RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Corm : « Seuls les naïfs pensent qu’il s’agit d’un conflit entre sunnites et chiites »

Les événements au Proche-Orient s’accélèrent comme jamais. Saad Hariri, le premier ministre du Liban, vient d’annoncer sa démission de façon insolite, depuis l’Arabie saoudite où se déroule une « révolution de palais ». En Syrie, d’importantes victoires ont été remportées par l’armée et annoncent la fin d’un conflit meurtrier. Quelle sera l’issue de cette crise politique ? Pour approfondir ces questions, nous avons interrogé l’historien et ex-ministre des finances libanais Georges Corm, auteur du livre Le Liban contemporain.

Il y a un an, les élections présidentielles permettaient au Liban de sortir d’une longue période d’instabilité institutionnelle. Comment expliquer ce coup de théâtre ?

Le contexte libanais était effectivement très stable. Le gouvernement constitué par Saad Hariri en décembre comprenait tous les grands partis politiques, à l’exception du parti phalangiste qui s’est érigé en parti d’opposition. Il incluait donc aussi le Hezbollah et les choses semblaient bien se passer : loi électorale et budget adoptés, en particulier. Le ton de Saad Hariri restait très modéré pour ce qui concerne la politique iranienne et celle du Hezbollah, partie à son gouvernement.

Son rappel en Arabie saoudite trois jours après une visite qu’il y avait fait effectuée et son départ précipité sans que personne de son entourage ou des ministres libanais ne l’accompagne montre qu’il s’est agi d’une démission forcée faite en Arabie saoudite, comme tout le prouve, dans un contexte du coup d’État qui se déroule dans ce pays.

Cette démission s’est produite en Arabie Saoudite, où une crise inédite vient d’avoir lieu, avec la mise à l’écart d’une partie du gouvernement.

Le prince héritier, encouragé par le président américain, est en train de changer le régime de cette royauté vermoulue. Il liquide de très nombreux membres de la famille royale, intimide les grands hommes d’affaires du pays et change en fait le régime politique en devenant le dictateur unique du royaume, alors que la règle principale de la famille royale jusqu’ici était une direction de type collégial et un consensus entre les aînés des différentes branches de la famille.

Les changements qui se déroulent visent aussi à mener une « dé-wahhabisation » et une dé-radicalisation religieuse du royaume ; ainsi la permission accordée aux femmes de conduire une voiture, le rétablissement des loisirs en public, notamment, mais aussi l’abolition des consultations avec les cheikhs de l’establishment religieux.

Que révèle selon vous le fait que Hariri ait démissionné depuis un pays étranger et y soit resté à ce jour ?

Il ne fait plus aucun doute que le premier ministre est en résidence forcée en Arabie saoudite. La prestation télévisée faite hier soir avec une journaliste libanaise travaillant à la station de télévision de son parti a confirmé aux téléspectateurs avertis son statut de séquestré (phrases mécaniques et répétitives, visage émacié et plein de tristesse, son besoin de verres d’eau toutes les quelques minutes).

Peut-on établir un lien entre ce qui s’est passé et le dénouement de la guerre en Syrie qui se profile à l’horizon ?

Oui, cela n’est pas à exclure, la situation en Syrie ayant nettement tourné au profit du gouvernement légal de la Syrie. Il peut s’agir d’une forme de représailles de la part de l’Arabie saoudite qui a été avec le Qatar le principal financeur des mouvements terroristes en Syrie.

Il faut aussi rappeler le boycott de l’émirat du Qatar par l’Arabie saoudite et les membres du Conseil de coopération du Golfe, qui ne fait aucun sens, sinon celui de se défausser sur le petit émirat de l’échec de la politique en Syrie.

Quelles ont été les premières réactions des différentes forces politiques qui composaient le gouvernement Hariri ?

En dehors de quelques voix extrémistes issues du Courant du futur, parti de M. Hariri, la grande majorité des partis politiques libanais, y compris celui de M. Hariri, réclament avec force le retour du premier ministre.

L’un des ténors du Courant du futur, le ministre de l’intérieur, a fait des déclarations très fortes disant à l’Arabie saoudite qu’au Liban les choses ne se passaient pas comme en Arabie saoudite et que les Libanais ne sont pas un troupeau de moutons.

Quel effet pourrait avoir lieu dans la société libanaise l’appel au retour par l’Arabie de ses ressortissants ?

Aucun, car depuis 2011 ou 2012, ils ont été rappelés et il a été demandé aux Saoudiens de ne plus se rendre au Liban. Cela n’a dû concerner que quelques centaines d’individus. Plus grave pour le Liban serait l’expulsion des 250 000 ressortissants libanais travaillant en Arabie saoudite.

