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Déclin du sens : Où va la vieille Europe ?

« L’erreur ne devient pas vérité parce qu’elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit ».
Gandhi

Ce qui se passe depuis quelques mois en Europe préfigure une accélération de l’anomie. Ce lent délitement pluridimensionnel est lié à plusieurs causes à la fois d’autres économiques et financières mis aussi d’ordre éthique. Pendant très longtemps, l’Europe - devenue vieille si l’on croit Donald Rumsfeld - s’est intronisée comme étant la patrie des Lumières des Droits de l’homme et a dicté la norme. Certains historiens situent le début de la fin après la première guerre mondiale, c’est le cas d’Oswald Spengler qui s’est fait connaitre en France grâce aux traductions de Mohand Tazerouti. Par la suite on situa le déclin après la seconde guerre mondiale. Cette Europe qui n’en finit pas mourir est il faut le souligner orpheline des derniers bâtisseurs qui avaient une vision à la fois pour l’Europe et pour les rapports mondiaux. Ce fut l’époque des Charles de Gaulle, des Adenauer. Depuis pratiquement la chute du Mur de Berlin sous la poussée des extrémismes, l’Europe s’est barricadée, s’est tournée vers son prolongement spirituel symbolisé par la Grèce, et tous les pays anciennement soviétiques mais chrétiens. Un pays comme la France qui avait véritablement une politique qui pouvait le cas échéant s’opposer à celle des Etats unis- il n’est que de se souvenir du fameux discours de de Villepin aux Nations Unies, pour s’opposer à l’aventure américaine en Irak- est en train de perdre ses dernières défenses immunitaires qui faisaient par exemple la politique arabe de de Gaulle au profit d’un atlantisme qui n’est pas payé de retour. L’Amérique d’Obama ayant compris que le barycentre du Monde a basculé vers l’Asie. Un exemple ? à Copenhague, Barack Obama a ignoré superbement l’Europe pour ne s’entretenir qu’avec la Chine.

L’injonction progressive des pays du Bric en est un exemple. Les dirigeants des Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine) ont conclu le 15 avril leur sommet à Brasilia, appelant à la réforme du système financier international, "nous appelons à la réforme de la répartition des votes à la BM pour qu’elle soit accomplie aux prochaines réunions de printemps" », Le Fonds monétaire international (FMI) et la BM doivent « résoudre leurs problèmes de déficits de légitimité ». « Comme première conséquence la Banque mondiale a adopté dimanche une réforme aboutissant à un transfert de droits de vote au profits des grands pays émergents. La Chine pèse désormais plus lourd que la France et la Grande-Bretagne. Les pays émergents ont été les grands gagnants de la réforme des droits de vote à laquelle sont parvenus dimanche les États membres de la Banque mondiale. (1)

En fait alors que le Monde bouge rapidement, l’Europe des dirigeants actuels est engluée dans des combats d’arrière garde et de diversion avec des thèmes rappelant le XIXe siècle puisqu’il est question de race de civilisations supérieures. Pour Pascal Sacre, c’est le citoyen européen qui en fait les frais. Ecoutons le : « La polémique sur la burqa et sur l’identité nationale accapare toute l’attention des Français, l’affaire des minarets déchire la Suisse, en Belgique c’est l’obscur dossier BHV (Bruxelles-Hal-Vilvorde) qui s’étend sur la une des journaux et monopolise la petite lucarne, dans le monde, les fermetures d’usine dont certaines font des bénéfices, et les banqueroutes de gouvernements européens, font descendre des braves gens dans les rues, la colère et l’incompréhension rongeant leurs coeurs enflammés. Un maximum d’émotions, un minimum d’explications. Voici la maxime des gouvernements actuels, et surtout des populations du 21è siècle. Pendant ce temps, pendant que nous nous enflammons et nous divisons, des experts, des spécialistes, des professionnels règnent, nous spolient, nous mentent, et nous demandent de les croire sans autre forme de procès. De toute façon, les gens regardent ailleurs, burqa, minarets, BHV, faillites, banqueroutes accaparent toute leur attention. (...) La technique du leurre, du chiffon rouge ne date pas d’hier. La question est : combien de leurres faut-il à l’Homme moderne, civilisé, pour enfin ouvrir les yeux et identifier les vrais dangers, les véritables ennemis ? » (2)

