Changer ? Chiche !
Nez dans le guidon, pris dans l’immédiateté médiatique consumériste imposée, la peur des lendemains anxiogènes permanents, le paravent d’un réchauffement climatique culpabilisateur, les véritables enjeux de notre avenir sont occultés, consciemment ou inconsciemment.
Constats
Dans tout manuel scolaire et économique, prenant souvent la roue comme exemple, l’invention de la machine par l’homme répond à deux objectifs précis : d’une part, augmenter la productivité ; d’autre part, libérer l’homme du travail. Ce postulat de base est toujours en vigueur de nos jours, même si le périmètre a bien changé : alors qu’il a fallu des millénaires pour inventer la roue, aujourd’hui, ce sont des dizaines de milliers d’inventions qui sont déposées, chaque année, à l’Office européen des brevets, autrement dit, des millions à travers le monde. C’est ce que l’on appelle communément la courbe exponentielle du progrès. Une courbe aujourd’hui amplifiée par l’intelligence artificielle faisant exploser l’univers du travail et les emplois. La révolution 5G à venir est un tsunami : ce n’est rien d’autre que l’anéantissement total du secteur tertiaire.
L’intelligence artificielle répond aux mêmes objectifs définis pour la machine : augmenter la productivité, libérer l’homme du travail. Les stocks en tous genres, les entrepôts regorgeant de marchandises, sont là pour rappeler que nous sommes, au moins dans l’hémisphère nord, bien plus près de la surproduction que de la production. Sur l’autre point, l’intelligence artificielle, qui en est aux prémices, s’impose chaque jour davantage, facilitant incontestablement la tâche, mais supprimant des pans entiers d’activités. Là où 3 000 ouvrières produisaient 1 000 000 de pull-overs par an, 30 assurent aujourd’hui la même production. On pourrait citer des milliers d’exemples. L’explosion de la robotique, l’intrusion massive de la nanotechnologie et de la domotique, génèrent des migrations technologiques gigantesques, mais également des suppressions massives, violentes, incompréhensibles, en terme d’emploi. Une nouvelle société émerge. Plus de machines et d’intelligence artificielle, moins d’emploi ! Plus de temps libre, moins de travail ! La mondialisation en cours, qui délocalise les productions dans d’autres lieux de profits, amplifie ce qui devient une évidence : le travail se raréfie. On s’angoisse, on crie au scandale, mais n’est-ce pas l’objectif initial voulu : libérer l’homme du travail ?
Cela n’empêche nullement les politiques de prêcher, à chaque élection, pour une politique de plein emploi. Le travail est un droit constitutionnel. À les entendre, les courbes de la consommation et du chômage, qui croisent celle de la croissance, grâce à une inflation bien maîtrisée, par l’intermédiation d’une Enarchie à la solde des multinationales et des GAFA, sont les clés de notre avenir. En réalité, ils ne maîtrisent rien, n’ont aucune stratégie autre que celle du profit, et ont pour seul horizon une gestion au jour le jour de nos existences. C’est le syndrome de l’immédiateté de la chose, d’un individualisme porté à son paroxysme...
Le travail se raréfie. Devant cette évidence, dans le nouveau paysage que le libéralisme ambiant impose, nous assistons, non pas au partage du travail, mais à sa précarisation. Banquiers, financiers et GAFA souverains, veillent désormais sur nos vies, se targuant aujourd’hui, devant l’échec affiché des politiques, de prendre les choses en mains, reléguant nos élus au rôle de simples spectateurs. Les uns comme les autres ne répondent cependant pas à une simple question de fond : pourquoi, si la machine et l’intelligence artificielle libèrent effectivement l’homme du travail, ne pas accepter cette réalité ? La liberté serait-elle devenue un fardeau ? C’est le sens de l’Histoire, le sens du progrès, encore une fois, l’objectif de la machine et de l’intelligence artificielle. Loin de s’inquiéter, il faut s’en réjouir.
Solutions
Loin d’être un handicap, ce constat, si nous apprenons à le maîtriser, est une occasion à saisir pour nos sociétés. C’est une simple vue de l’esprit. Il ne faut plus considérer une vie à partir d’un travail, mais prendre son existence à partir d’un projet de vie, avec une fiscalité assise sur la taxation de l’intelligence artificielle et des flux financiers. On répondra que c’est une utopie. L’instauration d’un revenu minimum de vie deviendra vite, une fois la globalisation économique en place, une évidence, chez nous, mais aussi, bientôt, dans le monde.
L’utopie du plein emploi nous emmène vers le principe des projets de vie. Grâce à l’intelligence artificielle, l’homme libéré de demain sera le moteur de son existence, en définissant lui-même son projet de vie, qu’il aura longuement mûri dans une scolarité, non plus basée sur la peur et la nécessité de trouver une place économique, mais sur un éveil et des choix personnels pour se positionner librement dans la société. Accompagner la vieillesse de l’autre, préserver le cadre naturel, soutenir le développement de l’hémisphère sud, combattre les isolements, œuvrer pour la culture ou la création artistique... Autant de projets de vies qui auraient un autre sens que d’enrichir une poignée d’hommes au détriment de l’espèce humaine et notre espace vital...
