RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Demain, je n’irais pas travailler…

A quatorze ans on m’avait orienté, toi t’es plus doué en math qu’en français, alors sans hésitation on m’avait mis en technique, pourquoi pas m’étais-je dit ? Du moins je ne sais même pas si je m’étais réellement posé la question ! La mise en condition ayant déjà fait son effet il me paraissait évident que c’était dans cette direction que s’ouvrait pour moi un avenir professionnel. J’eus été un peu plus intéressé pas les langues, il est probable que l’on m’aurait conseillé fortement l’enseignement ou une carrière dans cet environnement. Connaissait-on réellement mes aptitudes profondes, ça moins que sûr, peu importe, l’obsession était : tu auras un métier, mon fils !

Pris dans les mailles du filet j’étais -pour ne pas être celui qui aurait fait de sa vie un fil ininterrompu de recherches de sensations nouvelles en faisant fi du slogan conscient ou inconscient : « Travail, famille, patrie »- celui qui ne diverge pas et qui établit son plan de carrière comme l’impondérable d’une progression sociale reconnue et admirée. Celui dont on dira : « T’as vu l’exemple… une belle bagnole, une belle baraque, une belle femme, une belle maîtresse, et de beaux enfants ! », tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le tableau peut paraître idyllique, d’autant que de surcroit ce genre de citoyen ne fait pas de vague dans une société que l’on veut uniformiser…

Pourquoi s’en ferait-il d’ailleurs ? Cette société lui a tout donné, allant du réfrigérateur à l’écran plat dont ses enfants se servent sans discernement pour s’abreuver de jeux vidéo guerriers et mortifères, allant de sa bagnole, qui est la représentation individualiste du monde dans lequel on l’a plongé pour éviter qu’il s’aperçoive qu’il en est l’esclave, allant à la super baraque appartenant à la banque machin, le bonheur quoi !

Que demander de plus ! Pourtant, on prend une maitresse parce que l’on s’ennuie un peu et que ça fait bien sur la carte de visite, ce n’est pas que la vie paraisse réellement monotone mais toutefois un tantinet routinière ; et puis il faut bien se déstresser ; le travail est tellement pénible avec des demandes de rendements des plus exigeantes, avec aussi un petit chef, caricature d’adjudant de service, qui impose une sorte dictature de tous les jours pour que son service soit le meilleur, concurrence oblige, concept incontournable du système ; mais au fait, quel travail fait-on ?

Eh bé oui, le nez enfoncé dans le clavier on a complètement oublié pourquoi on était là , pour quel plaisir… si on sait, c’est pour payer les traites de fin de mois que l’on fait quelques heures sup. Et oui, la bagnole, elle ne roule pas toute seule, et le crédit révolving, il faut bien l’alimenter sinon on va nous piquer la baraque ! Pas question de perdre une heure, le budget est tellement serré si on veut tout acheter, alors la grève n’en parlons pas. Et au bout de tout ça, le spectre du chômage…

La voilà la réalité du plan de carrière auquel on rêvait à vingt ans, c’est simplement avancer dans la vie pour se créer des besoins, encore plus de besoins, car c’est vrai que la maison n’a pas de encore de piscine que l’on utilisera pourtant que cinq fois et demi dans l’année, mais les voisins en ont une, eux !, c’est aussi vrai que la bagnole a déjà 38 000 kilomètres et que le nouveau modèle que la pub télé passe en continu est bien tentante, et la roue tourne, mais qu’est-ce qu’on s’emmerde, et pourtant on sert les fesses pour conserver son emploi….

Lassitude, stress et finalement dégoût sont les maladies du travail les plus courantes. Pourtant celui-ci est la centralité de la vie. Deux heures de route harassante dans les embouteillages, ou en métro, ou en TER bondé pour aller rejoindre un chefaillon qui va mettre la pression d’entrée parce que l’on a deux minutes cinquante trois de retard. Et à midi, en poussant le plateau au « self » de l’entreprise, on parle des turpitudes du garde chiourme de la rentabilité ou du futur match PSG/ OM -ce qui guère plus réjouissant quand on pense qu’on pourrait se faire casser la gueule dans les tribunes par des excités qui viennent là pour se défouler. Le boulot est tellement la centralité de l’existence que l’on on a même dragué sa maitresse parmi les collègues du bureau d’à côté. Et puis le soir, épuisé, rompu de fatigue, on vire les mômes du canapé d’où ils sont en train d’assassiner un ennemi virtuel pour cliquer sur une « staracon » que l’on absorbe sans discernement ; les enfants sont partis rejoindre la bande de la rue, tu les as vus cinq minutes, le temps de les remplacer devant la télé ; la société moderne en somme ; tout un programme en elle-même puisque l’on va même jusqu’à jouer au tennis avec le copain de bureau quand ce n’est pas en vacance que l’on part avec lui, la continuité du boulot moteur unique de l’existence…