Jose Ignacio est encore plus pessimiste. Il écrit dans le journal espagnol El Pais : « Volcan islandais, crise de l’euro, menace d’éclatement de la Belgique... Autant de phénomènes complexes sur lesquels personne, à commencer par les dirigeants européens, ne semble avoir prise. De l’Islande à la Grèce, les dieux des antipodes européens font trembler tout le continent. Le Walhalla s’est déjà exprimé, il ne manquait plus que l’Olympe. Il y a d’abord eu l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll, qui a cloué au sol des centaines de milliers de passagers, entraînant des pertes colossales pour les compagnies aériennes. Aujourd’hui, c’est la dette grecque - dont le taux d’intérêt dépasse désormais les 8 % - qui menace d’exploser. Certains disent que le prochain pays à tomber sera le Portugal, où le magma de la dette commence à bouillonner, mais, au vu des nouvelles en provenance de Belgique, il n’est pas exclu que, d’ici quelques mois, on voit apparaître dans la plaine européenne les crêtes d’un nouveau pays, la Flandre. (...) Le gouvernement britannique a imposé à l’Islande sa législation antiterroriste [Gordon Brown avait invoqué en octobre 2008 une législation antiterroriste afin de geler les actifs de la Landsbanki, pour contraindre le pays à rembourser ses dettes (...) Quant à la Grèce, l’UE et le FMI l’astreignent à un programme d’ajustement si dur qu’il provoquera une récession encore plus grave. Ce sont les banques et les gouvernements qui ont provoqué la catastrophe, mais ce sont les citoyens islandais et grecs qui vont rembourser la dette ».

Dans le même volet économique pour Erik Izraelewicz enfin la faute est aux autres. « La crise des subprimes est d’origine américaine, voire sino-américaine. L’Europe en est pourtant en réalité la principale victime. Son déclin s’accélère. Il y aurait bien des remèdes pour le stopper, le ralentir au moins. Aucune force politique ne les porte. Le déclin de l’Europe a connu en réalité avec la crise une brutale accélération. La rebuffade de Barack Obama, annulant sans états d’âme un sommet États-Unis-Europe, trouve là sa principale explication. A quoi bon visiter un vivant en sursis ! (...) Pour les deux-trois années à venir, si l’on s’en tient aux prévisions du FMI, la hiérarchie devrait rester inchangée. Une croissance de 1 % en Europe, de 2 % aux États-Unis, de 8 % en Inde et de 10 % en Chine. (...) A plus long terme, Robert Fogel, Prix Nobel d’économie, ne se veut pas plus optimiste pour l’Europe. A ses yeux, le déclin relatif de l’Europe va se poursuivre dans les prochaines années. L’Union européenne (ses 15 premiers adhérents) pèse encore aujourd’hui 21 % de la production mondiale ; elle n’en représentera plus que 5 % en 2040, une division par quatre en une génération ! Si ce n’est pas du déclin... Les causes de ce déclin sont connues. Ce sont les trois « D » : la démographie, la division et les déficits. Aucune des grandes innovations de ces dernières années (la voiture hybride, l’iPhone ou dans un autre genre, « Avatar ») n’est née en Europe. (4)

En fait, il y a une véritable crise des valeurs due à l’enfermement idéologique de l’Europe. Justement à titre d’exemple, Djamel Bouatta nous trace « les dernières » « Sarkozy écrit-il, sort sa grosse batterie, caressant, sans retenue, dans le sens du poil, les sentiments xénophobes et racistes visant les immigrés. Les musulmans en particulier. Guantanamo pour les indésirables, agrément de listes anti-minarets pour les élections régionales, haro sur les produits hallal... la liste islamphobique est loin d’être close. Son débat sur l’identité nationale inventé par lui pour stigmatiser l’Islam, la deuxième religion de France, a échoué. (...) Avec ce projet, s’en est fini de l’hypocrisie "France, terre d’asile et des droits de l’homme" . Guantanamo inventé par Bush junior dont Sarkozy avait été un proche, est un système carcéral où des êtres humains sont détenus pour un temps indéterminé, sans possibilité de se défendre et sans assistance juridique. (...) Même l’alimentation hallal s’est invitée dans la guerre contre l’Islam menée tambour battant en prévision des régionales. Depuis novembre, Quick a rayé le porc de sa carte, dans ses établissements en milieux musulmans. (...). L’islamophobie a donc gagné même la gauche. (5)

