Dès le début de cette guerre, on se rappellera que la première interrogation concernait le financement de la rébellion. Il était patent que des ivoiriens avaient objectivement des raisons de se révolter. La question de l’ivoirité avait fait flamber les passions depuis longtemps, et le débat autour de la nationalité de Mr Ouattara, et son éviction du champ politique, n’avaient pas manqué de mettre de l’huile sur le feu. Mais tout cela ne peut expliquer que du jour au lendemain quelques militaires aient pu disposer des moyens nécessaires pour diviser la côte d’ivoire en deux.
Qui finance la rebellion ?
Depuis quelques semaines, une partie de la classe politique ivoirienne commence à évoquer le sujet avec plus ou moins d’insistance. Mr Mamadou Koulibaly l’aborde par exemple dans un article repris ici même. Il y explique que « La guerre n’est pas que politique et militaire. Elle est aussi financière. Il y avait des gens qui ne voulaient pas que le cacao ivoirien arrive très vite au marché international parce que les cours allaient baisser. Peut être qu’ils ont pu bloquer le cacao à Daloa, Vavoua et puis comme ça les cours ont flambé jusqu’à 1500 livres la tonne. Ceux qui l’ont acheté à 600 livres la tonne, ont certainement engrangé des milliards de dollar de bénéfice au prix de tous ces morts qui sont à Bouaké, Sakassou, Korhogo et autres. »
Et voilà qu’un honorable correspondant nommé « Laurent » propose une explication dont pour le moins on peut dire qu’elle vient à point. L’interprétation de ce lecteur, fondée sur des faits dont les sources ne sont pas citées est éclairante, même si elle est à ce stade forcément limitée et manifestement téléguidée. Elle est de plus à double détente. Elle veut que la crise en côte d’Ivoire soit le fruit de la conjonction de deux grands intérêts contradictoires : ceux de spéculateurs qui ont investi de telles sommes dans le cacao qu’ils sont condamnés à gagner et ceux de politiques (ou d’apprentis sorciers, c’est selon) qui en profitent pour porter à la lumière une grande diversité de revendications pour partie seulement légitimes et connues. Par ailleurs elle se conclut en appel politique à ce que son auteur nomme « un dialogue » plus « constructif » fondé sur la démonstration non prouvée d’une manipulation.
Mais la manipulation comme l’écrivait justement Baudrillard est un « tourniquet à base flottante » où la vérité est définitivement emprisonnée. Il faut donc revenir à la fois sur les questions déployées par ce texte concernant les dérives de la spéculation financière et l’usage que le prétendu Laurent veut en faire dans le contexte de la guerre civile en Côte d’Ivoire.
Accusations
Mr « Laurent » accuse Amajaro et AIG Fund, des fonds spéculatifs sur les matières premières relativement connus sur la place, d’être « les financiers de la déstabilisation ». Il commence par présenter les acteurs de cette opération spéculative : « Amajaro : cette société de négoce, dont les bureaux sont à Londres, mais dont le siège social est basé dans un paradis fiscal ( les îles vierges britanniques ) est dirigée par Anthony Ward. L’an passé, ce négociant britannique a été l’un des principaux fournisseurs de cacao du groupe agroalimentaire américain ADM. » et il ajoute que « Amajaro a été fondée par les anciens de Phibro (Philip Brothers), il y a cinq ans. Amajaro, durant ces quatre dernières années, a été impliquée à plusieurs reprises dans des « étranglements de marché » sur le marché à terme de Londres en association avec plusieurs fonds de pensions (AIG Fund, Tiger Fund, African Managment Fund, un fond d’investissement diversifié opéré en partie par la banque sud-africaine Absa, et d’Equator Bank. »
Mr « Laurent » explique ensuite la mécanique supposée de cette opération : «
La nécessité d’une déstabilisation de la Côte d’Ivoire s’est imposée, à partir de juillet, lorsqu’il est apparu évident aux initiateurs de l’opération caaco, Amajaro et AIG Fund, que la gestion de leurs de leurs positions sur les marchés à terme du cacao, à partir de la fin juin, nécessitait un passage à une dimension supérieure pour sauvegarder un gain potentiel s’inscrivant dans une fourchette de 500 à 800 millions de dollars américains, soit 280 à 450 milliards de francs CFA.