Mais une telle mesure causerait de graves dommages à l’économie saoudienne car la communauté libanaise dans ce pays y joue un grand rôle économique ; il ne s’agit pas de travailleurs pauvres, mais d’hommes d’affaires et de techniciens et cadres de haut niveau. Leur départ contribuerait à paralyser encore plus l’économie saoudienne, mise à mal par la chute des prix du pétrole et les événements intérieurs actuels.

Depuis notamment l’invasion de l’Irak par les USA en 2003, le Proche-Orient est le théâtre de nouvelles ingérences par des puissances étrangères et régionales, que les médias présentent souvent sous la forme de rivalités interconfessionnelles. Dans votre récent ouvrage « Pensée et politique dans le monde arabe » vous dénoncez la notion de « choc des civilisations » comme étant contraire à la réalité pluriconfessionnelle du monde arabe. Quelle influence a la grille de lecture fabriquée par les pétromonarchies dans votre pays ?

En réalité la grille de lecture des pétromonarchies est la même que celle des États-Unis et des milieux de l’OTAN. Tout s’expliquerait par un conflit entre « bons » sunnites et « méchants » chiites que l’Iran manipulerait à sa guise (soit un conflit de type civilisationnel). Depuis l’arrivée de Trump à la présidence des États-Unis, la démonisation de l’Iran a pris des proportions hystériques. Le gouvernement américain estime que la source du terrorisme islamique dans le monde est l’Iran (et non point ses alliés des pétromonarchies), ce qui est évidemment contradictoire aux faits actuels sur le terrain.

La politique saoudienne, devenue elle aussi hystérique, ne fait que refléter la politique américaine actuelle. Ce sont aussi à mon avis les Etats-Unis qui exigent aujourd’hui la « dé-wahhabisation » de l’Arabie saoudite. Pour le Liban, le biais anti-chiite de l’Arabie saoudite n’est pas nouveau. Il s’était déjà exprimé en 2006 lors de l’attaque israélienne sauvage contre le Liban où le royaume avait blâmé le Hezbollah pour son aventurisme et non l’État d’Israël qui, du fait d’un incident de frontière, avait déclenché une attaque de très grande envergure contre le Liban.

Aujourd’hui, l’Arabie saoudite sous prétexte de lutter contre l’influence chiite et l’Iran détruit le Yémen avec des bombardements continus depuis 2015, un siège de ses ports, une épidémie redoutable de choléra qui en a résulté, dans un silence assourdissant de la communauté internationale. La justification de cette guerre intolérable par la nécessité de combattre l’influence d’un « triangle chiite » subversif au Moyen-Orient est une feuille de vigne idéologique pour justifier la politique saoudo-américaine dans la région. J’aime à rappeler ici que c’est l’Irak sous influence des pétromonarchies et des États-Unis qui a tenté en 1980 d’envahir l’Iran et lui a déclaré la guerre et non l’inverse.

On pourrait pour être plus proche des réalités du terrain, résumer la situation en disant que nous sommes dans l’affrontement de deux blocs géopolitiques : celui de l’OTAN d’un côté et l’axe contestataire de la suprématie américaine du monde, soit celui de la Chine, de la Russie et de l’Iran, de l’autre. La Syrie et aujourd’hui le Yémen ont été victimes de cet affrontement ; le Liban avec son premier ministre kidnappé pour son manque d’activisme anti-iranien en souffre lui aussi.

Seuls les naïfs, victimes des grands médias occidentaux et arabes sous influence occidentale, peuvent penser qu’il s’agit d’une lutte entre « sunnites » et » chiites ».

Georges Corm et Alex Anfruns

»» https://www.investigaction.net/fr/corm-seuls-les-naifs-pensent-quil-sa...
URL de cet article 32567
  

Venezuela – Chronique d’une déstabilisation
Maurice LEMOINE
A la mort de Chávez, et afin de neutraliser définitivement la « révolution bolivarienne », les secteurs radicaux de l’opposition ont entrepris d’empêcher à n’importe quel prix son successeur Maduro, bien qu’élu démocratiquement, de consolider son pouvoir. Se référant de façon subliminale aux « révolutions de couleur », jouissant d’un fort appui international, ils ont lancé de violentes offensives de guérilla urbaine en 2014 et 2017 (45 et 125 morts), dont une partie importante des victimes, contrairement à ce (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Les rares personnes qui comprendront le système seront soit si intéressées par ses profits, soit si dépendantes de ses largesses qu’il n’y aura pas d’opposition à craindre de cette classe-là  ! La grande masse des gens, mentalement incapables de comprendre l’immense avantage retiré du système par le capital, porteront leur fardeau sans se plaindre et peut-être sans même remarquer que le système ne sert aucunement leurs intérêts.

Rothschild Brothers of London, citant John Sherman, communiqué aux associés, New York, le 25 juin 1863.

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.