La "Promotion de la démocratie" à Cuba prêchée par Obama est la toute nouvelle appellation pour déguiser la politique criminelle des USA menée depuis des décennies contre Cuba et qui est en réalité la continuité de la "subversion" et de "l’ingérence" dans les affaires intérieures de Cuba. On pourra l’appeler comme on veut, la fin ne laisse aucune ambiguïté.
Le gouvernement cubain, depuis des décennies, alerte sur ce phénomène et malgré les nombreuses preuves irréfutables mises sur la table, il semble avoir prêché dans le désert. Selon Fulton Armstrong "le paradoxe est que ni Reagan, ni Bush père, ont utilisé ces sales méthodes. Ce sont les administrations de Georges W. Bush et d’Obama qui non seulement ont mis en œuvre une politique de changement de régime au nom de l’exportation de la démocratie, mais ont violé de manière téméraire les termes mêmes de la loi américaine".
Armstrong dit avoir été le premier à s’élever contre ce qu’il appelait "les dissidents affairistes avides de dépenser du fric". C’est à coups de millions de dollars que "les gouvernements américains de Bush et Obama ont créé ces dissidents affairistes". Rappelons qu’en 2009, dans un câble au Département d’Etat, publié par Wikileaks, Jonathan Farrar, alors le diplomate américain en chef à La Havane, qualifiait ces fameux "dissidents" de "très égoïstes, sans racines sociales et excessivement préoccupés à obtenir de l’argent".
La politique de "peuple à peuple" a été conçue sous l’ère Clinton. Les bushistes la convertirent en "Promotion de la démocratie" qui a démontré, toujours selon Amstrong, "un manque de confiance dans le peuple américain". Il fut "l’un des programmes les plus controversés de la politique américaine envers Cuba et l’un des plus contre-productifs". Comme le concept "d’exception", celui de la "promotion de la démocratie" est enraciné dans la culture politique des Etats-Unis et il est peu probable qu’il disparaisse. Bien que le consensus sur ce que sont les critères de la "démocratie", n’a jamais existé, la volonté de la promouvoir reflète une perception largement répandue que la meilleure gouvernance interne d’un pays est celle qui sert le mieux les intérêts des Etats-Unis en lui assurant une stabilité régionale propice à son exploitation. C’est la NED (National Endowment Democracy ou Fondation Nationale pour la Démocratie), créée par le Congrès en 1983 qui est chargée, grâce à des budgets généreux, d’être "à l’avant-garde des luttes démocratiques à travers le monde".
Concernant Cuba, Clinton a utilisé les fonds de la NED à hauteur de 5 millions de dollars par an, investis dans des Etudes sur Cuba aux Etats-Unis. Les bushistes avec leurs opérations secrètes clandestines, sans aucun contrôle, en violation de la loi américaine qui exige que ces opérations soient autorisées expressément par le Président, ont englouti annuellement 20 millions de dollars. "Pas de responsabilité, pas de comptabilité, personne ne rend de comptes. L’USAID devait avec ces fonds créer des entreprises privées sans avertir l’entrepreneur que ce qu’il allait faire à Cuba était illégal. C’était improvisé, sans plan, sans discipline" affirme Geoff Thale.
L’administration Bush a accéléré les opérations de manière spectaculaire. Du concept "Cuba transition" de Clinton à celui de "promotion de la démocratie", les robinets ont été ouverts en grand et ces opérations ont coûté jusqu’ici aux contribuables étatsuniens plus de 250 millions de dollars. Cet argent était réservé aux "opposants potentiels", à certains "religieux" et "fans de musique", à des "jeunes mécontents", à des "activistes de la diversité sexuelle", à des "blogueurs" et même à des "enfants".
Cette manne "secrète" a produit quelques succès comme le logiciel de réseau clandestin ZunZuneo qui a pu opérer pendant 2 ans avant qu’il ne soit découvert. Les jeunes cubains ne savaient pas en l’utilisant, qu’il s’agissait d’une opération subversive. Mais la contribution à l’objectif déclaré de "promotion de la démocratie" a été négligeable et à certains égards contre-productifs. Une partie de ces fonds ont même été utilisés pour attaquer le cardinal Jaime Ortega, archevêque de La Havane. "Quelque chose d’inouï !" se souvient Amstrong.
Les citoyens américains ont gaspillé des centaines de millions de dollars. Ils ont payé pour des "bibliothèques indépendantes" qui n’existent pas. Les relations authentiques "peuple à peuple" et les échanges légaux entre étudiants ont tellement été contaminés que les cubains sont devenus très réticents vis à vis de ces organisations et ne veulent surtout pas être impliqués dans un "changement de régime" voulu par Washington. Malgré tous ces échecs, les programmes pour la "promotion de la démocratie" et la bureaucratie qui y travaille, semblent invulnérables. "A Washington, les programmes bien financés sont plus difficiles à changer que les politiques, parce que les personnes qui reçoivent les fonds les gardent pour eux, sans avoir à montrer patte blanche" confirme Amstrong.