La nécessité d’une déstabilisation s’est avérée indispensable après que l’enterrement de la réforme cacao en Côte d’Ivoire soit devenu un fait acquis alors que la botanique et les prévisions de récolte sur la campagne principale 2002/2003 ont déjoué en partie les résultats escomptés par l’échec de la réforme de la filière cacao en Côte d’Ivoire.
En juillet les anticipations laissaient présager une bonne récolte principale 2002/2003 (980.000 à 1 million tonne). Cette prévision s’appuyait sur un usage en forte hausse des engrais et des produits phytosanitaires dans les plantations de cacao par les planteurs liés à une amélioration sensible du revenu paysan. »
La spéculation étant fondée sur la création d’un effet de raréfication des matières premières, les prix augmentent à la mesure de cette raréfaction, Mr « Laurent » prétend aussi apporter la chronologie de l’opération telle qu’elle est censée avoir été réalisée :
« L’opération Amajaro débute en novembre dernier avec le transfert à Amajaro de la quasi-totalité de la position cacao d’AIG Fund. Le reliquat est transféré à ADM Etats-Unis. A partir de ce moment, Amajaro achète sur le marché à terme près de 650.000 tonnes de cacao-papier et constitue un stock de 210.000 tonnes, soit 5% de l’offre mondiale de cacao. Acheté entre 750 et 900 livres la tonne, cette position cacao est valorisée à plus de 1.400 livres la tonne, soit un gain de +85% à la fin juin 2002. L’envol des cours sur le marché à terme a poussé les utilisateurs de cacao, les broyeurs, à réduire considérablement leur taux de couverture (stock). Ils abordent la pleine saison (octobre-décembre 2002) avec des stocks à minima. Pour obtenir une valorisation maximum des stocks, qui ont été bloqués par Amajaro jusqu’à la fin novembre afin de réduire les coûts de stockage, il faut que le cacao ivoirien de la nouvelle récolte arrive le plus tard possible sur le marché international. Ce retard doit permettre à Amajaro de réaliser une plus-value de 500 à 800 millions de dollars américains. »
« Pour parvenir à cette fin, Amajaro et AIG Fund ont opéré en plusieurs étapes. Dès novembre dernier, puis en décembre, Anthony Ward estime que la réforme cacao en Côte d’Ivoire est un obstacle majeur à son opération sur le marché à terme. Il s’agit de faire capoter la réforme. Le principe de l’arrêt de la réforme de la filière cacao, donc des ventes à terme, est arrêté dès ce moment. l’éviction, en février, du ministre de l’Agriculture de l’époque, rend possible l’avancement du plan initié par Amajaro et AIG Fund : une désorganisation de la filière cacao. Systématiquement, les propositions en provenance de la Primature sont combattues. La mise en place des institutions nécessaires à la mise en place de la réforme sont différées et lorsqu’elles parviennent à être installées, leur contenu est dénaturés à l’exemple du FRC. Cette construction est renforcée par le choix « d’experts » complaisants de la Banque mondiale, violemment opposés au principe d’une commercialisation intérieure et extérieure ordonnée du cacao par la Côte d’Ivoire. (...) Logiquement, l’opération financière Amajaro aurait du s’arrêter à ce niveau. Mais la botanique est venue déjouer en partie ce plan.
