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Avec Raffarin, fini le carnaval !

Par Greg Oxley, La Riposte

Avec l’adoption de la loi Fillon par l’Assemblée nationale, le mouvement syndical, les travailleurs, la jeunesse et les retraités ont essuyé une sérieuse défaite. Malgré l’ampleur impressionnante des manifestations qui ont eu lieu pendant plusieurs semaines, Raffarin a maintenu sa « réforme ». Cette défaite aura des conséquences particulièrement graves pour l’immense majorité des retraités, qui subiront une nette dégradation de leur qualité de vie. Elle se traduira aussi par la chute de nombreuses personnes âgées dans la misère désespérante que connaît déjà une fraction toujours plus grande de la population française.

Au cours de cette lutte, La Riposte soulignait constamment l’énorme puissance potentielle de la contestation qui se développait contre le projet Fillon. Or, cette puissance potentielle ne s’est pas pleinement réalisée. Il y a de nombreuses raisons à cela, mais il faut dire que parmi les plus importantes se trouve le comportement absolument scandaleux de François Chérèque et de l’équipe dirigeante de la CFDT. La capitulation de François Chérèque, le surlendemain des manifestations massives du 13 mai, était une trahison flagrante et honteuse à l’égard des adhérents de la CFDT, mais aussi de tous les salariés et retraités du pays. Son ralliement aux propositions du gouvernement a divisé et affaibli la mobilisation syndicale à un moment critique de la lutte. La direction nationale de FO, elle aussi, a joué un rôle perfide. Usant d’une démagogie « radicale » sur les manifestations, elle s’est opposée sur le terrain à toute initiative susceptible de renforcer l’ampleur et l’efficacité des actions engagées.

Les salariés mobilisés par la CGT et les syndicats des enseignants ont, par leur présence massive, formé la colonne vertébrale du mouvement pour la défense des retraites et contre la décentralisation. Et pourtant, à l’évidence, la direction nationale de la CGT a sous-estimé son adversaire. A la différence de Chérèque, qui a sciemment travaillé à l’échec de la contestation, Bernard Thibault, au moins, voulait convaincre le gouvernement d’ouvrir des négociations. Cependant, les formes d’action sur lesquelles il comptait se sont avérées inadéquates, et n’ont même pas permis d’atteindre cet objectif extrêmement limité.

A notre avis, seule la convocation d’une grève générale de 24 ou de 48 heures, impliquant massivement les salariés des secteurs public et privé, aurait pu forcer le gouvernement à retirer ou à reporter son projet. La nécessité d’étendre le mouvement de grève au-delà du secteur éducatif était comprise par la majorité des travailleurs sur les manifestations, où le mot d’ordre dominant était celui de « grève générale ». Thibault a déclaré à plusieurs reprises qu’il « n’excluait aucune forme d’action, y compris la grève générale », mais en fin de compte, la direction de la CGT n’a pas voulu franchir ce cap, et l’appel à l’organisation d’une grève générale, même de 24 heures, n’est jamais venu.

Thibault maintenait que, de toute façon, l’appel a une grève générale, même de 24 heures, « ne serait pas suivi », et que par conséquent la CGT paraîtrait « ridicule ». Il est vrai que nul ne pouvait prévoir comment les salariés auraient réagi face à un appel à la grève générale, et personne ne pouvait nier la possibilité d’une grève partielle, voire minoritaire. La défection de Chérèque n’arrangeait rien de ce point de vue. Mais la CGT n’aurait pas été ridicule pour autant. De nombreux travailleurs qui, dans un premier temps, n’auraient pas répondu à un tel appel, auraient donné raison à la CGT une fois la réforme adoptée. Ils auraient en effet compris que la CGT les avait prévenus du danger et voulait leur apprendre comment lutter.

Le fait est qu’à ce stade, beaucoup de travailleurs ne se rendent pas compte de la gravité de la situation dans laquelle ils se trouvent. Même au niveau des couches les plus militantes du salariat, nombreux sont ceux qui croyaient qu’il suffisait de faire une série de grandes manifestations et de crier sa colère pour que le gouvernement fasse marche arrière. Sur les manifestations, on ne pouvait qu’être frappé par la confiance exubérante, voire la gaieté des participants. On aurait dit un carnaval ! Cette ambiance traduisait un optimisme qui était fondé sur l’idée - erronée, comme la suite des événements allait le démontrer - que si les manifestations étaient assez importantes, les tambours et les sifflets assez assourdissants, les chants assez militants, les masques et effigies assez effrayants, Raffarin ne pouvait que céder. Après tout, Juppé n’avait-il pas reculé en 1995, sans la participation de tous ? Et Jospin n’a-t-il pas cédé en 2000 ? Mais les temps ont changé et, pour ainsi dire, le carnaval est terminé.

Raffarin n’est pas plus « dur » que Juppé. Mais il opère dans un autre contexte, celui d’une crise économique particulièrement profonde, dans lequel la destruction des services publics et la dégradation des conditions de vie des travailleurs, des retraités, des chômeurs, des malades, et des jeunes sont devenues une nécessité urgente et incontournable. Raffarin ne peut pas céder. Des concessions durables aux travailleurs sont désormais hors de question, et toute concession éventuellement arrachée sera aussitôt remise en cause.

C’est à cette réalité concrète que se trouve confrontée l’immense majorité de la population. Désormais, le progrès social est impossible dans le cadre du capitalisme. Mais ceci ne sera pas compris immédiatement par tous. Les centaines de milliers de travailleurs et d’étudiants qui s’éveillent à la lutte pour la première fois, comme d’autres, plus expérimentés, dont la conscience a été formée dans un climat social plus clément, doivent passer par un apprentissage particulièrement dur, puisque la situation ne laisse plus de place aux demi-mesures ni aux compromis durables. « En finir avec le capitalisme ? Socialiser les grandes entreprises et les banques ? N’est-ce pas un peu extrême ? » se disent-ils. « N’y a-t-il pas un moyen « intermédiaire » de faire face à la crise, un moyen moins difficile, moins radical ? »

Mais la vérité est là . Une vérité qui sera comprise au prix de déceptions et de défaites, mais qui le sera en fin de compte : pour défendre notre niveau de vie, pour lutter contre la pauvreté, contre le chômage et contre l’exploitation sous toutes ses formes, nous devrons mettre définitivement fin à l’emprise des capitalistes sur l’économie.

Greg Oxley

Le 29 août 2003

Titre original : La fin du carnaval

 Source : www.lariposte.com

 Photo : Action Stop pub métro


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