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Blanche-Neige et les Etats-Unis

Il est devenu banal de dire que les États-Unis sont aujourd’hui divisés en deux moitiés égales et opposées. Cela vérifie la thèse de Denis Duclos, soutenue déjà dans Le complexe du loup-garou, de 1994 : le thème du double est selon lui fondamental et omniprésent dans la culture anglo-saxonne, et en particulier étasunienne ; dans la plupart des histoires, on retrouve la lutte entre principe du Bien et principe du Mal, mais incarnés dans deux personnages qui sont en fait des doubles, comme Docteur Jekyll et Mister Hyde, Joker et Batman, ou les deux héros de Fight Club ou, aujourd’hui, Biden et Trump. La culture étasunienne nous renvoie ainsi sans cesse de la sauvagerie des meurtres de masse et des guerres interminables à « l’univers gentillet des cartoons ».

Même un joli conte comme Blanche-Neige peut s’intégrer à cette logique.

Blanche-Neige est le premier dessin animé long métrage de Walt Disney : il reçut un accueil enthousiaste et on peut le considérer comme son chef d’œuvre. Son sujet même est un grand classique de la mythologie et du folklore, c’est un conte saisonnier. Mais sa date aussi est intéressante : il a été élaboré entre 1934 et 1937, et, resitué dans son contexte, il fait apparaître des aspects surprenants.

En 1934, Walt Disney réalise le court-métrage The Goddess of Spring (La déesse du Printemps, c’est-à-dire Perséphone, qui inspirera le personnage de Blanche-Neige) : Perséphone a été enlevée par Hadès qui l’oblige à vivre dans son royaume, le monde des morts. Sa mère, Déméter, obtient de Zeus qu’elle puisse revenir sur terre pour y passer la moitié de l’année. Déméter est la déesse de la terre et des moissons ; Perséphone est la végétation, qui disparaît en hiver, pour revenir chaque printemps. De même, dans BN, la sorcière est la reine de la nuit hivernale, qui chasse la végétation, BN ; celle-ci va survivre dans le monde souterrain, « au-delà de la septième chute » (ce qui rappelle les sept replis du Styx, fleuve des Enfers), sous la protection des nains, eux aussi créatures souterraines, qui travaillent dans les mines. Elle sera rappelée à la vie par le Prince, le Printemps.

BN fait partie des contes des frères Grimm, figures marquantes du romantisme allemand. On ne peut pas considérer comme insignifiant le fait que Disney y travaille pendant quatre ans, alors que le régime nazi se met en place, avec sa doctrine raciale, et se lance dans sa première guerre, en Espagne ; d’autant plus que ce qui frappe, quand on visionne le film, c’est son atmosphère germanique. On voit bien qu’il y a du louche, quand on lit la notice Wikipédia sur Blanche-Neige : on y sent la volonté de dédouaner Disney pour ce qu’on peut appeler sa germanophilie. Contre toute évidence, Wikipédia refuse d’employer le mot « allemand », le remplaçant systématiquement par « européen » : « L’Europe, source du film », titre-t-il. Or, s’agissant de contes, tout le monde sait distinguer entre contes français, de Perrault, et allemands ou germaniques, de Grimm, voire danois, d’Andersen. Le mot censuré finira par apparaître, mais dans le cadre d’une dénégation, dans une expression ironique : « Le conte de Blanche-Neige est bien sûr [!] d’origine européenne, ce que certains résumeront à « d’origine allemande ».

Pourtant, l’inspiration germanique est incontestable : la maison des nains, conçue selon Wikipédia par deux collaborateurs suisse et suédois, présente des sculptures végétales et animalières caractéristiques de l’art nordico-germanique ; lors de la Fête, les nains chantent des jodler, technique de chant qu’on ne trouve qu’en Allemagne, en Autriche et dans le Tyrol italien, au son de l’accordéon et de divers instruments à cordes, parmi lesquels un commentateur a même reconnu une cithare (personnellement, je ne l’ai pas vue).