Dès la fin juin 2002, il est apparu évident que la récolte principale ivoirienne serait au moins égale à la précédente, si ce n’est supérieure en raison d’une forte augmentation de l’usage des engrais entraîné par la hausse des cours du cacao. Dans ce contexte, le portage par Amajaro et AIG Fund sur les marchés à terme d’une position de 650.000 tonnes devenait aléatoire et les espoirs d’un gain mirifique (500 à 800 millions de dollars) s’éloignaient si le cacao ivoirien sortait en temps et heure à partir d’octobre. Dès la mi-juillet, Amajaro, en interne, évoquait la possibilité de dégager une somme de l’ordre de 50 à 80 millions de dollars pour « tenir le marché ». Dès cette époque, plusieurs traders, et encore récemment Sucden, estimaient plus que probable qu’Amajaro pour « sauver » 500 millions de dollars « n’hésiterait pas à entreprendre un coup ». (...) Les réseaux d’Anthony Ward ont été mis en action afin d’identifier un terreau fertile à une forte perturbation des sorties de cacao de Côte d’Ivoire.(comme déjà expérimenté avec le peuple Krou dans les années 90)
L’existence de déserteurs de l’armée ivoirienne au Burkina Faso, au Ghana et au Mali, doublée d’un mécontentement latent des populations du nord de la Côte d’Ivoire à l’encontre du pouvoir central, a servi de cadre à l’opération. Dès lors, un habillage politique (RDR) et revendicatif (MPCI) a pu être utilisé pour masquer les buts purement financiers poursuivis par Amajaro, AIG Fund et la CAA. Il est d’ailleurs à noter que dès la première semaine, les mutins ont abandonné de fait l’objectif d’une descente vers Abidjan pour se redéployer vers les zones de la boucle cacao et entraîner les perturbations que l’on sait dans la collecte du cacao dans la boucle principale.
Ce redéploiement a eu pour effet de pratiquement assécher les sorties de fève sur San Pedro (15.000 tonnes semaine, soit trois fois moins que la normale en pareille période). Par voie de conséquence, les cours du cacao se maintiennent au-delà des 1.400 livres la tonne. Surtout, les stocks de fèves aux mains d’Amajaro sont valorisés à leur maximum par les achats de broyeurs en mal de fèves pour la préparation des fêtes de Noël et de fin d’année. C’est ainsi qu’un investissement de 50 millions de dollars génère une plus value de l’ordre de 500 à 800 millions de dollars américains. »
Et Mr « Laurent » de conclure « Si le gain est considérable + de 500 à 800 millions de dollars -, l’investissement consentit par Amajaro et AIG Fund est à la hauteur des gains à réaliser. Entre les coûts d’entrée sur le marché, le stockage, les appels de marges sur les marchés à terme et les financements divers, la mise initiale est de l’ordre de 2 à 2,5 milliards de dollars, soit 1.300 milliards de francs CFA. L’ampleur de la mise impose à ces promoteurs, une obligation de résultats. Peu importe qu’un Etat soit durement déstabilisé, - il faut se souvenir que le Chili a mis cinq ans pour se remettre d’une crise d’une année -. L’opération initiée par Amajaro et AIG Fund est trop avancée pour être arrêtée.
On comprend mieux les très violentes attaques lancées contre la réforme de la filière cacao et contre les personnalités qui la défendent. On comprend également les menaces répétées dont ont fait l’objet les rares personnes capables de décrypter l’opération en cours. Ce genre de manipulation, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne nécessite qu’un nombre très réduit de personnes partageant le secret. Au plus une dizaine de personnes chez Amajaro, AIG Fund, Refco, disposent des éléments complets du puzzle. Pour le reste, des bribes d’informations sur l’enjeu réel ont dû être diffusées à un certain nombre d’acteurs ivoiriens, qui ont été « rémunérés » en miettes mais qui ne disposaient pas de la finalité réelle de l’opération.
Les acteurs « politiques » proches du PDCI ou du RDR ne sont pas des acteurs directs de cette déstabilisation de la Côte d’Ivoire. Ils ont agit plus par opportunisme en fonction des circonstances que comme des maîtres d’oeuvre de l’opération. Les mutins, du moins pour les hommes impliqués dans les opérations sur le terrain en Côte d’Ivoire, paraissent ne pas avoir disposé de la totalité des cartes et semblent plus avoir été manipulés qu’être des acteurs concepteurs. Ils ont profité d’une opportunité importante de financement sans trop s’inquiéter ou s’interroger sur l’origine réelle des fonds dont ils disposaient. Néanmoins, les initiateurs de l’opération ont joué directement sur un terreau favorable et ont tout a été fait pour les mettre en avant de telle manière que l’arbre masque la forêt. La subtilité de l’opération montée par Amajaro et AIG Fund est telle que les acteurs et les appuis indirects ont disposé dès le début de l’opération en décembre d’une marge d’autonomie considérable. Elle a été d’autant plus grande que leurs actions sur le terrain ivoirien entraient parfaitement en phase avec les objectifs financiers poursuivis par Amajaro et AIG Fund.
