Retour sur l’histoire compliquée d’une péninsule très convoitée :
La Crimée a fait partie du monde grec avant de passer sous influence romaine, puis byzantine. Tous les occupants se succèdent : Goths, Huns, Bulgares, Khazars, Russes, Tatars, Mongols, Vénitiens... En 1475, le Khanat se place sous la protection l’empire Ottoman. Conquise et annexée en 1783 par la Russie de Catherine II, la Crimée sera, de 1853 à 1856, le théâtre d’une guerre meurtrière de trois ans, -la guerre de Crimée-, entre la Russie et une coalition comprenant l’Empire ottoman, le Royaume-uni, la France de Napoléon III et le Royaume de Sardaigne. La défaite de la Russie n’empêche pas la Crimée de rester sous le contrôle de Moscou.
Bastion anti-bolchévique
Brièvement indépendante en 1917 après la révolution d’Octobre qui met fin à l’Empire russe, la Crimée plonge rapidement dans la guerre civile russe. La péninsule devient un bastion de l’Armée blanche anti-bolchévique, commandée par le général Piotr Nikolaïevitch Wrangel qui crée en 1920 une république provisoire pour attirer les populations déçues du régime bolchévique. La fin de la guerre avec la Pologne en octobre 1920 voit affluer les troupes de l’Armée rouge qui entre en force le 7 novembre 1920. La Crimée devient en 1921 la République socialiste soviétique autonome de Crimée, au sein de l’Union soviétique.
Occupée par la Wehrmacht pendant l’été 1941, la Crimée est reprise par l’Armée Rouge en mai 1944. La totalité de la population des Tatars, une population turco-mongole installée en Crimée et dans le sud de l’Ukraine depuis le XIIIe siècle, est alors déportée en Sibérie et en Asie centrale. Près de la moitié d’entre eux sont morts pendant la première année de leur déportation. Staline a ensuite peuplé la péninsule de Russes et d’Ukrainiens en leur donnant les biens abandonnés par les Tatars. En 1945, la Crimée devient l’Oblast de Crimée, région administrative de la Russie.
En 1954, Nikita Khrouchtchev cède la Crimée à l’Ukraine pour fêter le tricentenaire du traité de Pereïaslav par lequel les Cosaques d’Ukraine avaient fait allégeance à Moscou. à l’occasion du 300e anniversaire de la réunification de la Russie et de l’Ukraine.
Un statut d’autonomie
En décembre 1991, lors du référendum sur l’indépendance en Ukraine, seulement 54 % des électeurs de Crimée se prononcent en faveur de l’indépendance, le plus faible pourcentage dans l’ensemble du pays. La Crimée accepte de rester dans l’Ukraine en échange d’un statut de république autonome. Le Parlement régional n’a pas le pouvoir d’initier de lois mais la Crimée a son propre budget et sa Constitution. Par ailleurs, Sébastopol bénéficie d’un statut spécial de ville autonome : son maire n’est pas élu mais désigné par les autorités de Kiev.
Le 5 décembre 1994, l’Ukraine, la Russie, les États-Unis et le Royaume-uni signent le « Memorandum de Budapest » : l’Ukraine promet de transférer ses missiles nucléaires en Russie pour leur démantèlement et de signer le Traité de non prolifération. En échange, la Russie et les deux pays occidentaux signataires s’engagent à ne pas menacer ou utiliser la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine.
En mai 1997, la Russie et l’Ukraine signent un traité d’amitié, de coopération et de partenariat. En échange d’une aide financière et tarifs avantageux sur le gaz, Kiev garantit à Moscou le maintien de sa base navale sur la mer Noire à Sébastopol à travers un bail de vingt ans. Des nouveaux accords signés le 21 avril 2010 entre Moscou et Kiev règlent les conditions d’utilisation de cette base : outre les 8 millions de dollars de loyer annuel payés à l’Ukraine depuis 1997, la Russie consent à l’Ukraine un tarif préférentiel sur le gaz correspondant à une réduction de 30 % du prix normal de livraison. Le bail est prolongé jusqu’à 2042 moyennant le versement par l’armée russe à la ville de Sébastopol d’une rente annuelle de 100 millions de dollars. La marine russe compte 15 000 militaires stationnés dans la base.
12 % de Tatars
Après l’effondrement de l’Urss, les Tatars ont commencé à revenir au milieu d’une population russe encore largement imprégnée par la propagande stalinienne qui avait créé le mythe de la collaboration entre les Tatars et les Nazis pendant l’occupation allemande. Encore marqués par l’expérience du génocide, les Tatars de Crimée perçoivent les actions russes comme une menace existentielle. La minorité tatare représente aujourd’hui environ 12 % des 2 millions d’habitants de la péninsule qui compte environ 60 % de russes et près de 25 % d’Ukrainiens.
