Kim Sohee, seule contre le système
Le premier que j’ai vu, About Kim Sohee s’inspire d’un fait divers survenu dans le petit village de Jeonju fin 2016 qui a eu des répercussions sur les lois du travail en Corée du Sud.
Kim Sohee est une lycéenne pleine de vie, au caractère bien trempé. Obligée de faire un stage de fin d’étude, (en clair du travail gratuit), dans un centre d’appel de Korea Telecom, elle découvre rapidement qu’il s’agit moins d’informer et d’aider les clients que de les manipuler pour les empêcher de résilier leur abonnement.
Kim Sohee se bat courageusement contre les exigences abusives de la direction, mais cela ne fait qu’augmenter la pression conjuguée de l’entreprise, de l’école et de sa famille. Ne voyant pas d’issue à son calvaire, elle se suicide quelques semaines après son chef. Là s’achève la première partie du film. Le film redémarre avec l’enquête de l’inspectrice Yoo-jin qui prend conscience, en même temps que les spectateurs, que Kim Sohee a été la victime d’un immense système d’exploitation dont toutes les parties sont à la fois complices et victimes, de l’école à la police, en passant par les organismes de contrôle et ses propres parents. Kim Sohee est morte parce qu’elle était en bout de chaîne.
Avant d’aller plus loin, il convient de se pencher sur le terme système que j’ai utilisé dans le titre et qui apparaît dans pratiquement toutes les critiques que j’ai lues sur le film : Libération parle d’un « système de harcèlement entrepreneurial dont l’éducation nationale se rend directement complice » et pour Allociné, le film « met au jour tout un système vicié ». Il y a quelques années, lorsque je parlais du système, je me faisais réprimander par mes amis de la gauche propre sur elle. On comprend pourquoi lorsque, cherchant Système sur Wikipedia, on est renvoyé à Antisystème, « un adjectif qualifiant des personnes, des groupes ou des partis politiques portant un discours critiquant les institutions politiques dominantes ». Ce n’est déjà pas bien de critiquer « les institutions politiques dominantes » mais quand, en plus, l’expression est attribuée à l’extrême-droite, alors elle est impure à tout jamais, alors même que tout le monde l’emploie désormais, même Jean-Luc Mélenchon, et qu’elle décrit parfaitement la réalité. Nous sommes en effet confrontés à un système dont toutes les parties, toutes les institutions politiques dominantes, au lieu de jouer, comme elles le devraient, le rôle de contrepouvoir les unes par rapport aux autres, s’emboîtent aussi étroitement que des briques pour former un mur infranchissable à tout ce qui n’est pas la Caste.
C’est contre le mur de ce système que se fracassent tous ceux qui luttent pour une vie de travail décente, c’est contre ce mur que s’est fracassée Kim Sohee, que se sont fracassés tous les ouvriers de l’usine Citroën du film L’Établi, que se sont fracassés les neuf inculpés de la fausse affaire de Tarnac dont nous parle le documentaire La Relaxe, et que se fracassent les Français qui refusent de se laisser voler deux ans de plus de leur vie par un système oligarchique taillé sur mesure pour extraire le maximum de valeur ajoutée de chaque individu jusqu’à ce que mort s’ensuive.
À mesure que progressait le film About Kim Sohee l’accablement me gagnait, comme il gagnait la jeune étudiante, et, quand elle s’est suicidée, je n’ai même pas trouvé la force de m’indigner. Le faible espoir que justice soit rendue soulevé par le début de l’enquête, s’est éteint lentement à mesure que l’inspectrice rencontrait tous ceux, particuliers et institutions, qui auraient dû la protéger mais qui l’ont laissé mourir, parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement. Personne ne sera puni, puisque personne n’est responsable. La responsabilité se perd dans les sables mouvants d’un système inhumain, qui fait de chacun la victime de sa hiérarchie et le bourreau de ses subalternes.
L’Établi - Sans unité, c’est l’échec assuré
Le film L’Établi nous fait (re)vivre un débrayage qui a eu lieu en février 1969 dans l’usine Citroën de Choisy qui fabrique des 2 CV. L’Établi, c’est le héros, Robert Linhart, un normalien militant de gauche, qui se fait embaucher pour partager la souffrance des ouvriers et préparer la révolution. La plus célèbre de ces Établis est certainement Simone Weil, la philosophe, qui, alors professeure agrégée, entre à l’usine à l’âge de 25 ans. Robert a beaucoup de mal à s’adapter au bruit infernal, aux odeurs suffocantes, à la chaîne, aux cadences. « Après le choc du début, l’engourdissement, la survie », confie-t-il à sa femme. Il a les mains en sang. Ses camarades l’appellent la momie à cause de ses bandages.