Il est aussi évident que des gouvernements étrangers et notamment une frange de l’Administration américaine a été mise au courant d’une partie de l’opération. Il suffit de savoir que lors des opérations précédentes de déstabilisation d’un Etat, AIG Fund a demandé un blanc-seing et a présenté, une partie de ses objectifs, à l’Administration américaine. Il est plus que probable que les mutins ignorent la finalité de leur combat et qu’ils aient été l’objet d’une manipulation.
Le dévoilement de la finalité réelle de l’opération pourrait contribuer à les rendre plus réceptifs à un dialogue constructif." [1]
Analyse
Ce texte paru sur le site de Abidjan.net l’a été au titre de lettre ouverte et de manière anonyme. Il va de soi qu’une source qui ne se nomme pas n ’est pas crédible par définition. Toutefois on peut s’interroger sur le bien fondé de certaines analyses proposées ainsi que leurs présupposés et objectifs. Une analyse du texte lui même est donc nécessaire de même qu’un rappel du contexte dans lequel il est paru.
contexte international
Mr « Laurent » accuse Mr Ward d’avoir financé une opération de déstabilisation politique pour empêcher le cacao ivoirien de quitter le pays et par voie de conséquence faire baisser les prix. Il est impossible de confirmer ou d’infirmer les propos tenus ici. On peut tous au plus les recouper avec d’autres analyses divulguées en d’autres lieux. Mr Ward a effectivement spéculé sur le cacao. Comme le rappelle un article de Libération datant du 02/septembre 2002, intitulé « Chacun peut faire son beurre avec le cacao » Il est le trader, qui « a fondé en 1998 la société de courtage en matières premières Armajaro ». Concrètement Antony Ward a exercé « un « squeeze » sur un marché de matières premières (sucre, café, cacao, argent ou zinc) » ce qui « revient à assécher ce marché en créant artificiellement de la rareté ». Mais pour que l’opération aboutisse il ne faut pas par définition que le marché soit du jour au lendemain envahi par du cacao venu des zones de production. La spéculation porte sur les réserves stockées, un excèdent de production la tuerait.
Ceci veut dire que l’homme qui a mené cette opération a nécessairement une vision stratégique et une bonne connaissance des acteurs et des réseaux de ce marché : il sait que, pour des raisons qui peuvent aussi être climatiques (tout le monde sait que de nos jours la science peut prévoir le temps qu’il fera demain, a fortiori celui qu’il fera dans un an) le marché ne connaîtra pas de retournements dus à des excédents de production, un bonne récolte par exemple. Comme l’expliquait un professionnel londonien à Libération « L’acheteur a dû s’assurer une porte de sortie vers un éventuel autre acheteur. A mon avis, il a une vue à long terme (...). Il pense que le marché du cacao souffre d’un déficit structurel et non conjoncture. »
Cette merveilleuse capacité d’anticipation des spéculateurs peut parfois surprendre. Mais elle est dans la logique même du capitalisme. Des hommes toujours décrits comme très intelligents peuvent deviner à l’avance ce qui va arriver dans un pays (sécheresse, crise politique, grêle, guerre civile, inondations, déficit commercial etc.) et en tirer profit en usant des outils qu’offre le marché. Ces hommes sont les héros du monde contemporain (en d’autres temps on les appelait des corsaires ou des pirates et il ne faut pas oublier que nombre d’entre eux furent anoblis par différents rois d’Europe.) Ils gagnent donc à être connus et ce n’est pas sans raison que le Financial Times a interviewé Mr Antony Ward, en présentant sa photo. Mais dans ce cas précis, ce qui fait le jeu de ce trader ce ne sont pas les conditions climatiques, mais la crise même de côte d’Ivoire. Un pays divisé en deux ou trois est un pays où les récoltes ne rejoignent plus les ports et encore moins les marchés internationaux.