Géopolitique de Sébastopol
Par CASSINI, Kevin LIMONIER, le 4 mars 2014
Trois cartes géopolitiques pour comprendre la situation en Crimée. Rattachée à l’Ukraine au moment de l’éclatement de l’Union Soviétique, la base navale de Sébastopol est aujourd’hui louée par la Russie aux termes d’un accord passé en 1994 et renouvelé en 2010, pour un bail courant jusqu’en 2042. Alors que la ville fait les gros titres de l’actualité depuis quelques jours, on peut s’interroger sur les motivations de la Russie à intervenir militairement en Crimée.
A L’époque soviétique, cette péninsule au cœur de la mer Noire faisait office de véritable arsenal face à la Turquie et à l’Alliance atlantique (carte 1).
Carte de la Crimée dans les années 1980
En cas de guerre, le contrôle de cette mer fermée devait être l’un des premiers objectifs à atteindre par le pacte de Varsovie afin de garantir la sécurité des côtes soviétiques et de permettre le ravitaillement des troupes qui fondraient sur le sud de l’Europe.
Mais aujourd’hui, cette puissance militaire n’est plus qu’un lointain souvenir. Le rapport de force maritime actuel en mer Noire est largement en faveur des pays membres de l’OTAN (cf. graphique). : Les forces navales en mer noire
Les motivations de la Russie à intervenir en Crimée et à Sébastopol sont davantage liées à l’histoire de cette ville et de ce qu’elle représente dans l’imaginaire collectif russe qu’à des intérêts géostratégiques.
Fondée en 1783 par l’impératrice Catherine II afin d’asseoir au sud la domination maritime russe face à l’empire ottoman, Sébastopol est une ville qui demeure bâtie autour de ses bases navales (carte 2), et qui incarne une certaine vision de l’héroïsme national.
Carte du port de Sébastopol
En 1853, ce port militaire intégra une première fois l’imaginaire patriotique lorsqu’une coalition franco-britannique l’assiégea trois ans durant. Entrée dans la légende grâce aux « Récits de Sébastopol » de Léon Tolstoï, la ville devint le symbole du sacrifice du peuple russe. Un siècle plus tard l’histoire bégaya, cette fois de manière bien plus terrible.
Assiégée pendant une année entière par les armées du IIIe Reich, Sébastopol fut rasée à 95% et donna lieu à l’une des batailles les plus terribles de la Seconde Guerre mondiale. Honorée du titre de « ville héros », le sacrifice de Sébastopol est aujourd’hui encore intensément célébré. La ville devint l’égale de Stalingrad ou de Leningrad et, preuve de ce qu’elle représentait désormais dans l’imaginaire collectif, Staline lui-même dut revenir sur sa décision de reconstruire la ville sur un plan d’aménagement nouveau. Sébastopol fut reconstruite à l’identique.
Dans ce véritable musée à ciel ouvert (carte 3), où les uniformes et drapeaux russes se rencontrent à chaque coin de rue, on se dit sébastopolitain avant de se dire russe ou ukrainien. Carte du centre ville de Sébastopol :
L’intervention russe doit être vue comme la volonté de Moscou de s’afficher en sauveur de cette mythologie impériale, dont se nourrit depuis plusieurs années la rhétorique poutinienne.
Pour les organisations anti-Maïdan qui dominent désormais le Conseil Municipal, Sébastopol demeure en effet l’incarnation d’une destinée commune à tous les peuples d’un empire désormais disparu, et dont la geste se raconte en russe. Bien plus que pour défendre des intérêts militaires, l’intervention russe doit être vue comme la volonté de Moscou de s’afficher en sauveur de cette mythologie impériale, dont se nourrit depuis plusieurs années la rhétorique poutinienne.
Cette perspective permet de replacer l’intervention russe en Ukraine dans un contexte où les notions d’histoire et d’identité sont centrales, en cela qu’elles structurent une grande partie de l’action de la Russie dans son « étranger proche ».
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Liste des bases militaires russes hors russie
La Russie possède plusieurs centaines de bases, soldats, chars et avions de tout genre répartis surtout dans les pays de l’ancienne Union soviétique ainsi que dans certains pays alliés (Syrie, par exemple). Voici une liste des principales bases ne se trouvant pas sur son territoire :
- Abkhazie : la Russie y entretient 3 500 militaires et gardes-frontières russes début 2010 et dispose d’au moins 4 bases dont la 7e base (aérienne) militaire (à Goudaouta) et la petite base navale d’Otchamchira où stationnera en permanence un groupe de combat.