L’occasion d’engager la lutte se présente quand Citroën a l’idée diabolique de récupérer une partie des hausses de salaire que l’entreprise a dû consentir lors des Accords de Grenelle qui ont couronné les émeutes de mai 68, en exigeant des ouvriers 3 heures de travail supplémentaire gratuit par semaine.
Le mouvement s’organise avec difficulté sous l’égide de Robert. Nombre d’Africains, Berbères, Yougoslaves, Italiens ne comprennent pas le français. Il faut tout traduire. Les discussions sont houleuses. Jusqu’à la dernière minute, nul ne sait si le débrayage aura lieu. Finalement la majorité des ouvriers déposent leurs outils et le désordre s’installe dans l’usine. Le patron ordonne d’arrêter la chaîne. Les ouvriers ont gagné. Ils explosent de joie et de fierté.
Le second jour, le patron fait fermer l’usine à l’heure de la sortie et, même s’ils refusent de travailler, les ouvriers ne peuvent pas partir avant la fin des 45 mn supplémentaires. Le troisième jour, les choses s’enveniment. Les contremaîtres, des anciens de la coloniale, se déchaînent sur les ouvriers, les immigrés sont chassés de leur foyer, il y a des fuites, des querelles. Le quatrième jour, le patron propose un vote. Robert et ses amis grévistes se méfient, mais ils ne peuvent pas s’opposer à un vote « démocratique ». À moment donné, Christian, un jeune que Robert avait pris sous son aile, craque et met le feu aux bulletins. C’est fini ! Les grévistes sont discrédités. Tout rentre dans l’ordre capitaliste et les esclaves reprennent le travail dans la résignation et le silence. Robert apprendra un peu plus tard que le vote et le feu ont été organisés par le patron avec la complicité de son protégé. Une révélation qui achève de l’achever.
On sait par son livre et celui de sa fille Virginie Linhart, Le jour où mon père s’est tu, que Robert Linhart ne s’est jamais remis de son séjour à l’usine Citroën.
Les ouvriers, quant à eux, ont eu leur moment de gloire, ils se sont émancipé et ont retrouvé leur dignité un bref instant, mais ils l’ont payé très cher. Certains ont perdu leur emploi, d’autres, comme Boubaka et Robert ont perdu la raison et/ou la santé, et le sort de tous s’est encore dégradé. Un triste bilan qui ne hantera pas seulement Robert.
La situation des travailleurs ne s’est pas améliorée depuis cette époque, comme le souligne un article de Frustration du 13 mai 2023, “ Comment la France est devenue championne de la souffrance au travail ” :
« Le 28 avril dernier, le journal L’Humanité sortait les statistiques d’Eurostat (l’INSEE de l’Union Européenne) sur la mortalité au travail : la France est largement en tête, avec une mortalité deux fois supérieure à la moyenne européenne. L’info n’a été que très peu reprise. La mort au travail et plus largement la souffrance au travail sont un véritable tabou médiatique : les accidents mortels surviennent en moyenne deux fois par jour. En moyenne, chaque jour, 90 personnes subissent un accident grave qui leur laisse des séquelles à vie. Qui se demande comment nous en sommes arrivés là ? Quasiment personne. Et pour cause, se demander pourquoi on meurt et on souffre autant au travail en France, c’est mettre en accusation les trois derniers gouvernements, sarkozyste, socialiste et macroniste, qui ont détricoté le droit à la santé au travail. C’est mettre en évidence la responsabilité du patronat dans ce triste record. Bref, c’est mettre en lumière le fait que la lutte des classes ne se joue pas seulement dans les manifestations de rue et leur répression, mais bien aussi dans la façon dont nos corps sont traités au travail, par la bourgeoisie et ses représentants ».
Le traitement des corps des travailleurs en système capitaliste a été mis au point dans les camps d’esclaves. Matthew Desmond démontre dans un article du New York Times Magazine intitulé “ Pour comprendre le capitalisme, il faut commencer par les plantations ”, que :
« les techniques de gestion utilisées par les entreprises du XIXe siècle ont été mises en place au cours du siècle précédent par les propriétaires de plantations (...)