L’Italie n’est pas en reste sur ce dossier de la chasse au délit de facies. S’agissant de la politique gouvernementale actuelle par rapport à celle de l’Italie fasciste, il n’y a pas de rupture, mais une continuité : l’Italie de 2010 est dans la lignée de celle de 1930. L’Italie n’aura, aucune gêne à adopter des lois drastiques contre les immigrés avec un catalogue des délits. Ces effroyables mesures s’accompagnent de la légalisation des rondes de citoyens destinées à assurer la sécurité des quartiers, mais surtout à traquer et à dénoncer les clandestins. Il semblerait que 60% des Italiens applaudissent ces nouvelles dispositions qui semblent pourtant parfaitement satisfaire aux caractéristiques du fascisme. » Autre trait marquant de monsieur Berlusconi, son crédo de la supériorité de la civilisation occidentale. On se souvient que le 26 septembre 2001, à Berlin, Silvio Berlusconi a à la fois exalté la « supériorité » du modèle occidental, réclamé que « l’Europe se reconstitue sur la base du Christianisme. On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscient de notre supériorité, de la supériorité de la civilisation occidentale. L’Occident continuera à occidentaliser et à s’imposer aux peuples. »

Où va l’Europe :

Le député socialiste Arnaud Montebourg de passage à Alger pour une visite privée, n’a pas été tendre avec la politique de la France et partant de l’UPM. Dans une conférence à l’IDRI, il a qualifié le 27 avril à Alger l’Union pour la Méditerranée (UPM) de "coquille vide" qu’il est nécessaire de repenser, en travaillant à réactiver les relations bilatérales, notamment entre la France et l’Algérie. "Aujourd’hui, nous avons une coquille vide (...). Toutefois, il faudra veiller à ce que nos relations bilatérales soient bonnes, notamment entre la France et l’Algérie, pour que nous puissions être la colonne vertébrale de cette Alliance entre les deux rives de la Méditerranée" , a affirmé le député Montebourg lors d’une conférence qu’il a animée sur le thème "Quel avenir pour l’UPM" . Le parlementaire français a relevé que "le couple franco-allemand a été fait de façon à ce qu’il soit le moteur de la construction européenne" , exprimant son espoir de voir "le couple franco-algérien être le moteur de la coopération des rives nord et sud de la Méditerranée" . Pour atteindre ce dessein, a-t-il ajouté, il faut une "volonté politique commune et engagée" , conditionnée par la "levée des problèmes issus ou résultant du passé afin d’aboutir à des relations bilatérales très fortes" . Il a estimé, d’autre part, que la résolution de certains conflits entre pays membres de l’UPM, tel le conflit israélo-palestinien, pourra contribuer à sortir l’UPM de "l’impasse" dans laquelle elle se trouve. Pour lui "l’échec de l’UPM est dû également à l’accroissement du nombre de ses membres alors qu’au départ il ne concernait que les pays du pourtour méditerranéen" . M. Montebourg a, en outre, déploré, le programme français d’" immigration choisie" , appelant à la mise en oeuvre d’accords entre les pays des deux rives de la Méditerranée mettant en avant le droit à une vie familiale normale, la possibilité d’étudier et de se former professionnellement.

Avec sa lucidité coutumière Hubert Védrine nous donne sa vision de l’Europe. Pierre Haski rapporte ses propos. « L’occasion était donnée par un débat à l’Académie diplomatique internationale -dirigée par Jean-Claude Cousseran autour d’un recueil de textes d’Hubert Védrine entre 2003 et 2009, « Le Temps des chimères » (Fayard). Hubert Védrine parle de chimères Les « chimères » ? De belles idées véhiculées par l’Occident au temps de sa splendeur, comme son « assurance universaliste », le « monopole du leadership occidental », une « vision simpliste du prosélytisme démocratique », le « droit-de-l’hommisme » ou le « manichéisme ». Sans oublier le « devoir d’ingérence » cher à Bernard Kouchner, qu’il rapproche du « logiciel caché profond » de l’Occident : « l’évangélisation ». Autant de vaches sacrées occidentales que pourfend l’ancien chef de la diplomatie ». (6)