- Arménie : la Russie y possède la 102e base militaire (à Gyumri) et d’une base aérienne (à Erevan) ; la base abrite en garnison 5 000 soldats russes.
- Azerbaïdjan : la Russie y possède la station radar de Darial (à Qabala (Qabala Rayon (en))) et quelques autres bases militaires ; la Russie y entretient 900 soldats russes.
- Biélorussie : la Russie y dispose de la station-radar Volga21 (près de Hantsavichy), d’une station-radar (à Baranovitchi), et du 43e nœud de transmission de la marine russe (à Vileyka) ; la Russie y entretient en garnison 850 soldats russes.
- Kazakhstan : la Russie y dispose du cosmodrome de Baïkonour, d’un régiment d’aviation (à Kostanaï), d’une station-radar (près du lac Balkhach), et d’un nœud radiotechnique des Forces spatiales (situé au polygone de Sarishagan, à Prioziorsk).
- Kirghizistan : la Russie y dispose de la base aérienne de Kant, du centre d’essai d’armement anti-sous-marins (basé à Karakol, aux bords du lac Issyk Kul) et a réactivé une station-radar (dans la région kirghize de Tchouï) ; la Russie y entretient en garnison 700 soldats russes.
- Ossétie du Sud : la Russie y entretient 3 500 militaires et gardes-frontières russes, dispose de la 4e base militaire (à Tshinkvali) et négocie des accords concernant les soldats russes y stationnant.
- Ouzbékistan : la Russie y dispose de la base aérienne de Karshi-Hanabad.
- Soudan : la Russie y a envoyé 146 hommes à l’occasion de la mission MINUS de maintien de la paix de l’ONU.
- Syrie : la Russie y dispose de la base navale de la ville de Tartus et y stationne une garnison de 150 hommes.
- Tadjikistan : la Russie y dispose d’un centre de contrôle de l’espace cosmique (à Nourek), une base aérienne à Ayni et de diverses installations militaires (à Douchanbé, Qurghonteppa et Koulab) ; la Russie y entretient en garnison 5 500 soldats russes.
- Transnistrie : la Russie y entretient en garnison 1 500 soldats de la XIV°armée, chargés de protéger les entrepôts de munitions ex-soviétiques, ainsi que 402 soldats russes issus de la mission JKF de maintien de la paix de la CEI à la frontière moldavo-transnistrienne (ces derniers sont accompagnés par 492 militaires transnistriens).
- Ukraine : la Russie dispose d’une partie du port de Sébastopol qui est également le QG de la Flotte de la mer Noire ; la Russie y entretient en garnison 13 000 soldats russes et 380 bâtiments de guerre.
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_arm%C3%A9es_de_la_F%C3%A9d%C3%A9ration_de_Russie#Bases_et_garnisons_russes_.C3.A0_l.27.C3.A9tranger_.282009.29
Liste des bases américaines, hors USAListe des bases américaines, hors USA
Amérique
Asie de l’Est et du Pacifique
Afrique du Nord, Proche-Orient, et Asie du Sud
Afrique subsaharienne
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9partition_des_forces_arm%C3%A9es_des_%C3%89tats-Unis
Alors en effet, la pensée dominante (qui rêve d’être unique), avec la complicité des medias ringards (qui croient toujours que la russie est communiste), a trouvé le coupable idéal.
Quand on sait que les USA n’existaient même pas il y a à peine plus de 200 ans, quand on sait que l’Ukraine, et donc la Crimée étaient encore dans l’URSS, il y a moins de 30 ans, quand on sait qu’en Crimée, plus de 15000 militaires russes sont en poste depuis des années, et cela en toute légalité, suite à des accords latéraux, on peut aisément se demander s’il n’y a pas erreur judiciaire sur ce procès public là !
Et si on a bien lu les trois chapitres ci-dessus, on a, je pense, bien compris que l’enjeu géopolitique est plus que non-négligeable, et qu’il est même totalement destructeur de ce qu’il reste de la Russie. Et les medias continuent de seriner que Poutine envahit l’Ukraine ...
Méfiez-vous, le diable s’habille en Prada, et il a un sourire ... ravageur.
L’article dans sa niche (avec cartes et tableaux plus lisibles) : Dans crimée, il y a « crime » ; et dans tout crime, il faut un coupable