AU NOM DE LA VEUVE ET DE L’ORPHELIN.......JE JURE.....JE PLAIDE
La résolution de la crise armée ivoirienne depuis son déclenchement le 19 septembre 2002 n’a pu emprunter que deux voies :
– la voie de la solution purement politique
– et la voie de la solution financière et humanitaire
En effet, que ce soit à LOME, à ACCRA ou à PARIS, les acteurs politiques se sont évertués à réfléchir et à décider d’un partage à nouveau des différents pans du pouvoir d’Etat, à mettre à plat nombre de projets législatifs...identification, foncier rural, nationalité etc...
Ainsi, "MARCOUSSIS" et "MARCOUSSAS", on s’est partagé le gâteau, on s’est réparti les différentes sphères du pouvoir d’état.
A l’occasion de tous ces actes, aucun parmi lesdites forces politiques présentes ne s’est embarrassée, ne s’est préoccupée du sort des hommes, de la personne humaine, des femmes, des hommes, des enfants, des vieillards, des handicapés...pourtant au centre de la cette guerre.
A aucun moment, avec le silence actif et complice de la Communauté internationale et de sa presse, on ne s’est préoccupé de l’homme, victime de cette guerre.
Bien sûr ! Oui bien sûr, on a évoqué les divers charniers de Bouaké, de Vavoua !
Bien sûr, on a évoqué l’activité d’escadrons de la mort !
Bien sûr, a-t-on évoqué les cas d’enrôlement forcé d’enfants soldats !
Seulement, à l’utilisation de la découverte desdits charniers, desdits escadrons de la mort et autres, l’on s’est vite rendu à l’évidence que le traitement de ces informations ne servaient nullement à mettre en évidence la détresse des populations civiles victimes de diverses exactions, mais plutôt tendaient à saper aux yeux de l’opinion internationale la "bonne humanité" et "la bonne moralité politique" de l’un et de l’autre belligérant.
La victime dans la guerre ivoirienne n’est l’objet d’aucune préoccupation.
Ainsi, au nom de la politique, des familles entières peuvent être volontairement décimées...on s’en fout !
Au nom du pouvoir d’Etat que chacun veut pour lui, des jeunes filles peuvent être violées et volontairement contaminées du virus du SIDA...on s’en fout !
Au nom des intérêts économiques, des fillettes de neuf ans peuvent être violées en même temps que leur mère, sur le même lit au pied duquel gît, fumant, le cadavre du père dont le sang chaud est offert à la cadette de trois ans comme sirop...on s’en fout !
Au nom de ce que chacun a promis aux commanditaires, de ce que chacun a l’espoir de recevoir en récompense de la sale besogne, on se tait en regardant couler le sang de l’innocent
Des villages entiers peuvent entièrement brûler et disparaître, des récoltes incendiées, des habitations pillées et brûlées avec leurs occupants, des vies et des espoirs détruits...on s’en fout !
Toujours le silence, votre silence...
Alors complice ?
La communauté a décidé de n’entendre que les injonctions des factions belligérantes, de ne servir que les intérêts des uns et des autres dans cette guerre.
Pourtant, de véritables pistes existent qui conduisent absolument à la justice...
Des boulevards entiers sont entretenus par la douleur des victimes et l’atrocité des faits et qui conduisent à la vraie réconciliation.
"C’est la liberté qui opprime et le droit qui libère !" disait LACORDAIRE.
Ne peut-on pas rechercher les auteurs de crimes aussi abominables et les punir ?
Existe-t-il des preuves permettant de mettre en marche la machine judiciaire de la répression ?
Il paraît que l’un des principaux obstacles à ce que justice soit faite contre les responsables des crimes aussi abominables est le principe de la souveraineté nationale. GOEBBELS disait en 1933 à la tribune de la société des Nations au sujet du sort des Juifs en Allemagne par le régime nazi : "Charbonnier est maître chez lui".
Brutalement exprimé, ce propos livre l’essence de la conception souverainiste de la justice pénale. Traditionnellement, le droit de punir, que symbolise l’épée de justice est la prérogative du seul souverain. Si tant d’Etats choisissent par priorité la voie de l’oubli et du pardon plutôt que celle de la poursuite et du châtiment des crimes passés, c’est pour des motifs majeurs d’intérêt politique.
