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C’est pas ma faute...

Une publicité très choquante passe régulièrement sur nos antennes télévisées. Tout à fait dans l’air du temps d’un Solférinisme, non pas triomphant, mais médiocre et réactionnaire.

Des personnes âgées répondent toutes la même chose à une question qui n’est pas posée dans le champ : "C’est pas ma faute". Nerveux, le montage fait croire que ces personnes sont interrogées au débotté, comme si elles étaient surprises dans la vraie vie. Ce qui crée un puissant effet de réel alors que nous avons affaire à des acteurs professionnels, des techniciens professionnels, des scène répétées, de nombreuses prises de vue (j’avais écrit "prises de vie", vous allez voir le lapsus !) etc.

Le film crée une forte attente. De quoi est-il question ? Ces personnes âgées ne sont pas responsables de leur âge. Donc, dans les années qui viennent, il va falloir se préoccuper d’elles.

Ce qui est immonde, c’est le présupposé, puis le sous-entendu. Ces deux mots n’ont pas le même sens : un présupposé ne peut être contesté, à moins de rompre le discours ; un sous-entendu peut se discuter. Dans notre pensée, ils se déroulent dans un ordre logique.

Le présupposé, c’est la faute, une faute intériorisée par les participants. Etre vieux relève d’une culpabilité. Ce n’est pas un état physique, mais un problème qui relève de la morale. Un peu comme être jeune, ou chômeur. Le jeune ne parvient pas à s’insérer parce qu’il est glandeur. Le chômeur ne retrouve pas de travail parce qu’il manque de volonté, de "résilience", comme on dit aujourd’hui depuis que les Anglo-Saxons ont imposé ce concept.

Ce qui nous amène au sous-entendu. Non seulement, la vieillesse est une faute, mais c’est MA faute. Il me revient donc de prendre en charge ce qui me tombe sur les épaules. Et comme, "sous-entendu", implicitement, l’Etat, la collectivité, la communauté citoyenne ne peuvent plus, ne pourront plus bientôt, faire face à ce problème, je dois, à mon niveau, individuellement, me retourner vers des entreprises philanthropiques qui pensent au bien-être de mes vieux jours, c’est-à-dire vers des compagnies d’assurance ou des banques privées.

Aujourd’hui, on est "sénior" à l’âge de cinquante ans. Or une personne qui n’a pas eu de problème de santé majeur durant son existence pète des flammes à cet âge-là. La "séniorité" est bien une construction imposée par le capitalisme, la finance et l’entreprise.

Ceux qui gouvernent le monde riche (dans les pays pauvres, la notion de retraite relève de l’impensé) martèlent donc l’idée d’une fin de vie dans la peur. Comme le problème est que ce dernier moment peut durer trente ou quarante ans, il faut imposer aux vieux ce que l’on impose aux jeunes et aux quadras : un sentiment d’insécurité, l’idée d’être superfétatoire et toléré, le couperet quotidien de la ballade de Narayama.

Qui n’est plus productif et rentable est dans la faute.

Bernard Gensane

PS : Ajoutons que l’écrémage des fautifs a déjà commencé. Alors que, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’espérance de vie n’avait cessé de croître, elle est désormais en train de stagner. Par ailleurs, l’espérance de vie en bonne santé a commencé à baisser.

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