Mr Laurent a-t-il raison d’accuser Mr Ward d’être l’instigateur de la crise politique ivoirienne ?
il n’en donne pas la moindre preuve et de ce fait son accusation ne tient pas la route. Toutefois, il est pourtant patent que l’un des bénéficiaires majeurs de la crise politique de côte d’Ivoire sont les spéculateurs qui ont investis dans le cacao. A l’approche des fêtes les prix grimpent et par un heureux hasard (et la grâce de quelques morts prématurées que le peuple est censé vite oublier) la demande est plus forte que l’offre. Mr Ward est donc un homme chanceux qui va toucher la martingale. L’accuser comme l’a fait Mr Laurent d’avoir dû sa chance à une sombre machination qui aurait d’emblée fait le sacrifice de plusieurs centaines de vies est un pas qui ne doit être franchi qu’avec beaucoup de précautions. Trop nombreuses sont déjà les personnes qui on déjà été désignées à la vindicte populaire sans qu’on apporte des preuves tangibles.
Mr Ward, s’exprimant dans The Guardian a de plus affirmé qu’il agissait en philanthrope plus ou moins intéressé. : "Mr Ward a dit avec insistance que les producteurs de cacao bénéficieraient d’une massive hausse des prix ». : « ce sont de très bonnes nouvelles » a-t-il dit. « cela veut dire que les producteurs de cacao bénéficieront d’un meilleur prix pour leur cacao ».
Il a expliqué que les africains avaient tout à gagner à une forte augmentation des prix, et qu’à sa manière il y contribuait. Il n’a dit à aucun moment qu’il avait l’intention de déstabiliser la côte d’ivoire pour s’assurer que les prix se maintiendraient au plus haut. Mr Ward est donc innocent des crimes qu’on lui impute, quand on fait foi de sa parole.
De fait, dans un article du Ny times, datant du 31 octobre 2002, il est rappelé que « la guerre a tué des centaines de personnes dans des zones où poussait le cacao, a détruit les récoltes et empêché les fermiers de moissonner ce qui reste ». Parlant des africains, Mr Ward ne pensait peut être pas au cas spécifique de la Côte d’Ivoire, premier producteur mondial. On ne peut donc lui reprocher le peu de bénéfices que les ivoiriens tirent de son opération. Prétendre que léser la Côte d’Ivoire était le seul moyen de faire réussir l’opération est une spéculation pour laquelle il faut donner des preuves. Le débat est en tous les cas ouvert.
Mais on peut aller plus loin. Accuse-t-on un loup d’aimer la viande de cabri ? Non. Le coupable est celui qui a ouvert ou mal fermé l’enclos.
Ces crimes s’ils étaient vérifiés justifieraient encore plus les critiques qui sont formulées contre l’ultra libéralisme dévastateur dont des institutions financières comme le FMI et la banque mondiale sont le bras armé. La dérégulation prônée comme solution au problème du développement et méthode de gouvernement « efficace » (en même temps que la privatisation, la réduction des budgets sociaux, etc) a largement montré ses limites, et les spéculateurs, tels Mr Ward, n’en sont pas spécialement responsables. Ils profitent des vides juridiques qui existent, de l’absence de réglementations, toutes options que de nombreux décideurs ivoiriens ont aussi prônées, accompagnées, soutenues. Quelles sont les voix deu FMI en côte d’Ivoire ? quels sont les responsables de la gabegie financière qui a contraint la côte d’ivoire a avoir recours au pire des usuriers ? Les spéculateurs ne sont que d’heureux bénéficiaires d’une gestion irresponsable des deniers publics et de la soumission au dogme de Wall street formulé par les criminels de l’école de Chicago. Les responsables sont pourtant les hommes politiques qui ont entérinés de tels abus.