Au nom d’Obama, le Département d’Etat et l’USAID se sont engagés à poursuivre ces programmes avec des millions de dollars à la clé pour l’année 2016. Ce qui semble contradictoire avec la politique de Normalisation des Relations décidée fin 2014 entre les deux pays.
Ce type de programmes dépend de deux choses. "L’autorisation" qui dépend de l’exécutif et "la répartition des frais" qui dépend du Congrès. Clairement, avant d’aller au Congrès, le Président Obama peut couper les flux financiers ou décider comment dépenser le budget institué par la loi Helms Burton. Les programmes de changement de régime à Cuba - visant à identifier, organiser, former et mobiliser les Cubains pour exiger le changement politique - posent de graves problèmes, y compris les détournements de fonds, la mauvaise gestion et la politisation systémique. En témoigne le cas de Caleb McCarry qui en 2005, a été nommé par Bush "coordinateur pour la transition à Cuba". Il a ainsi approuvé l’octroi de 6,5 millions $ de l’USAID à un entrepreneur américain pour créer "Creative Associates international". En 2008, deux mois après avoir quitté sa position officielle, McCarry a été à son tour "engagé" par la firme comme "Directeur des communications".
"Je pense que nous devons stopper ces programmes" dit Amstrong. "Aucun gouvernement qui se respecte, ne peut accepter des programmes conçus pour le renverser." "Si l’administration décide de conserver les opérations secrètes et clandestines pour "promouvoir la démocratie", elle doit respecter la loi exigeant la signature du président Obama. Au minimum, le Conseil de sécurité nationale devrait coordonner un processus d’approbation des opérations et veiller à ce qu’elles ne soient pas en contradiction avec le travail des autres ministères et organismes qui traitent avec Cuba. Si le Département d’Etat encourage les petites entreprises à mener une action politique par exemple, les fonctionnaires du ministère du Commerce qui essaient de les aider à commercer avec Cuba, doivent être informés et doit leur demander si elles sont en désaccord avec cette procédure. Nous devons aligner le "programme de promotion de la démocratie" avec les priorités du Président" dit Armstrong.
Enfin, s’il y a un domaine dans lequel la politique de Washington devrait pratiquer ce qu’elle prêche pour elle-même, c’est bien celui de la "promotion de la démocratie". Utiliser des étrangers pour mener des opérations secrètes, distribuer des équipements satellite, fournir de l’argent pour des actions politiques et former des gens à s’organiser politiquement, ce n’est pas acceptable aux États-Unis, et ça ne peut pas l’être à Cuba non plus.
Les experts estiment qu’Obama a commencé sa présidence avec à l’ordre du jour, la reprise des relations avec Cuba, mais dans la première année de son mandat, le coup d’Etat au Honduras a stoppé la politique Obamiste pour l’île. A cette époque, la bureaucratie était pourtant très près de changer. Les conseillers lui ont recommandé de ne pas avancer dans ces conditions. Hillary Clinton ne voulait pas être impliquée. Puis Obama se rend compte soudain que la politique envers Cuba a isolé les Etats-Unis du reste de la région. C’est le retour à la politique du "peuple à peuple" qui est prônée alors par Arturo Valenzuela (ex-secrétaire d’État pour l’hémisphère occidental).
Puis arrive à la Maison Blanche Ricardo Zuniga, un homme qui connait parfaitement Cuba. Il a travaillé à la Section des intérêts à La Havane en tant que diplomate. Pour Armstrong, Ben Rhodes est le génie politique de cette stratégie, mais le génie intellectuel a été Ricardo Zuniga. Au Congrès il y avait un petit groupe disposé à changer de politique, et dont le soutien était important à cette époque. Mais le véritable tournant se produit lorsqu’Hillary Clinton, qui se prépare déjà pour la campagne électorale, publie son livre "Hard Choices", où elle se prononçait en faveur du changement et pour la levée du blocus. Un mois plus tard, le dialogue des Obamistes avait changé. La position d’Hillary, dont la portée future était incontestée, a donné le "feu vert" à la nouvelle politique de Cuba.
Mais le blocus est là et les sanctions persistent.