« Les planteurs avaient « développé des hiérarchies complexes pour le travail combinant un bureau central, composé de propriétaires et d’avocats responsables de la répartition du capital et de la stratégie à long terme, et de plus petites unités responsables de différentes opérations, un degré de complexité égalé uniquement par de grandes structures gouvernementales comme la Royal Navy britannique (...) Ils ont également mis au point des méthodes pour calculer la dépréciation du capital, une innovation révolutionnaire en matière de méthode de gestion, en évaluant la valeur marchande des esclaves tout au long de leur vie. Leur valeur culminait généralement entre 20 et 40 ans, mais elle était ajustée individuellement à la hausse ou à la baisse en fonction du sexe, de la force et du tempérament : les personnes étaient réduites à de simples données (...)
« Ce niveau d’analyse a également permis aux planteurs d’anticiper la rébellion. Les outils étaient comptés régulièrement pour s’assurer qu’une grande quantité de haches ou d’autres armes potentielles ne disparaisse pas soudainement. "Ne laissez jamais un esclave verrouiller ou déverrouiller une porte", conseillait un esclavagiste de Virginie en 1847. De cette façon, les nouvelles techniques comptables mises au point pour maximiser les rendements ont également contribué à garantir que la violence ne vienne que d’une seule direction, permettant à une minorité de Blancs de contrôler un groupe beaucoup plus important d’esclaves noirs (...)
« Les surveillants enregistraient le rendement de chaque esclave. Les données étaient recueillies non seulement après la tombée de la nuit, lorsque les paniers de coton étaient pesés, mais tout au long de la journée de travail. Selon les mots d’un planteur de Caroline du Nord, les esclaves devaient être "suivis du lever du jour à la tombée de la nuit". Le fait d’avoir les esclaves alignés sur des rangées parfois plus longues que cinq terrains de football, permettait aux surveillants de repérer ceux qui traînaient (...)
« La quête intransigeante de quantification et la mise en place d’une comptabilité scientifique dans les plantations d’esclaves est antérieure à l’industrialisation. Les usines du Nord ne commenceront à adopter ces techniques que des décennies après l’émancipation. Les grands camps d’esclaves sont devenus de plus en plus efficaces et les esclaves noirs ont été les premiers travailleurs modernes de l’Amérique, leur productivité augmentant à un rythme stupéfiant. Au cours des 60 années qui ont précédé la guerre civile (guerre de Sécession, ndt)) la quantité quotidienne de coton récoltée par esclave a augmenté de 2,3 % par an. Cela signifie qu’en 1862, l’esclave moyen ne récoltait pas 25 ou 50 % de coton de plus que son homologue de 1801, mais 400 % de plus.
« Aujourd’hui, la technologie moderne facilite la surveillance permanente des lieux de travail, en particulier dans le secteur des services. Les entreprises ont mis au point des logiciels qui enregistrent les touches sur le clavier et les clics de souris des employés, et font des captures d’écran aléatoires plusieurs fois par jour. Les travailleurs d’aujourd’hui sont soumis à une grande variété de tactiques de surveillance, allant des tests de dépistage de drogues et de la vidéosurveillance en circuit fermé aux applications de suivi et même aux radars qui détectent la chaleur et le mouvement. Un sondage mené en 2006 a révélé que plus d’un tiers des entreprises comptant 1 000 employés ou plus avaient du personnel qui lisaient les courriels envoyés par les employés. La technologie qui accompagne cette surveillance des lieux de travail lui donne une allure futuriste. Mais il n’y a que la technologie qui est moderne. Derrière cette technologie, il y a la même volonté que celle des esclavagistes des plantations : contrôler totalement le corps de ses esclaves ».
La Relaxe - Unis pour vaincre le système
Le troisième film est un documentaire. Il se concentre sur Manon Glibert, une des « inculpés » de la « fausse affaire Tarnac » comme dit Le Monde, après avoir probablement, comme tous les medias, traîné les inculpés dans la boue au moment de leur arrestation. Toute trace de ces éventuelles calomnies ont fort opportunément disparu de ses archives, l’article le plus ancien date du 13 décembre 2008, plus d’un mois après les arrestations.
