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Chavez éteint la télé putschiste, Maurizio Matteuzzi.








Il manifesto, jeudi 28 avril 2007.


Demain (28 avril 2007) sera le dernier jour où Rctv - une des grandes chaînes privées du Venezuela- pourra transmettre en clair. Le seul regret qu’elle laissera chez la plus grande partie des vénézuéliens sera pour les telenovelas, passion nationale, qui étaient d’excellente qualité.

Est-ce une censure contre la « liberté d’information » du gouvernement « autoritaire » de Hugo Chavez, engagé dans l’accélération poussée de son « socialisme du XXIème siècle » : nationalisation des ressources pétrolières et ré-aquisition du contrôle d’état des services publics (la compagnie des téléphones Cantv, de l’électricité Aes), contrôle des prix à travers le réseau des marchés populaires, menaces d’expropriation contre les profiteurs (les cliniques médicales privées), « out-out » [1] un non sec aux partis de la coalition pour entrer dans le prochain Partido socialista unido de Venezuela (Psuv) à venir.

Ou bien vendetta contre une « voix critique » ?

Censure certainement pas, parce que dans le Venezuela « bolivarien » les médias sont presque tous, au moins à 90 %, dans les mains de l’opposition. Et même, après le suicide par excès de corruption des socio démocrates de l’Ad et des socio chrétiens du Copei, ils ont été, de 1998 jusqu’aujourd’hui, la seule véritable opposition. Libres de diffuser non seulement les critiques dues à un président sans aucun doute conflictuel mais aussi les bêtises les plus obscènes et les insultes les plus éhontées. Ou pire, comme pendant les 47 heures du putsch avorté d’avril 2002 et les deux mois du « paro » (blocage, NDT [2]) du syndicat patronal de la fin de l’année.

Vendetta peut-être, même s’il serait plus juste de la qualifier de riposte. En décembre, juste après avoir gagné la douzième élection populaire (et démocratique...) depuis 98 et avoir été triomphalement réélu président, Chavez avait dit que la licence vicennale (vingt ans) de Radio Caracas Television ne serait pas renouvelée à la date de son échéance normale : le 27 avril 2007. Et il en sera ainsi. A partir du 28, la chaîne 2, d’où émet Rctv, deviendra la « première télévision de service public du pays », et sera probablement confiée à des coopératives de journalistes engagés dans le développement des médias communautaires : ce dense réseau de journalistes de la presse écrite, radios et télés « d’en bas » avec qui Chavez essaie de se défendre de l’assaut incessant des grands medias, qu’il appelle dans son langage nuancé « la canaille médiatique ».

Marcel Granier, grand et multimilliardaire chef du groupe 1BC - 40 radios et chaînes télévisées, en plus de Rtcv- l’a mal pris, évidemment. Il a dit que la décision du gouvernement est « illégale », que c’est une attaque contre la liberté d’expression » et même qu’elle « viole les droits humanitaires ». Le gouvernement a répliqué que « la station appartient à l’Etat » qui a le droit de la concéder sous licence (et de la révoquer), alors que les infrastructures sont une « propriété privée » que le gouvernement est disposé à acheter si Rctv les lui vend (comme c’est déjà arrivé, à un prix supérieur à ceux côtés en bourse, pour les actions Cantav et AES).

De raisons juridiques, pour ne pas renouveler la licence à Rctv, il y en a à foison. Depuis l’article 58 de la constitution bolivarienne de 1999 qui garantit « le droit à une information véridique et objective » en descendant tranquillement jusqu’aux lois et règlements. Violés systématiquement par Rctv, qui entre autres, doit au fisc 1,5 milliard de dollars de bolivares (700 mille dollars). En ondes depuis 1953 - le plus vieux de ce que Chavez a appelé « les 4 cavaliers de l’apocalypse » : Venevision, Globovision, Televen-, Rctv pourra transmettre à partir de samedi seulement par câble ou satellite.

En plus des raisons juridiques, il y a les raisons politiques. Celles là aussi à foison. Indéniable l’accusation de Chavez contre Rctv qui, derrière une façade de « liberté d’information », est « une télévision putschiste ». Pendant le putsch de 2002, quand le peuple descendu des ranchitos surplombant Caracas et les militaires fidèles à la constitution ramenèrent Chavez à Miraflores (le palais présidentiel, NDT) la télé interrompit tout d’un coup toute information et commença à diffuser des dessins animés de Tom et Jerry et le film Pretty woman.

A l’étranger, les lamentations de Rctv ont trouvé le meilleur accueil et une pluie de critiques est en train de tomber - et tombera- sur le « dictateur » Chavez.

Il vaut la peine de rappeler qu’en dix années de gouvernement chaviste la seule télévision qui fut fermée d’autorité fut la Venezolana de television, Vtv, la seule chaîne d’état. Et ceux qui la firent fermer furent les hyper démocrates - patronat, syndicat, partis, hiérarchie ecclésiastique, presse libre- auteurs du putsch.

Maurizio Matteuzzi


 Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio




Venezuela - Affaire RCTV et nationalisation de la CANTV : mensonges médiatiques et éclairage, par Romain Migus.






[1« out out ! » slogan des manifestations pro patronales de 2002, les manifestants réclament le départ de Chavez en anglais... ! L’auteur reprend ironiquement le terme contre les partis qui avaient organisé ces manifestations (du moins c’est ce que j’imagine...ndt)

[2Sur le blocage pétrolier de l’opposition patronale voir aussi sur le Réseau Voltaire : www.voltairenet.org/article121011.html.


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