Tourner la page de l’Histoire pour en ouvrir une nouvelle toute blanche celle-là , paraît plus propice à l’avènement de la démocratie que d’exercer la justice contre les criminels d’hier.
La paix civile s’acquiert au prix du silence et de l’amnistie...la question demeure posée cependant :
POUR CONSTRUIRE UNE DEMOCRACIE APAISEE, FAUT- IL REFUSER D’ENTENDRE LA VOIX DES VICTIMES ET IGNORER LA DOULEUR DES VEUVES ET DES ORPHELINS ?
LE TRAVAIL DE DEUIL NECESSAIRE NE PEUT S’ACCOMPLIR POUR LES VICTIMES ET LEURS FAMILLES, ET DANS LE CORPS SOCIAL TOUT ENTIER QUE PAR L’ETABLISSEMENT DE LA VERITE ET LA JUSTICE ; CELLE-CI N’EXCLUT JAMAIS LE PARDON !
Le Collectif des Avocats des Victimes de la guerre travaille dépuis des mois à la mise en oeuvre judiciaire des procédures tendant à faire juger toute personne présumée ou dénoncée comme auteur, co-auteur, complice, commanditaire de ces exactions.
Celles-ci, selon la catégorisation effectuée par le Collectif, vont de la mutilation, des coups et blessures, des homicides, des meurtres, des viols, des traitements inhumains et dégradants, pillages, destruction, vols... toutes commises contre des populations civiles à l’occasion de la guerre.
Son auteur ou ses auteurs ne sont pas X, ils sont connus et déterminés :
– ce sont des personnes physiques connues et nommément désignées par leur victime
– ce sont les bandes armées au Nord, au Centre et à l’Ouest de la Cote d’Ivoire(MPIGO, MPCI, MJP)
– c’est l’Etat de Côte d’Ivoire
– c’est l’Armée française, donc l’Etat français
– ce sont leurs commanditaires
Les faits à nous rapportés sont clairs et précis et existent, les preuves et pièces à conviction sont disponibles pour ouvrir la voie à la procédure judiciaire idoine.
Celle-ci a été déjà engagée au plan national par la voie d’une plainte en bonne et due forme entre les mains des autorités compétentes.
Bien sûr, cette action est menacée par un projet de loi d’amnistie générale qui ambitionne de couvrir toutes les infractions contre la sûreté de l’Etat et les infractions connexes aux dites infractions. Mais notre détermination à voir le bourreau et la victime se réconcilier seulement après le jugement du Tribunal n’est point entamée car le principe de subsidiarité des instances pénales internationales vient transcender toutes les tentatives de manipulation.
La victime n’a ni parti, ni religion, ni ethnie... elle est victime venant du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest de la Côte d’Ivoire et le Collectif d’Avocats qui la défend se veut libre et indépendant.
Si la vie de l’autre ne mérite pas notre regard, notre protection et notre respect, celle que nous vivons nous-même ne vaut pas la peine d’être vécue !
Cette conférence de presse à laquelle vous êtes conviés vous présentera certains faits sur la base desquelles nous initions la mise en oeuvre des poursuites ;
Il vous sera projeté des images, des témoignages filmés par des caméras amateurs pour la plupart et qui ne représentent qu’une infime partie des pièces dont nous disposons.
Nous ne sommes pas demandeurs d’aide financière, nous n’en avons même pas demandé aux victimes elles-mêmes qui nous ont constitué... nous sommes cependant demandeur de l’éveil et de l’ouverture de vos consciences afin que vous soyez complices de la diffusion et de la propagation de ce fait, entre mille, survenu en Côte d’Ivoire pendant la guerre... une fillette de neuf ans a été violée, à plusieurs reprises, avec sa mère, sur le même lit, au pied duquel gisait le cadavre de son père que tentait de réveiller sa cadette de trois ans à qui l’on a fait boire le sang de son géniteur ...
Ni fleurs ni couronnes pour les victimes de la guerre en Côte d’Ivoire...la vérité et la justice seules leur suffiront !
Le Collectif des Avocats des Victimes de la Guerre-CI
Me J.Patricia Hamza Attéa
Me Bamba Katty Micheline
Me Blessy Chrysostome