On suit Manon à son travail au magasin général qu’elle et quelques autres ont ouvert à Tarnac et à leur ferme. On la voit chez elle avec sa fille et avec le groupe qui l’aide à préparer sa défense pour le procès du 12 avril 2018, qui, après 10 ans de persécutions judiciaires, doit décider de son sort : prison ou relaxe. Une femme simple et chaleureuse qui mène une vie simple et tournée vers les autres.
Le film ne fait qu’allusion aux circonstances qui ont présidé à son arrestation et celle de huit autres jeunes gens, le 11 novembre 2008, par la police antiterroriste, dans le cadre de l’enquête sur le sabotage de lignes de TGV, à sa garde à vue et à sa mise en examen sous l’accusation d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme. Le documentaire préfère s’attarder sur l’innocence de la victime plutôt que sur la corruption du système, en l’occurrence la collusion entre les renseignements (DCRI) et la justice au service des ambitions présidentielles de la ministre de la Défense de l’époque, Michèle Alliot-Marie. Me Marie Dosé, l’avocate de Yildune Lévy dénonce son arrivisme, son cynisme et sa lâcheté dans sa dernière plaidoirie : « Elle s’est servie d’eux [les prévenus]. Tarnac, ce n’est pas un dossier qu’on politise, c’est une politique qu’on judiciarise. Et aujourd’hui, citée comme témoin, elle écrit au tribunal pour justifier son absence : “En tant que ministre de l’intérieur, je n’ai eu qu’une connaissance sommaire du dossier.” Quel toupet ! Mais quel toupet ! »
La guerre contre le terrorisme déclenchée par Bush Jr dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, en faisant 900 000 victimes au Moyen-Orient (Le Devoir), a amené le terrorisme en Occident. Mais pas assez semble-t-il pour que les populations occidentales prennent vraiment la menace au sérieux, du point de vue des services de renseignement chez qui circule cette bonne blague : « Le terrorisme, il y a plus de gens qui en vivent que de gens qui en meurent », comme le raconte par David Dufresne dans son livre sur l’affaire, Tarnac magasin général.
Qu’à cela ne tienne en va en fabriquer, des terroristes, ainsi on terrorisera les populations et on démontrera l’efficacité de l’État ! Le FBI nous ayant montré la voie (Djihad : FBI, l’usine à fabriquer de « vrais-faux » terroristes), sans parler de Guantanamo, pourquoi se priver ?
Il faut reconnaître que, comme dit Le Monde : « Le scénario était bien ficelé : interpellation musclée, à l’aube, par des forces spéciales en cagoules et gilets noirs, façon ninjas, perquisition sous l’objectif des caméras, communiqué triomphal et conférence de presse de la ministre en personne. Relance, trois jours plus tard, par le procureur de Paris, qui parle de "lutte armée" et de "structure à vocation terroriste" – en admettant toutefois qu’on ne dispose pas "d’éléments solidifiés pour l’instant". Bref, un remake des Brigades rouges, version France profonde.
Pourtant il n’a pas pris. Pourquoi ? Le lancement, le 11 novembre, a sans doute été trop précipité : une conférence de presse convoquée deux heures à peine après la tombée du communiqué, alors que les perquisitions sont encore en cours, éveille forcément le soupçon de mise en scène. Le casting laissait à désirer : quoi que l’enquête révèle ultérieurement, le profil des "neuf", ne correspond guère à celui de "terroristes", ni même de clandestins – certains habitent chez leurs parents ! La mobilisation du village de Tarnac en leur faveur a aggravé le malaise. » Sans compter, entre mille anomalies du dossier, que Yildune Lévy et Julien Coupat se trouvaient à Paris à l’heure où les policiers disent les avoir vus en Seine-et-Marne, comme l’indique un retrait bancaire à 2 h 44 à Pigalle, et que les sabotages ont été revendiqués par des antinucléaires allemands, qui avaient déjà utilisé cette technique par le passé.
L’affaire était clairement montée de toutes pièces mais, hélas pour ses victimes, quand le système se met en mouvement, rien ne peut l’arrêter. Manon a passé 14 jours en prison, Yildune Lévy, deux mois et Julien Coupat, six mois. Tous ont été assignés à résidence pendant un an avec interdiction de communiquer. Il a fallu 10 ans de luttes pour que le système lâche l’affaire. Enfin, le 12 avril 2018, au terme de trois semaines d’audience, Corinne Goetzmann, présidente de la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris a reconnu que le « “groupe de Tarnac” était une fiction » et relaxé les accusés.
