Fin de manif du 1er mai. Il est un peu plus de 20 heures, place de la Bastille à Paris. A gauche de l’Opéra, un groupe de jeunes punks zone sur les marches. Des gendarmes mobiles ont pour consigne de les déloger, afin d’éviter les embrasements de fin de cortège. Soudain, une demi-douzaine d’encapuchonnés, baskets aux pieds, crânes rasés et bardés d’autocollants " Casse-toi pauv’con " ou " Rêve générale ", volent au secours de leurs camarades zonards.
Certains ont le visage masqué. Ils invectivent les gendarmes, les provoquent, prennent le reste de la foule à témoin... La tension monte, des projectiles volent. Forcément, ni une ni deux, les bleus embarquent tout ce beau monde, comme pris dans une souricière. Tout, sauf la demi-douzaine de provocateurs qui réussissent à s’évaporer. Et pour cause : ils sont de la maison poulaga...
Casseurs anticasseurs
Une heure plus tôt, une trentaine de ces "chauffeurs" de manifs sortaient, deux par deux, de fourgons de police stationnés boulevards Richard-Lenoir, comme en témoignent des photographies dont "Le Canard" dispose.
La préfecture de police ne nie pas leur existence.
Difficile : de mémoire de manifestants, il y a toujours eu des flics en civil dans les cortèges. Et toujours, également, des " pousse-au-délit ". Mais, cette fois, ils ont été pistés depuis leur car jusqu’à leurs exploits sur le terrain. Ces faux manifestants font partie d’une " compagnie de sécurisation ". Elle a été créée, officiellement en 2005, par Sarko, inventeur du " provoquer plus pour coffrer plus ", à l’issue des manifs de lycéens opposés au projet de loi Fillon, alors ministre de l’Education. Selon la préfecture, il s’agissait de " protéger les manifestants " contre les provocateurs, les voleurs, les casseurs, etc. Depuis, ladite "compagnie" a fait ses preuves dans toutes sortes de manifs, au point qu’il est question d’en créer d’autres ailleurs en France.
Ses membres agissent en civil, sans signe distinctif d’appartenance à la police, cherchant "le flag’ ". Voire en le provoquant, comme ce 1er Mai à Paris, puis en désignant aux " collègues " les jeunes à interpeller.
"C’est plus efficace pour la procédure pénale ", confie au "Canard" un gradé à la Préfecture.
Heureusement, Sarko veille. Le 21 avril, depuis Nice, il a promis une nouvelle loi pour - entre autres joyeusetés - faire la chasse aux " cagoulé " dans les manifs et punir de 3 années de ballon la simple " appartenance à une bande " (...)
(Le canard Enchainé, 6 mai 2009)