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Connaissez-vous Martin Dumollard ?

Disons-le tout uniment : le patronyme de ce Martin n’a rien à voir avec de quelconques glaviots. Il s’agit de la francisation du nom hongrois “ Dumola ”.

Je ne vous cacherai pas plus longtemps que Martin Dumollard fut l’un des tout premiers tueurs en série français. Pour des raisons socio-historiques qui m’échappent globalement, les tueurs en série commencèrent à faire florès en France, au XIXe siècle. Dumollard fut ainsi le prédécesseur de Joseph Vacher qui inspira à Bertrand Tavernier son beau film Le Juge et l’Assassin avec Michel Galabru. De même, il semble qu’il y ait eu davantage de tueurs en séries dans la région lyonnaise que, par exemple, dans la région lilloise. Peut-être parce que la police du Rhône fut plus efficace, plus scientifique que celle du Nord.

On dit que l’on peut parler de tueurs en série lorsque, d’une part, il y a une série et que, d’autre part, le modus operandi est toujours plus ou moins le même. Dumollard répond parfaitement à ces deux critères : il tua au moins douze femmes, systématiquement des domestiques, selon des techniques similaires, tant dans l’approche que dans l’exécution des victimes. Et il fut secondé par sa propre épouse.

Mollard est né en 1810 dans l’Ain. Il était journalier, ce qui faisait de lui un travailleur très pauvre et à la condition précaire. Il était le fils de Pierre Dumollard et de Marie-Josephte Rey. Trois ans après la naissance de Martin, ses parents ont un second fils, Raymond, qui mourra en bas âge. Premier traumatisme. Dès lors, les habitants de son village vont le surnommer “ Raymond ”. Deuxième traumatisme. Le père de Martin avait fui la Hongrie en raison d’activités criminelles. Il s’était établi à Padoue où il fut reconnu par des troupes austro-hongroises. Il fut arrêté et exécuté par écartèlement, Martin et sa mère assistant à l’exécution. Troisième traumatisme.

Martin commence à travailler comme berger à l’âge de huit ans. Puis comme domestique chez un châtelain de Saint-André-de-Corcy, où il rencontre sa future femme qu’il épousera en 1840.

Sa carrière de criminel commencera en 1855, alors qu’il a 45 ans, un âge peu fréquent chez les criminels de haut vol. Les époux Dumollard auront donc vécu 15 ans sans tuer.

Son mode opératoire est toujours le même : il aborde, à Lyon, des jeunes femmes en leur promettant une bonne place dans la Côtière de l’Ain, au sud-ouest du département, où l’on trouve, par exemple, la très jolie ville historique de Pérouges. Il se fait passer pour un employé de maître et leur offre des émoluments supérieurs à la moyenne. L’enquête retiendra une douzaine de femmes victimes de sa ruse, trois assassinées et neuf violentées, dont une enterrée vivante. Des centaines d’effets personnels seront retrouvés chez les Dumollard, sa femme Marie-Anne recélant ces effets pour les revendre.

Le couple est jugé en janvier et février 1862 après que Dumollard eut décidé, contre toute attente, de coopérer avec la police pour l’aider à retrouver les cadavres. Dumollard est condamné à mort, sa femme à vingt ans de travaux forcés (elle mourra en prison en 1875). Au moins 4 000 personnes assistèrent à ce procès historique, le premier d’un tueur en série en France, voire en Europe. Les journalistes de douze organes de presse étaient présents, dont ceux du Progrès de Lyon et du Journal de Genève.

Le 27 février 1862, le pourvoi en cassation de Dumollard est rejeté, ses deux avocats commis d’office n’ayant pas pris la peine de rédiger un mémoire en défense de leur client. Le 8 mars à sept heures, Dumollard est guillotiné en présence de 5 000 personnes. Sur l’échafaud, il accepte de s’agenouiller et d’embrasser un crucifix.

Dumollard est évoqué par Victor Hugo dans le tome I des Misérables : « La souffrance sociale commence à tout âge. N’avons-nous pas vécu, récemment, le procès d’un nommé Dumollard, orphelin devenu bandit, qui, dès l’âge de cinq ans, étant seul au monde, travaillait pour vivre et voler. » Plus surprenant, Flaubert, qui, sous une écorce rude, cachait de sacrées fêlures, appela un de ses personnages préférés “ Dumolard ”, puis “ Dubolard ”, et enfin “ Bouvard ”.

PS : de nombreuses condamnations à mort suscitèrent, dans la culture populaire, des complaintes, un genre en soi, souvent à succès. Dumollard n’y a pas, si je puis dire, coupé.

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