De la théorie à la pratique, il n’y a qu’un pas que les sphères dirigeantes se gardent bien d’évoquer. Les mesures immédiates et essentielles pour un changement radical pourraient suivre cette base :
1) Réforme de la fiscalité :
- Imposition non plus par rapport au revenus, mais par rapport au taux de possession d’intelligence artificielle. Pour les particuliers, création de quatre « packs » familiaux forfaitaires et progressifs intégrant voiture, ordinateur, petit électroménager.
- Redéfinition exhaustive du mot « Public » par un comité de Sages issus de la société civile, avec instauration d’un principe intangible : impôt public, utilisation publique.
2) Réforme du droit du travail :
- Suppression des charges sociales pour l’embauche d’un humain, celles-ci étant reportées sur les ordinateurs et le taux d’automatisation d’une entreprise.
- Suppression des contrats de travail, avec l’instauration d’un échange de « gré à gré » entre l’employeur et le salarié.
Ne devrions-nous pas nous réjouir ? N’est-ce pas l’objectif initial dévolu à celle-ci ? Alors ?
Bien simplement parce que nous sommes tous les enfants de sociétés qui font du travail du pauvre la condition nécessaire pour asseoir les privilèges des castes dirigeantes. Nous sommes persuadés que la base de notre vie est un échange, avec la nécessité d’un patron ou d’une structure pour nous verser un salaire décent. Le travail est obligatoire. Dès notre plus jeune âge, nous sommes formatés dans cette vision des choses. Nous avons construit notre histoire sur ce principe. Pour les sphères dirigeantes, le travail n’est pas une finalité, mais un moyen pour tenir les masses à disposition. Le chômage est comme un bâton virtuel que l’on agite. Toute économie libérale, pour un bon développement, le bien être de l’actionnaire, doit maintenir un chômage entre 8 et 10%. C’est un chiffre défini. C’est celui qui met la « bonne pression » sur le salarié... Nous maintenons l’illusion du plein emploi par une série de mesures très douteuses : statistiques, radiations, obligations, déréglementations. C’est un colossal pas en arrière. Quelle différence entre ces mineurs, ces petites mains de nos grands-pères et une désosseuse d’abattoir, un pupitreur ou l’enfer d’un centre d’appels ? Les acteurs sont les mêmes, seul le décor a changé.
Dans un tel contexte de peur, d’individualisation, de recul social, ne plus avoir à travailler dans ce cadre fait peur... Occultant le rôle fondamental de l’intelligence artificielle et du progrès inhérent à celle-ci, nous admettons cette certitude du travail alors que personne ne peut basiquement répondre de manière précise à savoir si la nature de l’homme est de travailler ou pas. Avons-nous de la fourmi ou de l’abeille ou sommes-nous comme le lion ou l’ours ?
La machine et l’intelligence artificielle, sous quelle que forme que ce soit, en libérant l’homme du travail, font du plein emploi une utopie. C’est une réalité incontournable et tous les discours n’y changeront rien. Une fois le nouvel ordre mondial mis en place, une fois l’économie planétaire établie, l’intelligence artificielle prenant partout possession de l’espace, il y aura de moins en moins d’emplois. Les restructurations et les délocalisations en cours sont trompeuses. Elles créent une multitude d’activités, d’entreprises générant de nouveaux emplois, mais, tout en étant très versatiles, instables, souvent ultra libérales, supprimant des secteurs couvrant des centaines de milliers de salariés. Ce que nous observons aujourd’hui dans les sociétés modernes.
3) Réforme de l’Etat :
- Réaffirmation du principe de séparation des églises et de l’État, avec un élargissement à celui des entreprises et une nationalisation des énergies et des entités qui touchent aux droits inaliénables de l’individu.
- Instauration d’un revenu minimum de vie de 1000€ mensuels de la naissance à la mort, pris en charge par l’intelligence artificielle et les flux financiers. Ce coût a priori exorbitant (700 milliards d’euros), doit être mis en corolaire avec la disparition de la CAF, de Pôle Emploi et de nombreuses structures étatiques n’ayant plus aucune utilité, un complément de revenus s’effectuant par un travail négocié, de gré à gré, sans charge, auprès des entreprises.
- Instauration d’un référendum annuel, le 1er sur trois questions sociétales retenues par le biais de cahiers de doléances signés par les citoyens, avec un effet immédiat.
- Reclassification des délits en « cols blancs », non plus en correctionnelles, mais en cours d’assises.
L’intelligence artificielle est un tsunami qui va tout emporter si nous, humains, ne contrôlons pas urgemment son développement et son appropriation par les castes dirigeantes et les multinationales. Le Transhumanisme avance à grand pas. Il frappe à notre porte. Opportunité ou carcan, ce choix nous appartient. Loin d’être un problème, cette révolution sociétale est une chance à saisir, encore faut-il en avoir les moyens et cela, on s’en garde bien de nous les donner. Sans doute faudra-t-il les prendre. Quand et comment ? C’est là toute la question... Les « Gilets jaunes » sont un premier signe. Nous sommes à la croisée des chemins... Alors, changer ? Chiche !
Ollivier Ruca