« (...) Il faut écouter Védrine quand il décrète que ces idées dominantes en Occident ont « échoué » ou ont été « brutalement remises en cause ». Et qu’il faut se préparer à un choc plutôt rude dans la partie qui s’engage pour la définition du nouveau monde, comme le laisse présager l’assurance retrouvée de la Chine. Védrine prévient dans la préface de son livre : « Où en sommes nous en 2009-2010 ? Dans le temps long, non pas à l’avènement d’un "monde multipolaire" plus juste, plus harmonieux et forcément stable, mais au début d’une longue redistribution des cartes qui prendra la forme d’une bagarre ou, en tout cas, d’une compétition multipolaire. » (...) Il va même plus loin en décrétant que l’Europe est « dans une phase d’aboulie », ce syndrome psychiatrique caractérisé par « une incapacité à exécuter les actes pourtant planifiés et une grande difficulté à prendre des décisions ». Hubert Védrine prédit que l’Europe « mourra d’obésité ou de liquéfaction » si elle ne règle pas ses incertitudes. Il s’en prend à ceux qui pensent vivre dans « une grande Suisse ». Et il en a autant pour la France, dont il dénonce la « marginalisation intellectuelle ». Il s’en prend à « tant d’excès, d’outrances, de panique, de généralisations » dans les débats sur la citoyenneté et l’intégration, ajoutant : « Quelques burqas et la République serait en danger ? Pourquoi un tel manque de confiance en soi ? » (...) »

Cette crise qui fait que l’Europe s’accroche à des rêves du passé a déjà été dénoncée Donald Rumsfeld, parlait lui aussi de la "vieille Europe" qui a son corps défendant n’a pas voulu cautionner l’aventure bushienne en Irak. Ce fut son denier éclair de lucidité. Pour l’ambassadeur singapourien Maybubani, auteur d’un remarquable ouvrage sur le « nouveau monde » il est temps de regarder la réalité en face. Il reproche à l’Europe sa myopie, son autosatisfaction et son égocentrisme. Il relève en particulier que l’Europe a failli à s’engager vraiment en faveur de ses voisins : « Ni les Balkans ni l’Afrique du Nord n’ont bénéficié de leur proximité avec l’Union européenne ».

Cependant, au XXIe siècle, le déclin de l’Occident en termes d’abandon de ses valeurs qui en définitive ne sont pas valable en dehors du sanctuaire européen, a été accéléré en particulier par les États-Unis sous le gouvernement de George W.Bush. Enfin dans son essai : » Une brève histoire de l’avenir. » paru en 2006, Attali avait mis en garde « ... ce n’est pas l’Afrique de demain qui ressemblera un jour à l’Occident d’aujourd’hui, mais l’Occident tout entier qui pourrait demain faire songer à l’Afrique d’aujourd’hui ». Le chaos grec, l’imminence d’une mise en examen financier du Portugal de l’Espagne, et peut être de l’Italie montre à l’évidence que l’Europe de la finance a vécu

Chems Eddine CHITOUR

1. Chine, Inde et Brésil montent en puissance L’Expansion.com - 26/04/2010

2. Pascal Sacre : .GIEC, OMS, Goldman Sachs : les Menteurs sont dans la place, et les gens regardent ailleurs http://www.legrandsoir.info/GIEC-OM... 26 avril 2010

3. José Ignacio Tant qu’à sombrer, sombrons en beauté Torreblanca El Paà­s. 26.04.2010

4. Erik Izraelewicz : le déclin de l’Europe La Tribune - 06/02/2010

5. Djamel Bouatta http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=130886 22/02/2010

6. Pierre : « Quelques burqas et la République serait en danger ? » Rue89 26/04/2010

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La République contre son École
Muriel FITOUSSI, Eddy KHALDI
Certains, après la sortie de « Main basse sur l’école publique », (1) n’ont pas voulu croire, au moins dans un premier temps, dans la radicalité des postulats et parti-pris idéologiques qui avaient présidé, comme nous le dénoncions alors, aux mesures initiées par Xavier Darcos. Puis la « fusée des réformes » a décollé, et les yeux de nombreux citoyens, au-delà même de la communauté éducative, ont été décillés. Les atteintes graves au service public d’éducation se sont succédées à un rythme (…)
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James Baker
Ministre des Affaires Etrangères des Etats-Unis, 1996

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