Violences policières : il faut que ça cesse !
Syndicat National des Journalistes et SNJ CGT
Tirs tendus de grenades lacrymogènes en direction des caméras et objectifs d’appareils photos, charges de policiers et coups de matraques, les images sont toujours les mêmes, largement relayées sur les réseaux sociaux, et les témoignages se multiplient. Il est désormais clair que les journalistes sont devenus des cibles privilégiées, pour une partie importante des forces de l’ordre, coupables depuis début mars de nombreuses exactions, dans le cadre des manifestations contre la loi Travail.
Provocations verbales, bousculades, coups de matraques, grenades de désencerclement lancées à hauteur de torse, on ne compte plus les incidents relayés par les consoeurs et confrères qui couvrent les manifestations, visés parce qu’ils sont susceptibles de témoigner du comportement des représentants de la force publique, dans ce qui ressemble à une répression du mouvement social. D’une manière générale, ces violences policières ne font que légitimer la violence des casseurs, et dans cette escalade, le port du brassard presse, permettant de se signaler comme journaliste, est devenu un risque supplémentaire de prendre un coup de matraque, ou d’être visé par un tir tendu de projectile.
Le jeudi 26 mai, un photographe a été plongé dans le coma après avoir été touché par une grenade de désencerclement, en fin de manifestation, à proximité du Cours de Vincennes à Paris. Une enquête est ouverte, le défenseur des droits a été saisi.
Ce jeudi 2 juin encore, en marge de la manifestation à Rennes, et alors qu’il n’y avait pas de contexte menaçant, plusieurs journalistes, notamment de France 3 et de M6, ont été agressés par des représentants des forces de l’ordre : appareils photos ou caméras endommagés, confrères molestés, coups de matraque et même coups de pieds !
En aucun cas, l’Etat d’urgence ne saurait justifier de tels agissements qui ternissent l’image de la France. Ce jour, la fédération européenne (FEJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ), qui sera réunie toute la semaine à Angers, dans le cadre de son 29e congrès mondial, ont alerté le Conseil de l’Europe sur ces faits.
Le Syndicat National des Journalistes (SNJ) et le Syndicat National des Journalistes CGT (SNJ-CGT) dénoncent ces agissements indignes d’une démocratie et d’un Etat de droit, et exigent des explications :
– quelles sont les consignes données aux forces de l’ordre ?
– quelles sont les suites données aux plaintes déposées, face aux trop nombreuses preuves qui s’accumulent depuis plusieurs semaines de dérapages systématiques contre la presse ?
Les syndicats français de journalistes condamnent fermement ces atteintes d’Etat à la liberté d’informer, se tiennent à la disposition de la profession pour centraliser les témoignages, et se porter en justice aux côtés des confrères concernés s’ils le souhaitent. Ils demandent à être reçus dans les plus brefs délais par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.
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Les bleus n’aiment pas le rouge
Olivier Morin L’Humanité
En à peine une semaine, plusieurs militants impliqués dans la lutte contre la loi travail, notamment des communistes et des syndicalistes ont été la cible de la police et de la justice, venant s’ajouter aux nombreux militants poursuivis par la justice.
Ce mercredi soir, Hugo Poidevin, conseiller municipal PCF de Cherbourg (Manche) et militant du Mouvement jeunes communistes de France (MJCF) particulièrement actif contre la loi Travail avec bien d’autres, attend son train sur le quai de la gare de Rennes (Ille et Vilaine) , la ville où il étudie. Il reçoit soudain un coup de téléphone du commissariat qui lui indique vouloir lui remettre une interdiction de séjour « sur le territoire de la commune de Rennes, le jeudi 2 juin de 7h à 24h », stipule le document. Comme le jeune élu n’est pas chez lui, la police vient lui remettre directement son interdiction sur le quai de la gare ! La raison invoquée de son interdiction ? S’être fait remarquer comme « meneur » du cortège de la manifestation contre la loi travail le 26 mai durant laquelle auraient eu lieu des dégradations, son « inimitié pour les forces de l’ordre sur les réseaux sociaux » et donc, toujours selon le document : « qu’il y a tout lieu de penser que monsieur Hugo Poidevin envisage de participer à la mobilisation du 2 juin 2016 ». « Il n’ y a pourtant pas d’éléments délictueux dans tout cela », s’indigne l’élu et militant communiste qui ajoute que « si l’on suit cette logique, on peut assigner interdire de séjour tous les manifestants ». Évoquant des méthodes proches de celles du film de science-fiction Minority Report, il les qualifie de « tentatives désespérées et pathétiques pour juguler le mouvement social ».
