Selon le directeur, Jean-Jacques Venutier, ce document daterait de 2005, soit trois ans avant l’arrivée du manager. Les profils de certains salariés y sont dépeints : « sympathisant », « à surveiller », « irréductible », « suiveur », « adhérent CGT », « délégué syndical CGT à marquer à la culotte », ou encore « récupéré ».
Des cases rouges semblent cibler les salariés les plus récalcitrants. Des cases vertes pourraient désigner les éléments potentiellement nuisibles. Les cases incolores, elles, ne mentionnent rien.
Souvent, des entreprises définissent des profils de salariés pour mieux les comprendre. Mais lorsqu’elles décrivent des commentaires désobligeants en face de noms, comme à Anglet, le procédé dérange. Au point que la CGT organise une manifestation devant le Castorama angloy, le mardi 6 novembre, de 11 h 30 à 13 heures [1].
La chasse aux syndicalistes serait donc ouverte au magasin de bricolage ? « Oui, pense Christophe Punzano. Et encore, ce document n’est que la partie émergée de l’iceberg. Délégué syndical sur le site angloy, l’homme s’est ainsi mis en tête de faire vaciller l’édifice.
« J’ai déjà attaqué la boîte à deux reprises, mais je n’étais pas bien préparé, confie-t-il. Cette fois, nous sommes deux Angloys à déposer un dossier aux prud’hommes pour discrimination syndicale. Et nous avons de la matière. »
Christophe Punzano détient plusieurs documents : le compte rendu de mission du vrai-faux salarié de Villenave, appelé la « taupe » (2), mais aussi un guide supposé sur la stratégie sociale de Castorama en France, qui préconise d’écarter une organisation syndicale pour en légitimer une autre. Le délégué possède aussi une synthèse des enjeux avant l’année 2012, présentant comme un atout « une équipe préservée de l’ambiance syndicalisée du magasin ».
Une valeur devra être attribuée par le tribunal à ces documents. De plus, il s’agira de distinguer les initiatives individuelles de quelque manager et la philosophie globale de Castorama… Un travail qui empêchera peut-être le syndicaliste de "dépasser le stade d’Anglet" et ses histoires de fichage présumé, comme il l’entend.
Pour l’heure, des recommandations de l’inspection du travail (Direccte Aquitaine) à l’attention de la direction angloye confortent Christophe Punzano dans sa démarche.
Or le directeur du site angloy, Jean-Jacques Venutier, ne ripostera pas. Pour ce faire, de toute façon, il y a ce qu’il faut Chez Casto : une cellule de communication parisienne, dirigée par Claude Dehais.
Avant la manifestation, cette dernière revient sur les faits : « M. Punzano a saisi deux fois les prud’hommes pour des questions de discrimination syndicale. Il a été débouté sur l’intégralité de ses demandes, à Bayonne et à Pau. Maintenant, il saisit donc le tribunal de Lille ». Soit.
Mais quid du prétendu « fichage » des employés ? « Tous les documents dénoncés sont des fichiers Excel dépourvus d’en-tête. Leur origine n’est pas ‘‘certifiable’’ », répond la communicante.
En creux, est-ce à dire que ces documents ont été fabriqués de toutes pièces par les syndicats, pour déstabiliser la direction ? « Ce n’est pas ce que j’ai expliqué », répond Claude Dehais.
D’après un article de Thomas Villepreux pour Sud-Ouest.