Les inculpés de l’affaire Tarnac ont fini par retrouver leur liberté, mais quantités d’autres innocents sont toujours en prison ou persécutés par la police. L’état d’urgence, proclamé par François Hollande après les attentats de Paris du 13 novembre 2015, a permis de perpétrer « des milliers de petits Tarnac (on casse la porte d’abord, on réfléchit après... ou pas du tout) », selon un journaliste du Monde. Et les iniques lois antiterroristes de juillet 2016 ont entériné l’état d’urgence permanent, avec notamment l’article 421-1 du Code pénal qui stipule que « constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur », ce qui permet d’arrêter à peu près n’importe qui. Comme le dit Laurent Borredon, « il suffit de dire qu’ils ont participé à des réunions préparant des manifestations violentes, qu’ils avaient de la littérature insurrectionnelle sur leurs étagères et qu’ils étaient à tel ou tel contre-sommet du G20 et de l’OTAN, et le tour est joué ».
Le système antiterroriste français répond à une logique de répression. Il accuse parce qu’il faut mater, intimider, terroriser, puis, sûr de son impunité, il ment pour justifier ses accusations, comme l’explique Julie Alix : « L’analyse de la criminalité terroriste met en lumière qu’en la matière, seule préside à la décision d’incrimination l’existence d’un besoin répressif. Le constat est donc celui d’une totale instrumentalisation de l’incrimination pénale au service de la politique criminelle antiterroriste. »
Comment alors, les 10 inculpés de l’affaire de Tarnac ont-ils réussi à échapper au rouleau compresseur du terrorisme d’État ? D’abord ils sont restés unis, la police et la justice n’ont pas réussi à les monter les uns contre les autres ; ensuite c’était des militants dotés d’une grand conscience politique, d’une belle faculté d’expression et d’une grande intelligence tactique. Ils ont toujours refusé de rentrer dans le jeu du système, même quand cela pouvait les desservir, par exemple, ils ont toujours refusé de proclamer leur innocence jugeant que l’affaire n’était qu’une suite de mensonges de faux d’agents assermentés, de manipulations de l’instruction et d’intrigues politiciennes et qu’elle n’avait rien à voir avec eux. Et ils ont réussi à « s’arroger le droit à une égalité de parole au tribunal, du jamais vu ! » pour contester pied à pied « le récit de MLP (Madame le président) qui a été écrit en écartant systématiquement tous les éléments qui viendraient le contredire », selon Lundi matin.
Conclusion
En mai 2015, Julien Coupat, désigné par les enquêteurs comme le « chef du groupe de Tarnac » a conclu une interview avec Aude Lancelin par ces mots :
« Nous vivons dans un monde qui va dans le mur à tombeau ouvert, et qui le sait. Les faits l’attestent tout autant que la production hollywoodienne. Ceux qui tiennent les rênes de la machine préfèrent qu’il en soit ainsi plutôt que de renoncer à la moindre miette de leur pouvoir. Ils s’attachent simplement à distiller dans la population le sommeil nécessaire, quitte à le peupler de cauchemars terroristes.
« Nos infinies réserves de lâcheté veulent toujours croire que nous pourrions abandonner à quelque force autre que nous, à quelque leader le soin de nous sauver. Mais il n’y a plus rien. Nous allons devoir faire nos affaires nous-mêmes. Le vent se lève. Il faut tenter de vivre. »
Finalement ce qui fait la richesse du documentaire La Relaxe, c’est que simplement, tranquillement, joyeusement, il nous montre qu’il est possible de vivre, en marge du système, une vie pleine, féconde et fraternelle. Il nous montre que rien, pas même l’État dans toute sa puissance maléfique, ne peut détourner de leur chemin de vie ceux qui savent ce qu’ils veulent. Les neuf de Tarnac ont réussi là où Kim Sohee, Robert Linhart et tant d’autres ont échoué, parce qu’ils ont pris la tangente, ils ont refusé de jouer le jeu, de se laisser embrigader. Le système les a rattrapés parce qu’il ne supporte pas qu’on lui échappe, voyez l’acharnement contre les non vaccinés pendant la démence covidiste, mais ils l’ont vaincu.
Malgré leur échec, le sacrifice de Kim Sohee et de Robert Linhart n’a pas été vain, car c’est en s’appuyant sur l’expérience de leurs prédécesseurs, en montant en quelque sorte sur leurs épaules, que les neuf de Tarnac ont pu voir plus loin, plus grand, autrement...