Mais le plus significatif, c’est la fuite de BN dans la forêt, où on voit les arbres la retenir avec leurs branches devenues des griffes, et qui semblent sortis tout droit du film de Fritz Lang et Théa von Harbou, Les Nibelungen (1924). Or, ce film est un véritable manifeste nazi, dans son versant féodal (valeurs de fidélité, honneur) mais aussi racial : il célèbre la supériorité de la race aryenne (représentée en particulier par Siegfried,qui vit en harmonie avec la terre qui lui a donné naissance) sur les sous-hommes juifs (représentés par le roi des nains, Alberich au nez crochu) et slaves (représentés par Etzel, le Roi des Huns qui, dans le film, jouent le rôle de l’ennemi traditionnel russe).
Or, si BN n’a pas été distribuée en Allemagne (parce qu’elle était promue par RKO, qui diffusait des films anti-allemands), Goebbels et Hitler, qui ont bénéficié de projections privées, l’ont beaucoup appréciée : le premier écrira en 1940 qu’il a été « réalisé avec un authentique amour des hommes pour la nature » ; le deuxième comptera BN parmi ses films favoris et le visionnera jusqu’à la fin de sa vie – de préférence aux Nibelungen, qui étaient une épopée tragique finissant par un embrasement prémonitoire du bastion où se sont retirés les Burgondes (les Germains) ; on comprend qu’à la fin de son règne, Hitler ait préféré le happy end de BN.

De son côté, en 1938, lors du séjour aux Etats-Unis de Leni Riefenstahl, cinéaste officielle de Hitler, Disney lui a fait visiter ses studios. Wikipédia aborde la question des idées politiques de Disney sous la rubrique « Rumeurs et légendes urbaines » : on le dit anti-communiste, concède Wikipédia, et, en 1947, il a dénoncé quelques-uns de ses collaborateurs en tant que communistes. Ce qui ne l’empêche pas de conclure : « Il semble plutôt indépendant des extrêmes politiques, mais avec un idéal de monde meilleur » : ça ne mange pas de pain, Hitler aussi avait « un idéal de monde meilleur », selon lui.

On voit bien sûr BN de façon manichéenne, la Reine noire (ou orange) vaniteuse, colérique et cruelle, contre la petite princesse blanche, gracieuse et si vulnérable. Pour les médias qui nous racontent tous les jours le monde comme si c’était un conte de fées, BN serait Biden, persécuté par le méchant Trump. Mais la gentille BN a un côté obscur : lors de son exil dans la forêt, c’est elle qui devient la Princesse de la Nuit, et elle incarne une forme d’harmonie avec la nature avec laquelle un nazi pouvait s’identifier. Elle forme donc avec la Sorcière un autre de ces couples inséparables et réversibles dont le modèle est Docteur Jekyll et Mister Hyde. Les Etats-Unis sont divisés, mais les représentants des deux camps sont aussi inquiétants l’un que l’autre : Blanche-Neige-Biden, ou Blanche-Neige-Trump, des forces obscures sont à l’œuvre.

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Leur Grande Trouille - journal intime de mes "pulsions protectionnistes"
François RUFFIN
GoodYear, Continental, Whirlpool, Parisot-Sièges... Depuis dix ans, à travers la Picardie d’abord, la France ensuite, j’ai visité des usines de robinets, de pistons, de cacao, de lave-linge, de canapés, de chips ; de yaourts, avec toujours, au bout, la défaite. Ca m’a lassé de pleurnicher. Mieux valait préparer la contre-offensive. C’est quoi, leur grande trouille, en face ? Leur peur bleue ? Il suffit de parcourir le site du MEDEF. Ou de lire leurs journaux, Le Monde, La Tibune, Les (…)
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"Aucune femme en burka (ou en hijab ou en burkini) ne m’a jamais fait le moindre mal. Mais j’ai été viré (sans explications) par un homme en costume. Un homme en costume m’a vendu abusivement des investissements et une assurance retraite, me faisant perdre des milliers d’euros. Un homme en costume nous a précipités dans une guerre désastreuse et illégale. Des hommes en costume dirigent les banques et ont fait sombrer l’économie mondiale. D’autres hommes en costume en ont profité pour augmenter la misère de millions de personnes par des politiques d’austérité. Si on commence à dire aux gens la façon dont ils doivent s’habiller, alors peut être qu’on devrait commencer par interdire les costumes."

Henry Stewart, Londres

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