Et quel programme, la déshumanisation de l’individu, l’individualisme à outrance engendré par un système qui veut uniformiser et esclavager les individus autour d’une seule alternative : le travail….

Mais dans quel but ? C’est pourtant simple à comprendre… Cependant, le conditionnement, le formatage, la notion de consentement ont construit une nouvelle race d’individu qui ne peut se démarquer physiquement et moralement du système capitaliste, qui, en prime, le contraint encore plus par la consommation ; consommation à tout crin qui est la finalité du système, permettant par ce principe une croissance qui créera des richesses qui feront « re-consommer » pour créer à nouveau des richesses et ainsi de suite…. jusqu’à ce que l’actionnaire s’en soit mis plein les poches ! C’est le seul gagnant.

Le travailleur a aussi des poches, mais sous les yeux trahissant son épuisement et l’angoisse des emprunts à rembourser, et la planète se désagrège de par la suractivité de celui qui a malgré lui les poches sous les yeux. Suractivité dont en réalité il n’est pas le premier responsable car elle est essentiellement voulue pour augmenter la rentabilité du capital.

Pourtant parfois il entend des voix discordantes qui crient : « Halte-là  ! ». Des voix qui essaient d’expliquer que la terre est un produit fini, que ses ressources sont limitées, et qu’un jour en dépit d’avancées technologiques parfois utiles il faudra consommer moins, du moins consommer pour l’usage, certains superflus étant des mésusages dévastateurs. Et que pour cela, la première évidence serait de sortir du capitalisme pour redonner une part plus locale à l’économie, en somme un partage de proximité dans lequel le travail retrouverait par exemple la notion de monnaie d’échange et non plus la centralité incontournable de l’existence.

Moi, je sais faire ça, toi tu sais faire ça, comme j’ai besoin de ce que tu sais faire alors échangeons. Par conséquence, cela nous conduit à concevoir des banques coopératives et locales, non spéculatives et qui seraient les aides des activités particulières à la spécificité d’un secteur. On peut ainsi énumérer nombre d’autres solutions à la reconstruction d’une société basée sur plus de liens et à l’évidence moins de biens. On pourrait même imaginer que l’usage nous sortirait du mésusage et par la même occasion d’un écart beaucoup, mais beaucoup trop important dans la disparité des revenus ce qui permettrait de mettre en place -avec la répartition des richesses et la disparition des revenus spéculatifs du capital- une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie en concomitance à une prépondérance vers la gratuité de l’usage.

C’est une autre façon de voir notre société qui pour l’instant semble à certains utopique, mais de toute façon, un jour il faudra nécessairement qu’on la conçoive autrement qu’elle n’est actuellement car, autrement, on finira par détruire totalement son naturel et robotiser l’individu…

Alors pourquoi ne commencerait-on pas demain ? Demain, je n’irais donc pas au travail…

Michel MENGNEAU

http://actu.adoc-france.org/.../vers-la-dotation-inconditionnelle-dautonomie/

http://le-ragondin-furieux.blog4ever.com

URL de cet article 10314
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Pierre Lemaitre. Cadres noirs.
Bernard GENSANE
Contrairement à Zola qui s’imposait des efforts cognitifs démentiels dans la préparation de ses romans, Pierre Lemaitre n’est pas un adepte compulsif de la consultation d’internet. Si ses oeuvres nous donnent un rendu de la société aussi saisissant c’est que, chez lui, le vraisemblable est plus puissant que le vrai. Comme aurait dit Flaubert, il ne s’écrit pas, pas plus qu’il n’écrit la société. Mais si on ne voit pas, à proprement parler, la société, on la sent partout. A l’heure ou de nombreux sondages (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Surtout, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de vous n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, n’importe où dans le monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire.

Ernesto "Che" Guevara

Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.