Qui a ouvert l’enclos ? comment le fermer ? quelle est la responsabilité des hommes politiques et des décideurs ivoiriens dans les malheurs actuels de la Côte d’ivoire ? que faire des revendications dont les rebelles sont porteurs, quand bien même ils ne seraient que manipulés ?
Contexte Ivoirien
La crise Ivoirienne qui a débuté le 19 septembre 2002 n’a que neuf semaines d’existence. Nombre d’intellectuels, spécialistes, journalistes, ou hommes politiques tentent d’expliquer ses causes toujours profondes et s’évertuent à prédire l’avenir de la Côte d’Ivoire. Pessimisme pour certains du fait que ce qui arrive à la Côte d’Ivoire est un dangereux précédent ; les autres n’hésitant pas à y voir tantôt une « violence (...) accoucheuse d’histoire », ou une « violence comme (...) expression de fidélité à ses origines ou le refus de voir son frère périr plutôt que les principes ». Toutes ces assertions surgissent des plumes les plus avisées dans l’actuelle crise que vit l’éléphant d’Afrique.
Mais de toutes ces théories ou prédictions, il ressort une certitude : A côté des vies humaines perdues, aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est divisée en DEUX. Et cela est d’autant plus vrai quand la radio nationale ivoirienne ne couvre plus tout le territoire natiolal ; quand la télé-mutin ne couvre que les zones occupées par les rebelles ; cela est encore plus concret quand le fonctionnaire du nord ne peut plus aller en week-end au sud et vice versa. A l’heure actuelle c’est cela qui est vrai. Mais pourquoi donc toutes les agitations cérébrales de tous ces charlatans et magiciens qui ont vu venir le déluge et l’ont laissé s’abattre sur ce pays qui passait pour le modèle de développement en Afrique subsaharienne ?
Est-il nécessaire de se souvenir de l’ex-chef d’état, le général ROBERT GUEI, du ministre de l’intérieur, M.BOGA DOUDOU, de l’artiste musicien, MARCELLIN YACE, des officiers supérieurs de l’armée ivoirienne, des colonels, JEAN GNOLEBA YODE, DALLY OBLE ,DAGROU LOULA , sans oublier le Dr.BENOIT DAKOURY et ces milliers de femmes, hommes et enfants innocents dans cette sale guerre, victimes de la barbarie des pourvoyeurs ? Que leurs âmes reposent en paix.
Depuis le 19 septembre 2002, l’état ivoirien a été attaqué à partir du sommet avec l’intention ferme de décapiter le pouvoir central. L’opération avait pour objectif apparent l’organisation de nouvelles élections après la vacance du pouvoir assurée par des mutins au compte d’une nébuleuse qui se recrute dans les lobbies du négoce international et les pouvoiristes de partis moribonds. Très tôt, le vote d’une loi foncière à l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire en 1998 a opposé le président Gbagbo à son homologue burkinabé Blaise Campaoré. Il était censé justifier le soutien que ce dernier apporterait aux déserteurs militaires anciennement à la solde du président défunt Gueî Robert.
On entend aujourd’hui le président Gbagbo confesser : « ma plus grande erreur aura été, dans toutes les stratégies de gouvernement que j’ai élaborées avant mon accession au pouvoir, d’avoir ignoré la dimension militaire ». Cette confession doit être interrogée particulièrement quand le chef de l’état ajoute : « il ne peut avoir de prospérité économique sans puissance militaire assise elle-même sur une industrie militaire ». Pourquoi là où les organisations humanitaires internationales contestent la prolifération d’armes lourdes, la course aux armements, le président Gbagbo envisage-t-il une militarisation de la société ivoirienne ?