Des tentatives qui touchent d’autres militants sur le territoire. Ainsi, à Tours (Indre-et-Loire), deux étudiants ont été convoqués au commissariat le 1er juin dernier. Il leur est reproché de ne pas avoir quitter le cortège après les sommations de la police, le 26 mai lors de la manifestation contre la loi Travail. Sauf que ce même jour, Marion, étudiante en sociologie et Léonard Lema, secrétaire départemental du MJCF témoignent avoir subi de graves violences de la part des policiers. La première, déclare avoir été blessée par une grenade lacrymogène au mollet droit alors qu’elle portait secours à une dame en difficulté et portait un brassard médical et le second, dit avoir reçu trois coups de matraques sur le bras gauche et un éclat métallique dans le dos provoquant 5 jours d’ITT et 10 jours d’arrêt. D’ailleurs, ils ne pouvaient pas être présents au moment des sommations évoquées par la police puisqu’à ce moment-là, Marion et Léonard étaient admis aux urgences, certificat médical à l’appui. Soutenus par un rassemblement de plus de 100 personnes devant la préfecture, ils ont déposé une plainte pour coups et blessures et esperent l’ouverture d’une enquête par l’IGPN.
Dans la Loire, le secrétaire départemental du MJCF a lui aussi reçu une convocation au commissariat jeudi matin ainsi que 3 autres syndicalistes CGT à qui il est reproché d’avoir pénétré dans la permanence du député socialiste Jean-Louis Gagnaire dont la porte aurait été forcée. « Rien n’a été ni dégradé ni volé à l’intérieur de la permanence du député qui défend la loi travail, qui a voté l’ANI et la loi Macron et à qui les militants voulaient signifier leur désapprobation », précise Christopher Januel, ouvrier et adhérent des jeunes communistes. Le militant stéphanois évoque « une chasse aux rouges », rejoignant les mots d’Hugo Poidevin qui affirme : « Ils savent que l’on est une force structurante du mouvement contre la loi travail. Ce n’est pas un hasard si nous sommes visés ».
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Saint-Malo : onze collégiens blessés... par la police
Laurent Mouloud L’Humanité
Alors qu’une centaine d’enfants, de parents et de profs manifestaient, jeudi, contre la fermeture de leur collège, les forces de police ont procédé à une évacuation d’une violence inouïe.
« Ils sont tellement crevés qu’ils nous ont peut-être confondus avec des manifestants anti-loi El Khomri ? » ironise un prof. Mais il n’a pas franchement le cœur à rire après l’invraisemblable intervention policière qui s’est déroulée, jeudi matin, devant le collège Surcouf de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Un coup de force qui s’est soldé par onze élèves blessés et la venue d’une cellule psychologique !
Au départ, il ne s’agissait pourtant que d’un classique rassemblement de protestation. En début de semaine, l’équipe du collège a, en effet, appris que l’éducation nationale et le conseil départemental a décidé de fermer, à la rentrée 2017, leur établissement classé en zone d’éducation prioritaire. Une décision abrupte qui ne passe pas. Du coup, enseignants, parents et élèves décident d’organiser ce jeudi matin une mobilisation devant les locaux. Dès potron-minet, certains viennent avec des banderoles et des chaînes pour cadenasser l’entrée. Le chef d’établissement s’inquiète. Et prévient l’inspecteur d’académie, qui demande l’évacuation.
Vers 9 h 45, les services de police débarquent et tout dérape. Ils font sauter les cadenas à l’aide de pinces et provoquent une bousculade générale, au milieu d’enfants dont certains ont à peine onze ans. « Les policiers sont intervenus sans semonce et ont foncé sur nous violemment », assure une mère d’élève. Une autre doit quitter précipitamment le groupe pour protéger sa fille en fauteuil roulant, tout en voyant son mari se faire « expédier de manière violente ». Le calme revient finalement vers 10 h 30. Bilan des coups : onze gamins blessés, dont trois finissent à l’hôpital, et beaucoup d’autres sous le choc, nécessitant l’ouverture d’une cellule psychologique...
« On a connu ça, ces dernières semaines, lors des manifestations contre la loi travail, mais jamais lors d’une mobilisation devant un collège », déplore Patrick Tarroux, membre du secrétariat départemental du Snes-FSU. Une conférence de presse de l’équipe éducative devait se tenir jeudi, en fin d’après-midi, pour dénoncer ces méthodes scandaleuses. Et réaffirmer leur opposition à la fermeture du collège.
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