Par exemple, la chasse à l’homme internationale pour utilisation du dollar dans les transactions cubaines : "C’est une interprétation extrémiste de la réglementation" déclare Thale. Le département du Trésor peut ordonner des changements immédiats, et il existe un précédent. C’est ce qui a été fait en Iran où vous pouvez utiliser le dollar dans certaines transactions, sans pénalité. Obama pourrait autoriser l’utilisation du dollar dans les transactions internationales de Cuba et permettre aux entités cubaines (banques, entreprises, etc.) d’ ouvrir des comptes dans cette monnaie dans les banques de pays tiers. En outre, il faudrait veiller à ce que les banques étrangères ne soient pas poursuivies à cause de leur commerce avec Cuba. Cependant, ces possibilités ne sont pas à l’ordre du jour des départements du Commerce et du Trésor américain.
Le président Obama pourrait créer une licence générale autorisant l’utilisation du dollar dans les transactions avec Cuba pour toutes les institutions financières américaines. Sans un changement de cette ampleur et avec le risque d’une sanction non prévue, il n’y aura pas de dynamique nouvelle.
Thale observe que les changements légaux ont besoin d’un coup de pouce politique pour modifier l’inertie des fonctionnaires, des hommes d’affaires et des conseillers juridiques des entreprises, toujours paralysés par le refus de commercer avec Cuba, refus érigé en principe politique à l’encontre de Cuba avant le 17 Décembre 2014. C’est sur ces points que la visite du président Obama à Cuba peut faire une différence substantielle. Il a l’autorité juridique suffisante pour modifier tous ces règlements.
"C’est une insulte de ne pas autoriser les importations. Il doit y avoir une ouverture pour le commerce bilatéral, dans les deux sens" dit Fulton Arsmtrong. "Ce serait formidable si le gouvernement annonçait avant le 21 Mars que certaines importations cubaines sont autorisées. Ouvrir la porte aux importations en provenance de Cuba, serait historique." conclut-il.
Thale croit pouvoir parvenir à des accords dans le domaine de la santé, à des progrès en matière de sécurité (cybersécurité), de trafic de drogue, de traite des personnes. Il y a des intérêts concrets pour les deux pays. Il parle de la nécessité d’avancer dans l’ouverture permettant des accords commerciaux entre les entreprises américaines et cubaines, et que le changement est nécessaire dans les règlements spécifiques.
"Nous ne sommes pas frères, mais nous sommes des cousins avec des racines communes, une histoire et une culture - musique, littérature, arts - communes. Je pense que les deux présidents vont tenter de construire un pont qui ne pourra pas être (ou très difficilement) brisé. Ce n’est pas seulement le moment de la photo des deux hommes à La Havane, c’est aussi le moment des relations commerciales qui devraient durer et, nous l’espérons, d’un compromis relatif à la base navale de Guantanamo Bay. Ce serait un signal fort. Et nous espérons aussi que le mécanisme du dialogue privé sera maintenu. Si seulement le gouvernement US pouvait se rendre compte que la rhétorique de la "promotion de la démocratie" n’est pas le chemin et qu’il pouvait s’appuyer sur des faits récents qui renforcent la reconnaissance internationale de Cuba, comme son implication dans les négociations avec les FARC, qui est incontestablement un succès de Cuba !"suggère Arsmtrong.
Comment Armstrong a forgé son regard sur Cuba ? : "Je prends à témoin l’histoire. Mon rêve est d’écrire un livre sur l’île, en racontant que le pays se réarme, qu’il se déplace vers le XXIe siècle, alors que les États-Unis semblent revenir au XIXe siècle (voir la campagne présidentielle actuelle). Cuba réfléchit à son avenir".
Il admet ne pas être surpris que la reprise des relations entre les Etats-Unis et Cuba se produise avec les dirigeants historiques de la révolution : "Oui, avec Fidel et Raul. Quiconque connaît l’histoire des 50 dernières années reconnaîtra qu’ils ont conduit des changements et des transformations majeurs à Cuba. Ils l’ont fait plus d’une fois et ont toujours été ouverts à un dialogue et à une relation respectueuse avec les États-Unis. Bien sûr, jusqu’à ce jour, la tendance qui a prévalu est que ces leaders n’étaient pas des acteurs raisonnables. Mais c’était pure manipulation. Je pense qu’ils sont engagés dans le socialisme qu’ils ont construit et sont prêts à empêcher que cette longue période de résistance ne soit pas couronnée de succès".
Les deux experts espèrent que la visite de Barack Obama à La Havane les 21 et 22 Mars, mènera à un accord. Jusqu’à présent, les États-Unis ont mis l’accent sur le dépassement de la guerre froide. "Mais il est temps de passer au XXIe siècle" termine Armstrong.
Roza Miriam Elizalde
traduit librement mais respectueusement adapté par Michel Taupin