Houphouet prétendait qu’ « un pays sans armée est un pays sans coup d’état » et ces propos doivent être renvoyés à leur contexte, le parti unique, le parti état. Aujourd’hui les nouveaux tenants du pouvoir, précédemment admis dans l’opposition se souviennent-ils que c’est à partir de 1990 -date de l’avènement du multipartisme, du fait de nombreuse contestations dues à la liberté d’expression, qu’Houphouet a constitué ce qui reste aujourd’hui de la garde républicaine ? En fait cette unité était sa propre garde, le pays, officiellement devant compter sur les soldats français du 43ème RIMA en cas d’attaque extérieure. Laurent Gbagbo ne semble pas avoir hérité des idéologies prétendument pacifistes de celui-là même dont il écoute et ré-écoute les discours lors de chaque commémoration de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Mais ces nouvelles prises de position doivent être écoutées avec attention, d’autant plus lorsqu’elles rejoignent les intérêts d’acteurs qui ne travaillent pas au grand jour.
Un sommet extraordinaire des chefs d’états et de gouvernement, tenu à Accra le 29 Septembre 2002 a créé un groupe de contact pour négocier avec le MPCI un cadre général de règlement de la crise. Un cessez-le-feu a été déclaré le 17 Octobre 2002. Le pouvoir Gbagbo et le MPCI, suite aux recommandations du 29 Septembre, tentent d’engager le dialogue et de régler leur différend par la voie pacifique. Pour cela, un groupe de contact de la CEDEAO réuni à Abidjan le 23 Octobre 2002 a désigné le président togolais Eyadema comme coordinateur pour faciliter la gestion de la médiation entre les belligérants. Depuis, les négociations se font, tantôt progressant, tantôt s’arrêtant, tantôt régressant.
Les revendications du MPCI au départ d’ordre corporatiste et très vite acceptées par le gouvernement Gbagbo, se sont sans transition transformées en revendications d’ordre politique : Ainsi, le MPCI exige la démission sans condition du président, l’organisation de nouvelles élections en dehors des chemins de l’ivoirité ; la révision de la constitution de 2000. Le pouvoir Gbagbo, dans un entretien datant du mardi 19 Novembre 2002, avec les membres du conseil consultatif du commerce extérieur est allé jusqu’à annoncer la révision de la constitution, proposition qui passera bien sûr par voie référendaire fin 2003 début 2004 (Frat Mat. 20 /11/02). Cette proposition fut tout de suite qualifiée par le MPCI de diversion (AFP : Lomé -20/11/02).
On peut imaginer que cette propositions avaient pour principaux objectifs d’attirer les investisseurs économiques en Côte d’Ivoire ou de calmer la tension voire même de gagner du temps pour un vrai débat politique, ce qui se résume par la formule « mettre tout le monde à l’aise », la question qui vient à l’esprit est pourtant à qui profitent réellement ces balles de ping-pong que s’envoient pouvoir et MPCI depuis bientôt trois mois, et qui laissent le pays ingouvernable ?
Un adage africain dit qu’il est difficile de cacher le soleil avec la main ? Le comportement instable que ce soit dans l’organisation même du mouvement MPCI ( changement constant d’interlocuteurs) ou que ce soit dans les revendications souvent boiteuses ou trop souvent téléguidées, montre clairement que les négociations ne se font pas à Lomé. Etant donné l’arsenal militaire dont le MPCI dispose, compte tenu de l’intransigeance des parties, le pays est actuellement paralysé (avec la remise en cause des institutions de l’état : création d’une nouvelle radio, télé, maîtrise d’une partie du pays...). A l’opposé, que fait le pouvoir Gbagbo pour garantir l’intégrité du territoire national, défendre la constitution, limiter la marge de manoeuvre des spéculateurs, protéger les droits et libertés des citoyens, dans l’intérêt supérieur de la nation ?
Il propose un processus de révision de la constitution qui débuterait au plus tôt fin 2003, pour s’achever au mieux à l’horizon 2005, au terme de son mandat présidentiel. On constate dans un premier temps que désormais la constitution n’est plus aussi intouchable qu’elle était censé l’être. Sa révision, si elle est menée à bien, sera articulée en deux étapes, explique un porte-parole de la présidence (AFP 20/11/02) : -un premier référendum, celui évoqué par M. Gbagbo porterait sur la nécessité ou non d’amender la constitution du pays. Si le « oui » l’emporte, un second référendum serait alors organisé sur les points précis de la constitution soumis à modification... Mais pour que le processus aboutisse, cette proposition devra être validée par l’assemblée nationale qui doit l’adopter au moins 2/3 des voix.
