela, pour faire davantage dépenser encore des Européens (et en particulier les Espagnols) affectés durement et durablement par une crise suscitée par les mêmes financiers qui se préparent à blanchir leur argent sale là -dedans. Vous avez un sac papier, pour vomir ? Merci.
L’EPR de Perly, voilà une autre bonne nouvelle. A Olkiluoto, en Finlande, la première réalisation de ce type, AREVA essuie les plâtres avec application, en plus que doublant le coût prévisionnel initial (120%). La machine est-elle au moins en fonctionnement ? Point. Cinq ans de retard, et toujours rien. A Flamanville, le surcoût n’est que de 80 %, le délai supplémentaire de quatre ans. Pour le moment. Mais les optimistes issus de Polytechnique ne veulent rien savoir. En matière de nucléaire civil, les ingénieurs français ne sont-ils pas les meilleurs ? Fermez le ban.
Parlons aussi de ce projet de train à super-grande vitesse entre Londres et Birmingham. Outre qu’il va défigurer des forêts historiques, il occasionnera la destruction de terres arables cruciales pour la subsistance britannique, terres déjà trop rares. De quoi augmenter encore la dépendance de la grande île envers le reste du monde. Et pour gagner quoi ? Prenons un exemple concret.
Il existe une LGV entre Paris et Strasbourg. Elle part, et arrive, au coeur des grandes villes initiale et finale, concurrençant ainsi l’avion, c’est vrai. Pour la pollution, c’est théoriquement un plus. En revanche, j’ai eu l’occasion récemment de devoir descendre à mi-parcours, à une gare nommée Meuse TGV Voie sacrée. Située sur le territoire de la commune d’Issoncourt, mais loin du village lui-même, elle se retrouve en pleine campagne, avec pour seule desserte locale un panel de cinq ou six autocars qui font la navette. Les routes, sur un territoire bien arrosé habituellement par la pluie, sont sinueuses, étroites, dangereuses. Seul "avantage", le véhicule suit pour un temps la légendaire "Voie Sacrée" qui, en 1916, permit à la ville de Verdun de tenir malgré les coups de boutoir du commandement allemand. Au retour, j’ai repris la même ligne TGV, toujours en rase campagne, dans un lieu perdu entre Nancy et Metz. Seule différence, les voies de communication routière étaient meilleures. On notera que le trajet entre les principales villes du coin et la gare elle-même annule largement le gain de vitesse supposé gagné par une ligne spécialisée. Le piège est aussi là : pour gagner du temps, il faut construire des lignes nouvelles, empiéter encore plus sur la terre arable. Même si la ligne nouvelle permet de consacrer davantage l’ancienne au fret, le surcoût écologique et financier en vaut-il la peine ?
Un autre projet "intéressant" vise la liaison dite "grande vitesse" entre Lyon et Turin, à travers les Alpes. A la lumière de ce qui précède, et compte tenu du passage forcé à travers les montagnes avec ce qu’il implique nécessairement en terme de destruction de l’environnement, en vaut-il la chandelle ? La question est posée au plus haut niveau.
A propos de terre arable, comme souvent la facture est sévère quand veulent s’implanter de nouvelles structures au détriment de l’existant. Les "grosses têtes" ont-elles vu des vaches hors du Salon de l’agriculture, si elles ont daigné y mettre les pieds ? Ainsi, c’est sur plusieurs milliers de Km² que doit s’étendre le campus de Saclay, une version bien jacobine des Think Tanks étatsuniens que sont Stanford ou le MIT. Juste de quoi couper encore un peu plus du monde les chercheurs auparavant dispersés, mais obligés de se confronter à un Vivant qui dérange les technocrates.
Il s’agit là de quelques exemples de ces Grands Projets Inutiles Imposés dont les simples penseurs aux préoccupations près de leurs concitoyens ont discuté à Notre-Dame des Landes (44) pour mieux en démontrer l’inutilité et la dangerosité.
J’aurais pu aussi signaler ce projet de gare souterraine, auquel tient tant la chancelière allemande : le fameux Stuttgart 21 , aux implications écologiques catastrophiques, aux dimensions pharaoniques, dont l’aberration grandiloquente choque tous les Allemands, et a largement contribué à changer la majorité au Bade-Würtemberg. Toujours plus vite, toujours plus fort.
Il a pour ressemblance avec Notre-Dame des Landes d’être "le bébé" d’un des plus hauts personnages de l’État désormais, et de permettre de dégager en pleine ville des hectares pour la construction de nouveaux immeubles. Je n’avais pas soulevé le cas de l’aéroport, mais peut-être certains ne connaissent-ils peut-être pas tout de cette décision bien inutile. C’est un dossier qui traîne depuis 50 ans environ. Au départ, encore plus mégalo, il s’agissait de construire un nouvel aéroport d’une taille gigantesque, l’aérien au temps de Pompidou ayant le vent en poupe avec la voiture et les autoroutes. Ce "machin" aurait permis de dégorger les aéroports parisiens pour le fret comme pour les voyageurs. Le projet est maintenant nettement plus modeste, tout en restant inutile puisque le terrain actuel est loin de sa capacité maximale, et ne l’atteindra probablement jamais, tout en étant bien plus facilement accessible depuis la ville de Nantes. Cela n’empêche pas la continuation des pressions parfois violentes subies par les opposants au projet, même actuellement.
J’aurais pu aussi signaler le centre d’enfouissement "ad vitam æternam" de Bure en Lorraine sensé pouvoir contenir les radiations de toutes nos centrales nucléaires pour des millions d’années.
On pourrait aussi ajouter les projets de forages à la recherche de gaz de schiste, projets à la fois dangereux par leurs risques sismiques, très polluants et de peu d’intérêt : ceux prévus dans la vallée du Rhône paraissent suspendus, mais il y en a ailleurs. Les compagnies pétrolières se soucient comme d’une guigne des conséquences à plus ou moins long terme. Seul le profit immédiat les préoccupe.
Ah ! j’oubliais un gag. Au départ, le projet ND des Landes comptait rendre ce point la "gare de départ" obligée des Concorde, en raison de sa proximité avec la mer : le temps d’arriver à l’altitude ad hoc (22000 mètres je crois), l’avion était largement au-dessus de l’océan.
Il y a longtemps que le Concorde a replié sa voilure. D’autant que, longtemps, il n’eut pas le droit de survoler le territoire US en raison des Bang. Et les quelques liaisons autorisées plus tard se sont bornées à l’atterrissage à New York. L’avion était donc condamné à une carrière réduite.
Autre gag : l’Aéroport du Grand Ouest, aux prétentions déjà plus réduites que dans la mouture initiale, ne permet pas l’atterrissage des A380. Souriez, vous êtes photographié !
Tous ces projets sont surtout l’occasion pour des élus nationaux de se faire mousser, et d’imprimer leur marque en faisant fi des contestations, propositions divergentes et remarques pertinentes. Quant à l’argent, curieusement pour ces choses-là il se révèle abondant, comptant sur les générations suivantes pour acquitter la note, salée on peut s’en douter.
babelouest
La première mouture de ce billet a été publiée sur Ruminances le 11 juillet...