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Le Couac

Canada : Les bons d’éducation (1/2)

Raymond-LA-SCIENCE

L’ADQ propose, en éducation, l’instauration d’un programme de « bons d’éducation » et que ce sujet va donc vraisemblablement être beaucoup discuté au Québec dans les prochains mois. Or cette notion - et les nombreux enjeux qu’elle soulève - ne sont probablement pas familiers à bien des personnes.

Qu’est-ce qu’un bon d’éducation et d’où vient donc cette idée ?

Commençons par la deuxième question. L’idée de bons d’éducation - en anglais on dit des vouchers - a été mise de l’avant par l’économiste Milton Friedman, le bien connu chef de file de l’École de Chicago. Comme on sait, lui et ses théoriciens sont des défenseurs du libre marché, de la concurrence et de la privatisation, en quoi ils voient la solution à tous nos maux. Les bons d’éducation s’inscrivent dans cette logique. Friedman en a émis l’idée il y a des décennies mais c’est durant le règne de Ronald Reagan, dont il était le gourou économique, qu’elle a fait son entrée dans les débats publics. L’idée est toute simple et pour la comprendre, laissons parler Friedman lui-même. Dans leur best-seller Free to Choose (p.160-161), Milton et Rose Friedman (sa femme) écrivent ceci : « Supposons que votre enfant fréquente une école publique primaire ou secondaire. En moyenne, au pays, cela coûte au payeur de taxes - c’est-à -dire à vous et moi - environ $2 000 par an (en 1978) pour chaque enfant. Si vous retirez votre enfant de l’école publique et l’inscrivez à une école privée, vous faites faire aux contribuables une économie annuelle de $ 2 000 - mais vous ne recevez aucune part de cette économie si ce n’est celle qui vous revient alors qu’elle se répercute sur tous les contribuables, ce qui signifie tout au plus quelques sous de moins sur votre facture d’impôt. Mais vous devez payer l’école privée en sus de vos taxes - ce qui constitue un fort incitatif à laisser votre enfant à l’école publique.

Supposons maintenant que le Gouvernement vous dise : « Si vous nous soulagez de la dépense de scolarisation de votre enfant, on vous octroiera un bon d’éducation, un morceau de papier échangeable contre une somme d’argent convenue si et seulement si cette somme est utilisée pour payer le coût de la scolarisation de votre enfant dans une école reconnue ». Cette somme peut-être de $ 2 000 ou peut être moindre, disons $ 1 500 ou $ 1 000 de manière que soient partagées entre vous et les autres contribuables les économies réalisées. Mais quel que soit le montant, il éliminerait d’autant la pénalité monétaire qui limite actuellement le choix des parents. [...]

On pourrait et on devrait permettre aux parents d’utiliser ces bons non seulement dans les écoles privées mais aussi dans les écoles publiques - et pas seulement dans les écoles de leur district, de leur ville ou de leur province, mais dans toute école qui est disposée à admettre leur enfant. Cela permettra de donner à chaque parent une plus grande liberté de choix et en même temps obligerait les écoles publiques à se financer elles-mêmes en facturant des droits de scolarité (entièrement, si le bon correspond au coût total ; partiellement, dans le cas contraire). De cette manière, les écoles publiques seraient en compétition à la fois entre elles et avec les écoles privées.

Un tel programme ne soulagerait personne du fardeau de l’impôt destiné à financer l’éducation. Mais il offrirait aux parents un choix plus étendu quant à la forme que prendra cette éducation que la communauté s’est engagée à fournir à leur enfant. [...] »

Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?

Aux États-Unis, l’idée a tout particulièrement intéressé trois groupes : les partisans du tout-au-marché, les adeptes de l’éducation à domicile ainsi que les groupes religieux extrémistes ou conservateurs. De nombreux (huit) référendums ont eu lieu depuis 30 ans, tous perdus par les partisans des vouchers.N’empêche : durant les années 90, quelques d’États ont mis en oeuvre des programmes de bons d’éducation menés à diverses échelles et selon différentes modalités pratiques. Les plus importants sont ceux de Milwaukee (1990), Cleveland (1996) et Floride (1999). Fin juin 2002, la Cour Suprême des É.U. a lancé un immense pavé dans la mare en décidant (à 5 voix contre 4) que le programme de Cleveland était constitutionnel et offrait aux parents une véritable occasion de choisir.
Ajoutons que l’idée attire désormais beaucoup de parents et, selon des récents sondages (1999), une majorité de Noirs (68%). Et rappelons aussi qu’une certaine gauche a déjà proposé un tel programme, pour parvenir à la déscolarisation de la société - Illich, dis-moi, tu t’attendais à ça ?

Qu’est-ce qui est en jeu, là -dedans ?

Bien des choses et les protagonistes ressassent constamment les mêmes arguments. Dans le coin droit, les pro-vouchers : le système public est en ruines : les bons permettent de l’assainir par la compétition ; ils donnent aux parents une réelle possibilité de choisir ; ils permettent de diminuer le coût de l’éducation ; la recherche montre que les gosses y ont des résultats scolaires meilleurs et que les pauvres et les minorités en sont le premiers bénéficiaires ; ils sont enfin constitutionnels. Dans le coin gauche, les anti : le système public n’est pas en ruines, mais les bons vont exacerber les causes de ce qui y va mal ; le marché et la compétition font très mauvais ménage avec l’éducation et le bien commun ; avec les bons, ça va coûter plus cher et le public va payer pour envoyer des gosses au privé ; les recherches ne montrent aucunement ce que vous dites, au contraire ; ces écoles ne sont aucunement soumises à la reddition de compte, aussi bien financière que pédagogique ; enfin le choix offert est illusoire. Pensez-y : ces écoles peuvent demander des frais additionnels aux bons et donc les meilleures ne seront accessibles qu’aux nantis ; pour accéder à une école encore faut-il s’y rendre : les meilleures seront dans les meilleurs endroits ; enfin, les écoles sont libres d’écrémer à l’entrée, ce que ne fait pas l’école publique, qui se retrouvera sans ressources et avec tous les cas difficiles. Bref : les bons sont une inadmissible forme de subvention publique à la discrimination, à l’enseignement privé, y compris à l’enseignement religieux même sectaire, ce qui viole la séparation de l’Église et de l’État.

Et que dit l’ADQ ?

Ca, on y reviendra la prochaine fois : j’ai plus la place...

Article original paru dans Le Couac, journal canadien.


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