Or, le FPI du président Gbagbo ne dispose pas de la majorité à l’assemblée nationale. Le PDCI (ancien parti unique) majoritaire, s’est dit favorable au principe d’une consultation populaire mais a qualifié pour l’instant la déclaration du chef de l’état de « causerie au coin du feu ». « Nous en prenons acte, se référer au peuple en direct, c’est la base de la démocratie, nous ne pouvons pas la refuser », a déclaré M. Alphonse Djedje Mady, porte-parole du PDCI.
A la lecture de toutes ces déclarations, hésitera-t-on à s’interroger sur les implications de cette militarisation de la société ivoirienne qui aura lieu au moment où le président achèvera son mandat ? C’est un FPI minoritaire (au parlement) qui propose la révision de la constitution. N’est-ce pas une façon de faire le lit de l’ancien régime lequel, bien que concerné par la crise actuelle, joue le jeu du silence, prêt à rebondir sur la scène politique, si un nouvel élan le dote d’une armée forte et d’une légitimité incontestable en vue de l’instauration d’une dictature sans précédent ? Le texte de « Laurent » affirme avec une certitude étrange que « Les acteurs « politiques » proches du PDCI ou du RDR ne sont pas des acteurs directs de cette déstabilisation de la Côte d’Ivoire ». On se demande pourquoi il s’empresse de dédouaner tout le monde alors qu’il n’hésite pas à juger et condamner Mr Antony Ward dont le principal mérite est de pouvoir aisément être constitué en bouc émissaire. Qui ira le chercher ? ses complices réels ou objectifs pourront par contre continuer à piller et confondre les ivoiriens comme si de rien n’était. C’est leurs noms à eux qu’il faut donner. Si l’opposant Alasssane Ouattara n’est pas au centre de l’actuelle crise, n’est ce pas pour autant sous le règne de Bédié que la filière café-cacao a été libéralisée ? et au profit de qui ? malgré qui ?
Le texte de Mr Laurent est incomplet. Il ne constitue qu’un prolégomène à une réflexion sur les responsabilités des uns et des autres dans la crise actuelle. De plus, comme d’habitude, il sert des stratégies de pouvoir personnelles qui ne sont pas claires. Une intervention récente dans le site d’Abidjan.net le dénonce comme produit d’une « campagne mensongère » destinée à « établir entre (des) hauts fonctionnaires qui doivent loyauté au gouvernement et Alassane Ouattara soupçonné d’accointance avec la rébellion, une passerelle de complicité dans l’agression dont est victime notre pays ». Pour le coup ce sont les malversations d’autres acteurs de la scène économique et politique ivoirienne qui sont exposées. Le débat ouvert par le texte de « Laurent » est donc utile : Les pilleurs, se dénoncent et les ivoiriens ont besoin de les juger pour découvrir la vérité.
Autrement dit, face à toutes les stratégies militaires, diplomatiques, politiques, économiques et financières la solution démocratique doit constituer le seul recours. Les chefs religieux, les intellectuels, la société-civile doivent s’unir pour trouver une solution à cette crise. Le pays court un risque d’éclatement (certains disent que c’est déjà le cas). Cela peut se faire sous la forme d’une guerre civile avec des pogroms dans le sud contre le nord et une guerre plus large, avec, éventuellement, l’intervention de forces étrangères qui auront besoin de protéger leurs nationaux en Côte d’Ivoire. Ce peut être aussi sous la forme d’un scénario semblable à celui du Congo Brazzaville avec un affrontement interminable entre milices politiques ponctué de massacres (certains pour venger, d’autres pour revendiquer sans oublier les prédateurs) pendant que les affaires continuent, « business as usual ».